Prenant le contre-pied exact du film de propagande de Claude Lanzmann à la gloire de Tsahal, Nurit Peled⁽³⁾ a publié un article sur le même thème intitulé L’armée la plus immorale du monde⁽¹⁾. Les déclarations d’anciens soldats israéliens révélant les actions qui leurs ont été ordonnées, soit pour exprimer leur souffrance et leurs regrets⁽⁴⁾, soit, hélas, pour s’en vanter⁽⁵⁾, confirment malheureusement la pertinence de ses analyses.

Pour essayer de comprendre les processus qui ont permis une telle disparition de tout sens moral, un questionnement de l’endoctrinement et de l’embrigadement militaristes des jeunes générations israéliennes semble particulièrement adapté.

Car c’est dès l’enfance, dans les écoles, qu’entre en œuvre cette pédagogie de la paranoïa et de la haine : incroyable mais vrai, les écoliers israéliens apprennent à compter avec des tanks !⁽⁶⁾

Les mathématiques sont suivies par des exercices pratiques : les écoliers sont familiarisés au maniement des armes avec la bénédiction des autorités tant civiles que religieuses.

Mais dès le lycée, les jeunes « volontaires » peuvent être invités à participer à des actions on ne peut plus directes, par exemple dans la démolition de maisons édifiées par des Palestiniens : « Avant la démolition, les lycéens volontaires ont été envoyés dans les maisons des villageois pour en extraire leurs meubles et leurs effets. Un certain nombre de villageois, y compris Madyam, m’ont dit que les bénévoles brisaient les fenêtres et miroirs dans leurs maisons et défiguraient leurs photos de famille par des dessins vulgaires. Ensuite ils traînaient au milieu des meubles des habitants d’al-Arakib sous le nez des propriétaires. Enfin, selon Madyam, les volontaires célébraient les bulldozers qui détruisaient les maisons. »⁽⁷⁾

La sollicitude de l’armée israélienne pour l’enfance et l’adolescence ne connaît pas de limites, et touche également les jeunes Palestiniens, toutefois selon des modalités sensiblement différentes.

C’est ainsi que 1100 enfants palestiniens ont été arrêtés en 2010⁽⁸⁾. Les traitements dont ils peuvent être victimes ne provoquent que l’horreur⁽⁹⁾. Faut-il ne les considérer que comme des vétilles après le cassage systématique des bras des enfants à coups de crosse, ou de leur utilisation en tant que boucliers humains⁽¹⁰⁾? Ou simplement comme une adaptation, due aux actions énergiques entreprises par les Grands États Démocratiques Occidentaux (GEDO ou jets d’eau), des méthodes pédagogiques mises en œuvre ? Le débat est ouvert et pourrait même s’étendre : n’a-t-on pas déjà découvert en France des affichettes invitant les jeunes têtes à passer « des moments inoubliables dans une base » ?⁽¹¹⁾

La multiplicité de ce qu’on hésite à nommer des hauts faits d’armes et encore moins un nec plus ultra de la pédagogie amène à penser qu’il ne s’agit point d’incidents isolés, mais bel et bien d’une politique délibérée.

« Il y a quelque chose de pourri dans le royaume »⁽²⁾, et la désionisation de l’État d’Israël sera difficile.

Elle n’en demeure pas moins nécessaire pour qu’il puisse devenir celui de tous ses citoyens, sans discrimination et sans apartheid.

Philippe Lewandowski

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