GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Palestine : un apartheid à visage découvert

Le 19 juillet 2018, en adoptant une loi à valeur constitutionnelle définissant Israël comme « l’État-nation du peuple juif », la Knesset (parlement israélien) a franchi une ligne dont l’empreinte ne marque pas seulement les conditions d’existence des populations qui en dépendent, mais représente également une rupture avec les références d’ordre juridico-politique auxquelles avait très officiellement souscrit le jeune État en 1948.

Dans ce que certains se plaisent à présenter comme « la seule démocratie du Proche-Orient », le fait indéniable que certains ressortissants en étaient déjà auparavant plus égaux que d’autres cède maintenant la place à une inégalité de droits sans circonlocution désormais inutile. On chercherait en vain le mot démocratie dans la nouvelle loi.

Une référence passée aux oubliettes

Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler le texte de la Déclaration d’indépendance de l’État d’Israël lu à la tribune par David Ben Gourion le 14 mai 1948 : le nouvel État « assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe. Il garantira la pleine liberté de conscience, d’éducation et de culture » ? Ce qui, il faut en convenir, n’a jamais été le cas. Mais même des mots sans conséquences concrètes semblent être de trop pour un gouvernement de coalition entre une droite décomplexée et une extrême droite religieuse et colonisatrice déchaînée.

Un accord bafoué

Cette officialisation de l’apartheid aura-t-elle des répercussions sur l’Accord d’Association UE-Israël dont l’article 2 stipule que ces relations s’appuient « sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui guident leurs politiques intérieure et internationale, et constituent un élément essentiel de l’Accord » ? La déclaration européenne est pour le moins timide : « Nous sommes préoccupés et nous avons fait part de notre inquiétude aux autorités d'Israël. […] Nous respectons la souveraineté d'Israël, mais les principes de base, y compris le droit des minorités, doivent être respectés ».

L’article 79 de l’accord précité reste soigneusement omis, alors qu’il précise bien qu’une suspension est possible « si une partie considère que l’autre ne satisfait pas à une obligation découlant du présent Accord »1... Et là, pas même une condamnation verbale !

Dommages collatéraux

Les médias dominants se sont bien gardés de citer un des autres prolongements possibles de la loi sur « l’État-nation du peuple juif », peut-être pressenti par Reuven Rivlin, le président de l’État d’Israël, qui a déclaré qu’il s’agissait d’une « loi mauvaise pour Israël et mauvaise pour le peuple juif »2 ; mais laissons ici la parole à l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix) : « Cela a des conséquences catastrophiques, non seulement pour le peuple palestinien qui se voit privé ainsi de tous ses droits et pour la paix dans la région, mais pour tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, se sentent Juifs. Ils seront alors assimilés à ce régime colonial, raciste et oppresseur et cette confusion sciemment entretenue ne pourra qu’alimenter l’antisémitisme »3.

La leçon à en tirer est limpide : n’en déplaise aux idéologues aux ordres, la lutte contre l’antisémitisme passe par la critique de l’État d’Israël.

Une facture à présenter

L’impunité dont bénéficie un État qui méprise si ouvertement aussi bien les droits de l’homme que le droit international ne doit pas perdurer. Aux gouvernements qui s’en proclament les champions de prendre les mesures qui s’imposent ! Aux citoyens exaspérés devant ce qui s’apparente à des complicités coupables d’exprimer leur indignation !

La campagne BDS (Boycott – Désinvestissements – Sanctions) montre la voie.

Cet article de notre ami Philippe Lewandowski a été publié dans le numéro 259 de la revue Démocratie&Socialisme (novembre 2018).

1. Pétition « Stop à l'accord d'association entre l'Union Européenne et Israël », https://www.change.org/p/federica-mogherini-stop-à-l-accord-d-association-entre-l-union-européenne-et-israël?recruiter=90415825&utm_source=share_petition&utm_medium=copylink&utm_campaign=share_petition.

2. Dominique Vidal, « La nouvelle loi israélienne sur « l’État-nation» a-t-elle légalisé l’apartheid ? », http://www.france-palestine.org/La-nouvelle-loi-israelienne-sur-l-Etat-nation-a-t-elle-legalise-l-apartheid, consulté le 01/11-/018.

3. « Le racisme institutionnalisé en Israël : un crime contre les Palestinien-ne-s et un suicide pour les Juives et Juifs », http://www.ujfp.org/spip.php?article6529, consulté le 01/11/2018.

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