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Plafonnement des frais d'incident bancaire

Le Parlement et le Gouvernement ne doivent pas céder au chantage du patronat bancaire et doivent faire respecter la décision de la Cour de cassation qui s'impose à toutes les banques.

Le plafonnement de certains frais bancaires liés aux découverts, les commissions d'intervention, a été élargi à tous les consommateurs, en vertu d'un amendement voté par les députés à l'occasion du débat sur la réforme bancaire.

Les commissions d'intervention représentent des frais facturés par les banques après des opérations de paiement à découvert, principalement à la suite de paiements par carte bancaire.

Dans une lettre adressée au Premier ministre Jean-Marc Ayrault et au ministre de l'Economie Pierre Moscovici, a précisé la Fédération bancaire française à l'AFP, les patrons de Crédit Agricole, BPCE, La Banque postale, Société Générale et BNP Paribas s'inquiètent notamment du coût du plafonnement de certains frais bancaires.

Pour les six signataires de la lettre à Jean-Marc Ayrault, cette nouvelle coupe dans leurs recettes risque de conduire à une «redéfinition de l'équilibre financier de la banque de détail». En clair, cela veut dire plus d'automatisation. Une tendance qui pénalisera non seulement l'emploi bancaire mais aussi les clients démunis, ajoutent les banques, car «ces centaines de milliers de cas parfois difficiles» arbitrés chaque matin par un conseiller seront alors réglés par un robot (selon un extrait du courrier patronal publié dans Le Figaro qui a révélé l'existence de cette lettre adressée au gouvernement).

Comment Monsieur Philippe Wahl, patron de la Banque postale, établissement 100% public sous tutelle complète de l'Etat ose t-il adresser un ultimatum au gouvernement et à la majorité parlementaire ? Rappelons que, au moment même où elles obtenaient en 2008 la banalisation du Livret A, les banques ont refusé que l'ensemble de la population puisse ouvrir un Livret A dans l'établissement de son choix. Aussi, le gouvernement précédent a proposé au législateur de confier à la Banque postale une mission d'accessibilité bancaire - non financée par les autres banques mais par les fonds d'épargne de la CDC. La Banque postale a perçu 250 millions d'euros pour cette mission de service public en 2012. Le contrat fixe que cette mission doit s'inscrire dans des conditions économiques satisfaisantes pour l'entreprise (voir rubrique "accessibilité bancaire" sur le site de la Poste).

Notre Collectif dénonce avec force ce chantage à l'emploi et cette menace inadmissible à l’encontre de plusieurs dizaines de millions de clients et plus particulièrement à l’égard de la clientèle dite « fragile ».

Notre Collectif s'inquiète vivement de la réponse apportée par les services du Premier ministre à cet ultimatum du patronat bancaire. En effet, toujours selon l'AFP, le cabinet du Premier ministre a indiqué quelques heures après que le contenu de la lettre du patronat bancaire ait été rendue public : "Le souci du gouvernement est de protéger les particuliers" tout en ayant conscience que le secteur de la banque de détail "représente 300.000 salariés", explique-t-on à Matignon où l'on souhaite "préserver l'équilibre" .

Tout service facturé par une entreprise, bancaire ou non, doit répondre à une véritable prestation et être conforme aux conditions légales et jurisprudentielles existantes.

Or, selon les associations de consommateurs :

  • Lorsque ces commissions sont facturées pour un paiement par chèque, le montant de 8€ dépasse largement le coût que représente le temps passé par un conseiller pour prendre sa décision (environ 7 minutes d’après l’UFC – Que choisir).
  • Ensuite, lorsque ces commissions sont facturées pour un paiement par carte (75% des cas), il n’y a aucun travail de la part de la banque puisque ces paiements sont systématiquement acceptés (principe de la garantie de paiement pour le commerçant). Ces commissions ne rémunèrent donc pas ici un quelconque travail.
  • Enfin, selon un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 5 février 2008 (n° de pourvoi : 06-20783) :

  • ces frais, appelés en 2008 « frais de forçage », devraient être inclus dans le TEG du prêt que constitue le découvert non autorisé. Ils ne pourraient dès lors pas être d’un tel montant puisqu’ils conduiraient à excéder largement le taux de l’usure. Cette jurisprudence n’est malheureusement pas appliquée.
  • Cette jurisprudence de la Cour de cassation est pourtant totalement conforme à l’article L. 313-1 du code de la consommation qui prévoit pour les crédits (donc les découverts non autorisés) : « Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels. »

    Le Collectif appelle le gouvernement et le Sénat à ne pas céder au patronat bancaire, à maintenir l'amendement qui a été adopté, à l’Assemblée nationale, sur le plafonnement des frais d'incident bancaire mais aussi, face aux pratiques inadmissibles des banques, à compléter le dispositif adopté à l’Assemblée en prenant en compte la demande de 60 millions de consommateurs visant à mettre fin à des commissions jugées "illégales" et "scandaleuses autant par leur montant que par la répétitivité"

    Le Collectif « Pour un Pôle public financier au service des Droits »

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