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Ben Ali est en fuite ! Le peuple tunisien a eu raison de la dictature : il ne doit pas être spolié de sa victoire

Ben Ali est en fuite !

Le peuple tunisien a eu raison de la dictature : il ne doit pas être spolié de sa victoire

L’impitoyable répression policière et militaire contre les manifestations pacifiques d’une population tunisienne qui ne supportait plus la misère, le chômage, un avenir irrémédiablement fermé et les exactions quotidiennes de la dictature de Ben Ali et de sa famille, a fait plus de 100 morts. La police et l’armée tiraient à balles réelles sur les manifestations pacifiques qui ont commencé dans le sud puis gagné tout le pays, obligeant Ben Ali à décréter le couvre-feu à Tunis, à y déployer l’armée puis les forces spéciales de la police avec ses blindés et finalement à prendre la fuite.

La Tunisie était une démocratie de façade où Ben Ali avait gagné les trois dernières élections présidentielles avec des scores édifiants : 99,45 % en 1999 ; 94,49 % en 2004 et 89,68 % en 2009 ! C’était, en réalité, une dictature impitoyable, classée par « Reporter sans frontières » parmi les cinq états les plus répressifs du monde. À l’exception d’un simulacre d’opposition qui dépassait rarement 5 % des voix, tous les partis d’opposition étaient interdits. Les opposants, les partisans des droits de l’Homme, leurs familles, les artistes, les avocats, les blogueurs, les journalistes, les Tunisiens ordinaires auxquels échappaient une parole contre Ben Ali, subissaient, eux et leurs familles, une intimidation et une violence permanentes. Des milliers d’entre eux ont été arrêtés, enlevés, condamnés après un simulacre de procès à des années de prison. Des centaines d’entre eux ont été torturés, assassinés.

Tous ces faits dénoncés depuis des dizaines d’années par les organisations de défense des droits de l’Homme n’ont pas empêché Nicolas Sarkozy d’être le premier des chefs d’Etat (et l’un des seuls) à féliciter Ben Ali lors de sa « réélection » en 2009, ni de déclarer lors de l’un de ses voyages en Tunisie, le 28 avril 2008 : « Votre pays s’est engagé dans la promotion des droits universels et des libertés fondamentales… »

Il est vrai que quelques mois plus tard, le Directeur général du FMI, Dominique Strauss Kahn, affirmait à Tunis, fin 2008, que la Tunisie, celle de Ben Ali, constituait « le meilleur modèle à suivre pour de nombreux pays émergents ».

Pendant toute la mobilisation du peuple tunisien, Sarkozy s’est tu mais son gouvernement montait au créneau pour tenter de sauver la dictature.

L’armée tirait à balles réelles sur une population sans défense mais le porte parole du gouvernement, François Baroin, affirmait que condamner la répression serait « faire preuve d’ingérence ». Comme si la présence permanente de l’armée française dans tant de pays africains, « à la demande » de régimes qui n’ont rien à voir, ni de près ni de loin, avec des démocraties politiques, ne relevait pas d’ingérences d’une tout autre ampleur.

Le ministre de l’Agriculture, Bruno Lemaire prenait carrément la défense de Ben Ali qui « est quelqu’un qui est souvent mal jugé » mais qui « a fait beaucoup de choses ». On ne saura pas pourquoi il est mal jugé et si c’est à bon ou à mauvais escient, ni quelles sont les « choses » qu’il a faites.

La ministre des Affaires étrangères, Alliot-Marie, allait encore plus loin en proposant à Ben Ali « le savoir-faire de nos forces de sécurité ». Proposer à une dictature de l’aider à réprimer, il fallait oser ! Surtout de la part du gouvernement d’un pays qui avait colonisé la Tunisie pendant 73 ans.

