GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Valoriser le travail, refuser la tyrannie de la finance

Les conventions nationales du Parti socialiste de 2009 auront-elles le même effet positif que celles de 1995 qui permirent la victoire aux législatives de 1997 ? Une convention nationale, c’est un mini-congrès consacré à un thème et sans enjeu de pouvoir puisqu’il n’y a pas de vote pour réélire la direction mais seulement sur un texte d’orientation.

Pour préparer le projet de 2012, la direction du PS sous l’impulsion de Martine Aubry a prévu 4 conventions en 2009 : sur le nouveau modèle de développement économique présidée par Pierre Moscovici (le 29 mai), sur la rénovation présidée par Arnaud Montebourg (3 juillet), sur l’international présidée par Laurent Fabius (9 octobre), sur l’égalité réelle présidée par Benoît Hamon (11 décembre).

Un début de réorientation :

Les débats préparatoires à la première des quatre conventions, qui ont eu lieu sitôt la campagne des régionales terminées, ont peu traversé les sections socialistes. Au plan national 13 ateliers avaient été mis en place. Notre revue, Démocratie et socialisme, a publié quatre contributions (cf. D&S n°171 à 174) qui ont permis la rédaction de quelques amendements avec une reprise partielle (comme sur le code du travail) dans le texte final.

Réuni le 27 avril, le Conseil national a validé à l’unanimité des présents le projet de texte de la convention pour un autre modèle de développement. Les interventions les plus réticentes vis-à-vis de ce texte ont été les portes paroles de la motion E, notamment François Rebsamen qui juge le texte trop « étatiste ». Ils se sont contentés de déposer une contribution non soumise au vote. Par ailleurs, des amendements de Gaétan Gorce ont été jugés contradictoires avec le texte et n’ont donc pas été intégrés. On notera que de nombreux fiers à bras, genre Manuel Valls, qui causent dans les médias, ne se sont pas « comptés ».

Quand on prend la peine de lire le texte intitulé au Conseil national, on s’aperçoit qu’il peut constituer un début de réorientation de notre parti. Les responsables de la motion C ont pris toute leur part à l’élaboration de ce texte qui est un compromis positif acceptable. Positif car il dit qu’il n’y aura pas d’action de gauche à politiques commerciales constantes, à politiques monétaires constantes, à politiques économiques constantes. Positif car il s’adresse aux salariés, aux retraités, aux chômeurs, aux précaires, aux jeunes. Après la faillite d’un système dominé par le capitalisme financier, les socialistes français proclament la nécessité de construire un nouveau modèle de société.

Travailler mieux, moins, tous.

On retrouve dans ce texte des marqueurs précieux pour une gauche décomplexée. D’abord sur le travail et le partage des richesses. Travailler tous, avec l’objectif du plein-emploi ; travailler mieux, avec la reconstruction d’un code du travail protecteur des salariés après des années de démantèlement de la droite ; travailler moins, en s’engageant à revenir sur les dispositifs ayant dégradé les 35h et sur la remise en cause du repos dominical. La question des salaires est clairement abordée : l’instauration d’une échelle des rémunérations de 1 à 20 dans les entreprises, la valorisation du SMIC. Quant aux retraites, la défense de l’âge légal du départ à 60 ans est ré affirmé, le texte affirmant la possibilité d’introduire de nouvelles ressources pour répondre aux besoins de financement. Mais, sur ce point des retraites, il faudra aller plus loin dès la convention nationale qui se tiendra alors que le gouvernement aura largement fait connaître l’ampleur des attaques qu’il entend mener. Gageons que le refus de l’allongement de la durée de cotisations sera débattu lors de cette convention.

Des avancées et un point aveugle

La politique européenne définie dans le texte ne s’interdit plus de remettre en cause certains dogmes des traités de libéralisation : rappel à la souveraineté démocratique sur la politique monétaire, exclusion des investissements d’avenir du calcul des critères du pacte de stabilité, clause de sauvegarde pour nos secteurs industriels, contribution (entendre taxe) à l’entrée de l’UE pour les produits profitant d’une compétitivité faite de dumping fiscal, social et environnemental, renégociation des directives de libéralisation. Autant de déclarations d’intention qu’il faudra mettre en œuvre une fois au pouvoir !

Le texte fixe comme objectifs la disparition du secret bancaire, la séparation entre ce qui relève de la banque de détail et de la banque d’affaires, la création d’un pôle financier public : le politique se retrouve alors en régulateur face à des banques qui, laissées à elles-mêmes, nous ont mené à la crise financière. Le texte réhabilite l’intervention publique : la planification, par exemple écologique ; les nationalisations ; la création d’un pôle financier public ; le retour au statut public de la Poste.

Le point « aveugle » de ce texte se situe sans doute sur la question de la dette et des finances publiques. Le compromis s’est réalisé sur le fait que la relance de l’économie par la gauche au pouvoir fera diminuer cette dette, et que cette situation désastreuse des finances publiques rend « encore plus nécessaire de placer notre action dans la perspective d’un changement de modèle ». Mais entre ce que François Hollande dit à longueur d’interviews sur la nécessité pour les socialistes d’être réalistes et ce que Benoît Hamon a ddécalér à juste titre (« je ne veux pas élire en 2012 le ou la Papandréou français »), il y a plus que des nuances ! Tirer toutes les leçons de l’étranglement de la Grèce par les spéculateurs est essentiel pour toute la gauche européenne.

Faire des propositions plus précises

Ce texte n’est pas un point d’arrivée, mais un point de départ. Il devra aussi être confirmé de conventions en conventions. Il peut être un point d’appui pour les alliances à venir. Son contenu tourne résolument le dos aux orientations centristes, type Modem. Cela doit permettre au Parti socialiste de tisser ou retisser les liens de l’union de la gauche et d’être le trait d’union avec tous les acteurs de la transformation sociale.

Pour le projet 2012, il faudra préparer des propositions un peu plus précises. Ce n’est pas encore le moment a déclaré Pierre Moscovici lors du Conseil national. Pourtant, comme il est coutume de dire, le diable se cache dans les détails. Les salariés, qui se sont tournés à nouveau vers le PS et la gauche lors des régionales, sont en droit d’attendre des engagements précis pour 2012. La convention de décembre sur l’égalité réelle devra avancer dans ce sens.

Éric Thouzeau

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