GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Pas question de gouverner demain avec la droite pro Bayrou !

Dans la dernière quinzaine de janvier, François Bayrou a bénéficié d'une progression flatteuse dans les sondages. Les intentions de vote en sa faveur sont passées de 8 à 14 % selon certains instituts de sondages. Dans le même temps, les intentions de vote pour Ségolène Royal se sont réduites de 34 à 27 %. Ceci explique en partie cela.

Nous savons qu'un sondage ne fait pas l'élection, mais nous devons saisir le message des électeurs que les sondages retranscrivent.

La gauche n'a jamais été dans une situation aussi favorable pour emporter une élection présidentielle. Mais les dirigeants de la gauche n'ont jamais été aussi en retard, comme s'ils avaient peur qu'en répondant à l'urgence, en étant en phase avec les électeurs de gauche, ils seraient plus dépendants de leurs exigences qu'ils ne le veulent.

Depuis le 21 avril 2002, qui peut ignorer que le désir de revanche occupe les électeurs de gauche, qu'ils ne veulent plus revoir Le Pen au second tour ? Qui ne s'est pas aperçu que, en outre, ils sont remontés contre la droite et que leur hostilité au libéralisme s'accroît au fur et à mesure que la droite essaie d'emporter une victoire décisive sur le terrain social ?

Le 1er Mai 2002, le printemps 2003 contre la décentralisation Raffarin et la contre-réforme Fillon des retraites par répartition, le printemps 2004 et le raz de marée électoral dont a bénéficié la gauche, le 29 mai 2005 contre le projet de Constitution libérale et pour l'Europe démocratique et sociale, le printemps 2006 contre le CPE, autant de mobilisations du peuple de gauche qui appellent une réponse politique de la gauche.

Depuis 2002, les dirigeants des partis de la gauche sont attendus. La réponse que, depuis 5 ans, ils doivent apporter est la construction d'une union de toute la gauche autour d'un programme commun de gouvernement. Chaque année qui s'est écoulée depuis sans que cet espoir se rapproche d'un pas est une année de perdue pour la gauche, dont il résulte un déficit de mobilisation. Le potentiel de la gauche n'est pas mobilisé. Les électeurs attendent.

Leur attention s'est portée sur le congrès socialiste du Mans, mais le programme socialiste n'était pas au rendez-vous, le programme commun encore moins. Ils se sont passionnés pour le choix de la candidate du PS, élection pourtant interne. Ils se sont intéressés aux réunions des collectifs " anti-libéraux " qui n'ont pourtant pas trouvé de consensus sur un ou une candidat-e.

Ils découvrent, surpris, que le PS a attendu le mois de janvier pour organiser de larges consultations publiques afin de mettre au point son programme. Au plus tard, le débat public sur le programme commun de la gauche aurait dû se tenir à l'automne 2006 pour que nous soyons à l'offensive dès la nouvelle année. Le programme socialiste aurait donc dû être débattu en interne et publiquement bien des mois auparavant. Sarkozy, lui, est en campagne depuis 2002...

Les candidats doivent pourtant manifester leur présence. Quelle sorte de campagne font-ils alors ? C'est seulement maintenant que la gauche se soucie de propositions concrètes : jusqu'ici, elle n'a pas poussé la droite dans ses retranchements. Elle a permis à la droite de se contenter de parader sans se mouiller dans des propositions concrètes.

Pour écraser ses rivaux à droite, Sarkozy a dû répondre aux attentes de ceux qui cherchaient un sauveur, en flattant les intérêts corporatistes : c'est ainsi qu'il a lancé " karcher ", " racaille ", etc, car maintenant les médias ne demandent plus de petites phrases mais seulement de gros mots. Il a capté l'attention par une agitation médiatique sans propositions concrètes. Maintenant qu'il est le candidat de l'appareil, il pourra tenir un discours plus consensuel car il ne doit pas effrayer ses électeurs qui, même de droite, sont le plus souvent des salariés, par des propositions qui seraient directement perçues comme contraires à leurs intérêts.

Tant que les candidats se satisfont d'une campagne d'où il n'émerge aucune proposition concrète, Bayrou se maintient à flot. Toujours à la recherche d'une place qui lui permette d'exister, il occupe l'espace de l'argumentation plus politique, plus sérieuse. Mais il ne fait pas exception : il ne fait pas campagne sur les quelques propositions concrètes (Tva sociale, retraite à la carte) que contient son programme.

Il ne reste de Bayrou que la proposition d'un " gouvernement qui transcende les frontières de la gauche et de la droite "... Proposition qui ne lui permettra pas de retenir les électeurs de gauche, qui voulaient se servir de Bayrou pour protester contre la " drôle de campagne " de Ségolène Royal.

Mais après le 11 février, après la présentation par Ségolène Royal d'un programme dont elle a dû faire un événement pour revenir au niveau atteint précédemment, la campagne devrait prendre un nouveau cours.

La place que la candidate du Ps occupe, de candidate commune de la gauche, par défaut d'une vraie candidature commune, va polariser la campagne entre elle et Sarkozy qui apparaît, de son côté, comme le candidat commun par défaut, pour la droite. Puisqu'il n'en restera que deux au second tour.

Paradoxalement, c'est dans le cas où les sondages assureront la présence de ces deux candidats au second tour, que des électeurs de gauche et de droite accepteront de se disperser, au premier tour, sur d'autres candidats.

Pierre Ruscassie

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