François Fillon, au bout de trois jours de fusillade de foules désarmées, déclarait s’inquiéter de l'«utilisation disproportionnée de la violence» mais renvoyait surtout dos à dos les victimes et le bourreau en « appelant l’ensemble des parties à faire preuve de retenue et à choisir la voie du dialogue ». Mais comment choisir la voie du dialogue face à un dictateur qui tire sur tout ce qui bouge ? La seule solution était de le chasser. C’est ce qu’a fait le peuple tunisien, malgré les conseils du premier Ministre de Sarkozy.

La position de Sarkozy n’avait même pas la franchise de celle de Roosevelt lorsqu’il déclarait à propos du dictateur nicaraguayen Somoza « C’est un salaud, mais c’est notre salaud ! ». Sarkozy se gardait bien de reconnaître que Ben Ali était un salaud mais un « salaud utile », la pierre angulaire de son projet d’«Union méditerranéenne».

Pourquoi, au-delà de la défense de la défense des intérêts des capitalistes français qui ont investi en Tunisie, une telle obstination de la droite et de Sarkozy à défendre la dictature ? Parce qu’il « vaut mieux Ben Ali que Ben Laden » ? Mais il faut vraiment avoir la mémoire courte pour ne plus se rappeler que c’est la dictature du Shah qui avait fait le lit des intégristes toujours au pouvoir en Iran. Et surtout ne pas avoir observer ce qui se passait en Tunisie où les intégristes ont toujours été tenus à l’écart des manifestations.

Le seul choix des Tunisiens serait-il, pour Sarkozy et la droite, entre la dictature de Ben Ali, la dictature des intégristes ou celle des forces de l’Armée dont le nouveau président de la République par intérim, Fouad Mebazaâ, président d’un parlement illégitime, nommé par un Conseil constitutionnel qui fut l’instrument servile de Ben Ali jusqu’à sa fuite, n’est, à l’évidence, que l’homme de paille ?

Si ce n’est pas le cas, pourquoi Sarkozy et la droite ont-ils toujours réservé leur appui à Ben Ali et n’ont-ils jamais apporté le moindre soutien à l’opposition démocratique et laïque en Tunisie ?

Aujourd’hui, Ben Ali est en fuite, chassé par l’extraordinaire mobilisation de la population tunisienne. Le peuple tunisien ne doit pas être spolié de sa victoire : la dictature de l’Armée ou celle des complices de Ben Ali ne doit pas remplacer la dictature de Ben Ali.

C’est pourquoi la gauche, toute la gauche de notre pays devrait s’engager sans réserve aux côtés du peuple tunisien et exiger avec lui :

  • le désarmement de la police politique de Ben Ali qui organise aujourd’hui le désordre et le pillage;
  • la reconnaissance des comités de vigilance que l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens appelle à créer pour que la population puisse se défendre contre les exactions de la police politique de Ben Ali;
  • la libération de tous les prisonniers politiques ;
  • le jugement des dirigeants de la police politique, la « Stasi » tunisienne et de tous le fusilleurs ;
  • la liberté totale pour tous les partis politique;
  • le refus d’accepter le recyclage du parti quasi unique de Ben Ali, le Rassemblement Constitutionnel Démocratique, dans un soi-disant « gouvernement national »;
  • la liberté de la presse, des médias et de l’internet ;
  • l’élection d’une assemblée constituante chargée d’élaborer dans la transparence une nouvelle constitution afin de remplacer celle édictée par la dictature ;
  • l’organisation d’élections législatives démocratiques;
  • le gel des avoirs de Ben Ali et de son clan afin de soulager d’autant la dette publique d’un pays mis en coupe réglée pendant des dizaines d’années par la « famille régnante », le clan de Ben Ali et de sa femme Leila Trabelsi, la « régente de Carthage » ;
  • la traduction devant le Tribunal Pénal International du dictateur et de ses complices, à commencer par Mohamed Gannouchi, premier ministre par intérim, qui a été le premier ministre de Ben Ali depuis 1999.
  • Le 16/01/2011

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