Face à 12 millions de « clandestins », George W. Bush a dressé un « mur » de 1120 Km pour empêcher les Mexicains de venir. Trois millions de ces derniers ont réussi à s’infiltrer et à se dissimuler aux USA.

John McCain juge, cyniquement, l’immigration indispensable à l'économie américaine : « J’offre à qui veut un poste de ramasseur de laitues dans l’Arizona, payé 5 dollars de l’heure. » Barack Obama, lui aussi, approuve le mur en question : tout juste a-t-il annoncé une baisse des « tracasseries administratives » empêchant la légalisation des immigrés et des sanctions accrues contre les employeurs ayant recours aux clandestins. La surexploitation décrite dans Bread and Roses et It’s a Free World ! de Ken Loach a de beaux jours devant elle.

Chez nous, Hortefeux et Sarkozy veulent à la fois dresser des « murs » en expulsant avec acharnement et choisir les « utiles » à l’économie pour travailler à bas prix. Une tendance illustrée avec succès par Les Infiltrés du mercredi 5 novembre sur France 2. Ce documentaire fait vivre la brutalité de l’exploitation de « sans-papiers » dans le bâtiment, la restauration, le gardiennage…

Dans le débat qui suit, Eric Woerth fait mine de s’indigner des pertes fiscales et sociales dues au travail illégal. Le ministre du Budget s’efforce de démontrer que les patrons voyous sont marginaux, que le pouvoir lutte contre eux…

C’est faux, bien sûr, il ne s’agit que d’une posture. Comment prétendre combattre le travail illégal et son cortège de fraudes et de souffrances avec seulement 430 inspecteurs du travail sur tout le territoire pour 1,2 million d’entreprises et 16 millions de salariés concernés ? 75 % des procès-verbaux de l’inspection sont classés sans suite, les sanctions réelles sont dérisoires. Le droit pénal du travail est le parent pauvre de la justice : un jeune de banlieue a cent fois plus de chances d’être sanctionné qu’un employeur ! Pourtant, plus de 200 000 surexploités sont dissimulés sur notre sol, livrés à la brutalité de patrons sans scrupule. Dans le bâtiment, les « majors » tirent le maximum d’une sous-traitance en cascade, artificielle, honteuse et systématique. Ce n’est pas « marginal » comme le prétend Woerth, c’est le cœur d’un système qui bâtit des fortunes en Bourse ! On trouve ces esclaves en France comme aux États-Unis, dans la construction, la restauration (25 % des cas en France, 61 % en Île-de-France), la confection, le nettoyage… Tel Malien se fait étouffer dans un monte-charge, un Roumain se fait écraser sous des blocs de béton, un plongeur tamoul est battu dans l’arrière-cuisine…

Mais cela ne concerne pas seulement l’immigration : 85 % du travail dissimulé est le fait de salariés déclarés, dont les heures supplémentaires ne sont ni comptées, ni payées. Là-dessus s’est construite et règne la finance…

Gérard Filoche

L’article en PDF