GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Un gouvernement suisse très conservateur

Nous publions ici la chronique mensuelle de notre ami Jean-Claude Rennwald, militant socialiste et syndical suisse, ancien député (PS) au Conseil national suisse. Cet article est paru dans le numéro 216 de Démocratie&Socialisme.

Tant en ce qui concerne la réforme des retraites que la mise en œuvre de l’initiative de l’UDC (parti national-populiste) « contre l’immigration de masse », le Conseil fédéral (gouvernement suisse) est à la peine et ne fait pas de cadeaux. En tout cas pas aux travailleurs, pas plus qu’aux syndicats et à la gauche.

Un milliard sur le dos des femmes

L’avenir des systèmes de retraites est en discussion dans la plupart des pays occidentaux, la droite et le patronat mettant l’accent sur le relèvement de l’âge permettant de cesser son activité professionnelle ainsi que sur la diminution des prestations. La petite et tranquille Suisse n’échappe pas à cette bourrasque. Après avoir pris connaissance des avis exprimés par les partis, les syndicats et les organisations patronales, le Conseil fédéral a maintenu le relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, tarif déjà appliqué aux hommes. Voici une vingtaine d’années, l’âge de la retraite des femmes avait déjà été porté de 62 à 63 ans, puis à 64 ans. Le gouvernement suisse veut ainsi faire supporter aux femmes 1 milliard de francs d’économies, soit 830 millions d’euros. Le gouvernement n’entend pas non plus garantir un revenu suffisant touché sous forme de rentes et souhaite supprimer la participation de la Confédération au financement de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS ou 1er pilier fondé sur le système de répartition) Enfin, il préconise l’abaissement du taux de conversion minimal de 6,8 à 6 %, taux qui détermine le montant des rentes du 2e pilier, assurance complémentaire fondée sur la capitalisation. Dans cette hypothèse, lesdites rentes seraient évidemment réduites. Exemple : un salarié ayant accumulé un capital de 200'000 francs verrait sa rente mensuelle complémentaire passer de 1'130 à 1'000 francs, soit une perte de 130 francs ou d’un peu plus de 100 euros par mois !

Ce « paquet » appelle une riposte rapide, d’autant plus que le peuple s’est déjà prononcé contre le relèvement de l’âge de la retraite des femmes et contre l’abaissement du taux de conversion. Les propositions gouvernementales montrent aussi la pertinence de l’initiative « « AVSplus » de l’Union syndicale suisse (USS), qui vise à améliorer les rentes des personnes à bas et à moyen revenu. A plus long terme, il s’agira de relancer le débat sur l’âge de la retraite, en s’inspirant notamment des solutions qui ont été trouvées dans la construction (60 ans), dans l’artisanat (62 ou 63 ans selon les branches) et dans l’horlogerie (une année avant l’âge légal ou retraite progressive).

Préférence nationale

Le Conseil fédéral propose par ailleurs au Parlement d’appliquer strictement l’initiative « contre l’immigration de masse » acceptée de justesse par le peuple, le 9 février dernier. Cela se traduirait par le retour aux contingents, qui n’épargnerait ni les travailleurs frontaliers ni les titulaires d’une autorisation de courte durée. En revanche, le gouvernement ne veut pas d’une reprise du statut de saisonnier. Parallèlement aux mesures visant à limiter l’immigration, le gouvernement souhaite favoriser le potentiel offert par la main-d’œuvre étrangère. Ce qu’on appelle la préférence nationale. Parmi d’autres, ces propositions sont en contradiction totale avec les accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l’Union européenne (UE), en particulier avec l’accord sur la libre circulation des personnes.

Menace sur l’emploi et les salaires

Bien sûr, la marge de manœuvre du Conseil fédéral est étroite, mais son dispositif présente de nombreux risques pour la Suisse :

  • Si les accords bilatéraux devaient être dénoncés, les industries d’exportation auraient moins de facilités sur le grand marché européen, ce qui constituerait une menace pour l’emploi et pour les salaires.
  • La mise en œuvre des propositions gouvernementales favoriserait les engagements de très courte durée, le travail précaire et le travail temporaire, et donc une pression sur les salaires et les conditions de travail.
  • Elles entraîneraient une augmentation du travail au noir, les employeurs étant tentés de recourir à ce procédé pour contourner le contingentement.
  • Pour l’UE, ces propositions ne sont « pas conciliables » avec l’accord sur la libre circulation. Le Conseil fédéral doit donc cesser d’entretenir l’illusion qu’il pourra le renégocier et chercher une solution plus souple, dans l’attente d’un nouveau référendum sur le sujet.

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