GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Au Parti socialiste

Casser les 35 h, ça va augmenter le chômage

Cela fait six semaines au moins que nous débattons de cette question de la modification de la Constitution pour y introduire la notion de déchéance de la nationalité et celle de l’état d’urgence. Nous sommes un certain nombre à penser qu’il n’y a pas à introduire l’état d’urgence, et que plutôt que des lois nouvelles, il faut des moyens nouveaux, recruter massivement des enquêteurs, des policiers, des îlotiers, des juges, des éducateurs, des pompiers, des infirmiers et médecins, ne serait-ce que pour renforcer les besoins évidents révélés le 13 novembre dernier à l’occasion de l’action magnifique de nos fonctionnaires.

Nous sommes visiblement de plus en plus nombreux au fur et à mesure que le débat progresse, à être hostiles à la « déchéance de la nationalité », que ce soit pour les binationaux ou les nationaux. Nous nous étions déjà quittés le 4 janvier alors qu’une majorité écrasante exprimée au BN était « contre », excepté ceux qui avaient inventé la « déchéance pour tous » ; mais celle-ci ne tient pas devant la création indéfendable d’apatrides. Au fond, est-ce la bonne question alors que, lors des attentats du 13 novembre à Paris, les victimes appartenaient à 21 nationalités différentes. Ces attentats lâches ne sont ni une guerre, ni une guerre nationale ; ils touchent tous les pays, toute l’humanité, toutes les nationalités, et on ne voit pas en quoi un symbole du renforcement du nationalisme dans notre seul pays y répondrait.

On constate que cette idée de déchéance est très minoritaire à gauche, très minoritaire dans notre parti : l’émotion est très grande, des motions hostiles ont été votées dans de très nombreuses fédérations et sections, avec une opposition considérable des militants. Ce fut une erreur manifeste de s’engager dans cette voie. La réponse aux attentats n’est pas dans le nationalisme, mais dans l’humanisme. A l’ordre du jour de ce BN il nous était fixé comme but de voter ; et voilà qu’on nous demande de ne pas le faire, pour attendre que le rencontre les partis et présidents de groupes parlementaires dans une autre tentative d’arbitrage.

Cela retarde d’autant le fait de trancher et de reléguer cette question, qui, j’oserai le dire, fait diversion par rapport aux préoccupations réelles de la population, de nos électeurs. Car on sait que la déchéance, ça ne résout rien concrètement contre le terrorisme, et j’ajoute que ce n’est, même comme symbole politique, ni utile ni nécessaire.

Je l’avais dit il y a 15 jours, ici : ça fait écran, alors qu’on est tous là, nombreux aujourd’hui on ne va pas à l’essentiel pour 18 millions de salariés qui, pendant ce temps, voient leur code du travail attaqué, passé à l’acide, mutilé.

Car on devrait plutôt parler de ce qu’a dit ce matin le président contre les 35 h. Ce que vient de faire à raison Benjamin, le jeune camarade du MJS que vous n’avez pas écouté comme il le méritait. Ce n’est pas hors sujet : le sujet aujourd’hui devrait être les 35 h. Hélas, car c’est le seuil de déclenchement des heures supplémentaires qui vient d’être remis en cause par François Hollande lui-même. Les heures sup’ ne sont déjà, parfois, plus majorées que de 10 % , et ce matin, le président a ouvert, c’est inouï, la possibilité qu’elles ne soient plus majorées du tout, et que, au niveau des entreprises, la durée légale, pourtant d’ordre public social, puisse être modifiée. Ce que réclame le Medef.

Cela signifie appauvrir les salariés contraints de faire des heures supplémentaires. Cela signifie renoncer à la durée légale en pratique. Cela signifie soumettre le corps humain au travail à des horaires fluctuants qui ne sont plus garantis par la loi, ni payés comme il faut. Cela signifie donc faire perdre du salaire. Car il y a sans doute autour de 300 000 à 400 000 millions d’heures supplémentaires majorées, dont une grande partie ne le seront plus.

Sans compter qu’il existe un milliard d’heures supplémentaires, qui ne sont ni déclarées, ni payées, ni majorées, ce qui est l’équivalent de 600 000 emplois. On ferait mieux de se donner les moyens de contrôler et sanctionner les patrons voyous qui les font faire mais ne les paient pas à leurs salariés !

Assouplir ainsi encore les 35 h, c’est casser l’image de notre parti, de toute la gauche, qui les a instaurées. C’est pourtant une des lois les plus avancées au monde ; c’est grâce à c’est grâce à cette loi que nous avons, une fois en 35 ans, fait reculer le chômage de masse. Ce sont les 32 et même les 30 h, la semaine de 4 jours, qui sont nécessaires et urgentes quand on a 6,15 millions de chômeurs au total. Casser les 35 h, c’est bon pour le Medef, mais ça va augmenter le chômage de masse.

Des mesures de formation sont utiles ; mais c’est du placebo si les carnets de commande ne se remplissent pas, et si les salaires n’augmentent pas pour permettre de les remplir. Ce n’est pas le moment non plus de toucher à la durée maximum de 48 h et de permettre qu’elle soit dépassée, banalisée, par la suppression de l’autorisation préalable de l’inspection du travail. 99,8 % des cadres sont de droit commun. Seuls 0,2 % sont des cadres supérieurs. Cela veut dire qu’ils ont un horaire comme tous les autres salariés, et que les « forfaits jours » exceptionnels sont soumis à des accords signés majoritairement par des syndicats. Ces accords sont contestables et contestés auprès de la Cour de justice européenne. En Europe, la durée maxima hebdomadaire reste de 48 h dans 15 pays, depuis la directive 93-104 qui n’a pas été rendue caduque. Et même quand il y a des forfaits jour, la durée du travail doit obligatoirement être comptabilisée, soumise à contrôle et à paiement lorsqu’il y a dépassement de la durée annuelle.

Et voilà que le président annonce que la durée annuelle pourra être dépassée…

Inouï encore. Je le dis : cette question est intime, essentielle, vitale pour des millions de salariés, et beaucoup plus grave que le symbole de la déchéance de nationalité contre un petit nombre de terroristes.

C’est de cela que nous devrions discuter, et de l’annonce lundi prochain, 25 janvier, de la casse du Code du travail, car il sera encore trop tard et cela s’ajoutera au palmarès funeste de notre gouvernement. J’espère que nous serons aussi nombreux la semaine prochaine pour en parler, que tout le monde sera là – encore.

Car les dégâts dans la vie de nos concitoyens, et les dégâts électoraux pour la présidentielle, de cette énorme remise en cause des 35 h, seront considérables. J’espère qu’on ne va pas nous dire ensuite qu’il « ne faut pas affaiblir le président » et qu’il faut encore trouver une issue indolore à l’erreur commise. Le président, il s’affaiblit tout seul avec ce genre de choix droitier, anti-social, et ce n’est pas à notre parti qu’il faut dire ensuite de se taire, d’attendre, de reporter ses avis, de se contenir, de faire bonne figure.

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