Un concentré de lutte des classes
Oui, le capitalisme dit « compétitif », voire « concurrentiel », c’est la guerre sociale. Elle lui est pour ainsi dire consubstantielle.
Dans l’excellent film de Stéphane Brizé, le salarié joué par Vincent Lindon fait l’expérience de ce système inique. Il doit en effet constater, amer, que ses patrons, après avoir imposé un accord de baisse des salaires et d’allongement des horaires, signé sous la contrainte par les syndicats et les élus du personnel, n’ont pas tenu leurs promesses. Un plan de licenciements a en effet été lancé au bout de deux ans.
Le capitalisme, ce n’est pas une économie de recherche du simple profit, c’est l’obligation de la recherche du profit maximum. Lindon s’en indigne : « Nous, salariés, vous avons fait cadeau de 14 millions d’euros, par notre accord, et vos actionnaires ont gagné 17 millions de plus ». Le comptable lui répond : « Nous n’avons eu que 3,7 % de marges bénéficiaires, or le groupe perçoit 7 % de marges, ça ne peut pas durer ici comme ça ».
Le grand patron du groupe se fait catastrophiste : « J’ai 140 000 salariés. Si, ici, il y a si peu de marges, si je n’y gagne pas 7 %, c’est tout le groupe qui est menacé ». Et à l’avocate des salariés qui lui rétorque « Vous fermez des entreprises et le cours de vos actions augmente », il répond sans fard : « Justement, c’est parce que nous fermons tout ce qui ne rapporte que 3,7 % que nos marges passent à 7 % et plus et que nous survivons ».
Sinon, le groupe se ferait dévorer tout entier dans le cadre d’une guerre industrielle et commerciale sans pitié. C’est pourquoi l’émissaire de Hollande, Jean Grosset, qui joue parfaitement dans le film son propre – et mauvais – rôle, accepte le plan de licenciements. Il assène, fataliste : « C’est l’entreprise qui décide et la justice a tranché en sa faveur ». Il truque les cartes, mais fait comme s’il n’avait jamais eu la main...
C’est pourtant à la République d’imposer sa loi à l’entreprise vorace, non l’inverse. C’est à elle qu’il revient de s’en donner les moyens politiques, en réinstaurant notamment un contrôle sur les licenciements. C’est seulement ainsi que l’on pourra imposer la régulation aux grands groupes et empêcher la guerre de tous contre tous, qu’ils attisent avec tant de cynisme.