GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Hors du chœur

Nous publions ci-dessous la chronique Palestine de notre ami Philippe Lewandowski, parue dans Démocratie&Socialisme n°232 de février 2016.

Hors du chœur des thuriféraires de la colonisation et des inconditionnels de la politique gouvernementale de Netanyahou (y compris les oxymoriques sionistes de gauche), s’élèvent aussi des voix israéliennes, le plus souvent ignorées ou censurées par les grands médias occidentaux, qui persistent à considérer les Palestiniens comme des êtres humains dont les droits doivent être respectés et défendus.

Dans un contexte très tendu, leurs courageuses prises de position doivent d’autant plus être relayées que leur existence même permet à toute personne de bonne foi de comprendre que la campagne BDS (Boycott – Désinvestissement- Sanctions), loin de s’apparenter à quelque antisémitisme stupide et criminel, représente au contraire un mouvement à la fois éthique, pacifique et civique (à l’image de celui impulsé par Gandhi, à qui François Hollande a récemment rendu hommage), ayant pour objectif l’application du droit international par un État qui s’obstine à le bafouer.

Laissons donc la parole au journaliste Gideon Levy, à l’historien Shlomo Sand, et au militant Miko Peled.

Gidéon Lévy

Régulièrement insulté et parfois menacé de mort, Gideon Levy, s’est vu accorder un garde du corps. Le 14 juillet 2013, le Haaretz, journal dans lequel il écrit, publie son article appelant douloureusement mais résolument au boycott :

« Quiconque s’inquiète réellement de l’avenir du pays doit maintenant être en faveur du boycott économique. […] Il est difficile et douloureux, presque impossible pour un Israélien qui a passé toute sa vie ici, qui n’a pas boycotté le pays, qui n’a jamais envisagé d’émigrer et qui se sent de tout son être attaché à son pays, d’appeler à un tel boycott. Je ne l’ai jamais fait. J’ai compris ce qui motive le boycott et j’ai pu y trouver des justifications. Mais je n’ai jamais appelé d’autres à faire ce pas. Néanmoins, Israël s’engageant dans une nouvelle phase de paralysie profonde tant diplomatique qu’idéologique, l’appel au boycott est une exigence, dernier refuge d’un patriote. »(2)

Shlomo Sand

Devenu célèbre par ses livres « Comment le peuple juif fut inventé » et « Comment la terre d’Israël fut inventée », cet historien a longtemps hésité avant de se rallier à cette campagne. Mais lorsqu’il le fait, c’est sans ambiguïté :

« Pendant des années, j’ai refusé la campagne Boycott – Désinvestissement – Sanctions (BDS). Mais aujourd’hui je pense qu’il n’y a aucune force politique capable de changer le cap, de changer cette radicalisation droitière et pseudo-religieuse de la société. J’accepte maintenant chaque pression sur l’État d’Israël, qu’elle soit diplomatique, politique, économique. Sauf la terreur. Si quelqu’un ne soutient pas BDS aujourd’hui, il doit savoir qu’il aide à la continuation de ce désespoir tragique des Palestiniens qui, sans arme, résistent à ce statu quo. » (1)

Miko Peled

Miko Peled a de qui tenir : son grand-père est l’un des signataires de la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël ; son père, le général Matti Peled, définit la guerre des six jours (1967) comme « campagne cynique d’expansion territoriale » et condamne les occupations militaires qui s’ensuivent ; sa sœur, Nurit Peled-Elhanan, est la mère d’une fillette tuée lors d’un attentat-suicide palestinien, mais interdit aux officiels israéliens (dont Netanyahu) de venir à ses obsèques, et devient cofondatrice de l’association israélienne et palestinienne des Familles endeuillées pour la paix. Miko Peled est un fervent défenseur de la campagne BDS. Il s’exprime aussi avec verve sur ce que devrait faire Israël :

« Que devrait faire un soldat ? Foutre le camp des villes et villages palestinien et alentours. Démanteler, en partant, le mur et tous les points de contrôle. Que devrait faire Israël avec les roquettes tirées de Gaza ? Lever le siège de Gaza, démanteler le mur et les points de contrôle qui s’y trouvent, et laisser au peuple de Gaza la liberté à laquelle il a droit. Que devraient faire les Israéliens ? S’ils n’aiment pas l’idée de vivre dans un pays à majorité arabe, ils peuvent aller ailleurs ou s’y faire et, s’ils choisissent de rester, qu’ils se comportent en immigrants plutôt qu’en colonisateurs. (Cette distinction importante m’a été précisée par mon neveu Guy Elhanan).

Quant à la question la plus large : « Que devrait faire Israël ? » Israël devrait libérer tous les prisonniers palestiniens, abolir toutes les lois qui octroient au peuple juif des droits exclusifs en Palestine, abolir les lois qui interdisent aux Palestiniens de revenir sur leur terre, et débloquer les milliards de dollars qui seront nécessaires pour payer des réparations aux réfugiés et à leurs descendants. Israël devrait alors appeler à des élections libres, une personne une voix, où tous ceux qui vivent dans la Palestine mandataire voteraient à titre d’égaux. Voilà ce qu’Israël devrait faire. »

(3)

L’or du cœur scintille hors du chœur.

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L’article en PDF

(1): Shlomo Sand, « Quand je lis Finkielkraut ou Zemmour, leur lecture de l’Histoire, je suis effrayé », dans L’Humanité, 22-23-24 janvier 2016. (retour)

(2):  Le message fort de Gideon Levy : le refuge ultime du patriote israélien, c’est le boycott, consulté le 01-02-2016. (retour)

(3): Miko Peled, « Que voulez-vous qu’Israël fasse ? », 8 janvier 2016, consulté le 01-02-2016. (retour)

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