GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Ordonnances Macron de casse du Code du travail : mettre le paquet contre leur contenu

Bureau national du PS du 29 mai : intervention de Gérard Filoche

J’interviens après MNL et je dirais, en off, qu’on parle curieusement aujourd’hui de l’Histoire, il y a une ironie à fêter à Versailles, le tricentenaire du tsar Pierre Le Grand, dans l’année du centenaire de la révolution d’octobre qui est passée sous silence. En 1907, le tsar Nicolas II avait créé une « commission histoire officielle » qui fut dissoute après la révolution… et reconstituée en 2012 par Poutine ! C’est bien Macron qui a écrit  dans la « Revue des deux mondes » de Ladreyt Delacharriere, récemment mis en examen dans l’affaire Pénélope Fillon, que la France avait « besoin d’un roi » ?

Mais pour en revenir à notre campagne électorale, nous ne sommes pas nombreux ce soir, mais cela fait quand même trois semaines que nous revenons sur les mêmes sujets.

Comment clarifier par rapport à ceux des candidats membres du PS qui se prévalent (bien sottement et bien inutilement voire de façon scandaleuse) de Macron ou/et de la « majorité présidentielle » ? Il faut qu’il leur soit clairement interdit de se réclamer du PS, du socialisme. Comment marquer notre opposition, faire comprendre le clivage droite-gauche, le seul qui existe, sinon en prenant, car c’est le plus commode, le plus évident, le plus lisible, la question des futures nouvelles ordonnances Macron contre le Code du travail ?

Car si on cherche un sujet clivant et pédagogique comme le fut la question de la TVA en 2007, il est là. Bien sur il y a l’affaire Ferrand dont la démission doit être réclamée. Mais le plus fort enjeu est la question de la casse approfondie des droits de 18 millions de salariés occupés, 93 % des actifs, de droit privé. Et le statut de la Fonction publique est tout autant menacé. On ne peut pas se contenter de dire : « On ne sait pas ce qu’il y aura dedans, dites nous-le ! ». Car on sait en gros ce qu’il y aura dedans, donc on peut attaquer sur le dur, et pas seulement sur la méthode des ordonnances en plein été.

On pourrait utiliser davantage ces images qui courent sur internet où avancent De Sarnez, Macron, Philippe et Le Drian : quand Le Drian, ex-socialiste, demande à Macron comment ça s’est passé avec les syndicats  Macron, cynique, répond « Ca s’est bien passé, je ne leur ai rien dit » ; Le Drian, inquiet de la réponse, cherche à le couvrir et dit : « Attention il y a un micro ».  Toute la France peut voir cela. Mettons-le sur nos sites.

C’est le comble du cynisme, ça dit tout. Une leçon de choses.

Le président de la République reçoit les syndicats un par un. Mais c’est pour de la frime. Il ne leur parle pas des ordonnances qu’il a annoncées et motif de la rencontre.

Non, il ne leur a «  rien dit ».

Ces ordonnances sont annoncées pour « améliorer le dialogue social » : c’est ça leur motif essentiel, mais le Président lui, ne pratique pas le dialogue social, il ne dit « rien ».

« Ca s’est bien passé » dit Macron, il ne leur a rien appris, ils ne peuvent pas critiquer, ils ont été reçus, et puisqu’il n’a rien dit,  ils ne peuvent pas protester, commenter, répondre.

Les rencontres, c’était pour de la frime. Le président frime avec les syndicats, il amuse la France à faire mine de les recevoir.

C’est occupationnel, c’est formel, ça ne sert à rien. Le « dialogue social », il s’en moque complètement. Mais il fait ces ordonnances en plein été, pour passer par-dessus le Parlement, et par-dessus toute réaction des syndicats dans la rue.

C’est méprisant ET dictatorial.

Il faut attaquer, décortiquer cela.

Le règne du secret et de l’arbitraire antidémocratique.

Or ces ordonnances sont la mesure phare, la première, qu’il propose.

Ce n’est pas rien.

Est ce Bruxelles ? J’ai lu les dernières recommandations de Bruxelles du 24 mai, la casse du Code du travail, n’y est pas vraiment. J’hésite avec la thèse de l’hebdomadaire Marianne, qui explique que même les libéraux de l’UE n’exigent pas cela de la France. En fait, c’est une « envie » de Macron seul : a-t-il été lésé dans l’arbitrage précédent de fin 2015 entre Valls, Hollande, Valaud-Belkacem, Imbert, et El Khomri ? Et veut-il seulement rétablir sa préséance… sur le dos des salariés, faire étalage de force contre la majorité des syndicats ?

La semaine dernière, ici, j’ai essayé d’expliquer comment prendre ces ordonnances sur le fond, mais j’ai l’impression, à moins que cela ne m’échappe, qu’on n’en fait rien.

La question du référendum heurte aussi la CFE-CGC : elle a raison d’être choquée. Le référendum dans les entreprises est présenté comme une avancée démocratique : bien sûr que non puisque les salariés sont « subordonnés », il n’y a pas de citoyenneté dans l’entreprise, il n’y a pas d’égalité, c’est l’employeur qui décide de la naissance du contrat, de la gestion du contrat, de la rupture du contrat, un « référendum » dans ces conditions, c’est un chantage, d’autant qu’il est organisé par l’employeur seul dans le projet Macron, pire que dans celui El Khomri. Alors que la Constitution française dit que « les salariés s’expriment par l’intermédiaire de leurs délégués et participent ainsi à la gestion des entreprises ».

Ne pas accepter des délégués au seuil de 50 salariés : cela ferait 8,5 millions de salariés sans délégués, puisque 97 % des entreprises ont moins de 50 salariés, c’est aussi inconstitutionnel.

L’idée des délégués élus, syndicaux, du personnel, est essentielle pour le dialogue social ; elle protège les salariés, leur donne une force collective, un référendum les atomise, les pulvérise dans leur solitude face à l’employeur qui menace de délocaliser ou de fermer. C’est Jupiter dans l’entreprise.

Macon se plaît à jouer les Jupiter : face a la presse, dans les décisions de l’Elysée, dans « En marche »… demain au Parlement si on le combat pas frontalement.

On pourrait revenir sur le nécessaire contrôle des entreprises, Volkswagen ? Les entreprises ont besoin d’être contrôlées, pas des zones de non-droit. Volkswagen, 11 millions de véhicules, empoisonne par la pollution de ses pots d’échappement et triche, on sait qu’il y a 48 000 morts en France par la pollution des particules fines. il y a aussi Renault condamné à 3,5 milliards d’amende, et puis Fiat-Chrysler, 110 millions de véhicules ; toutes ces grandes entreprises, on a en a mille en France qui font 50 % du PIB, doivent être sous contrôle du public, des salariés et des usagers. On ne doit pas leur faciliter d’échapper à la loi : c’est pourtant l’âme du projet d’ordonnance de Macron.

Ils pourraient même, Edouard Philipe a été menaçant à ce sujet, s’attaquer au droit de grève, comme Thatcher, tant admirée par Macron.

GM&S (La Souterraine) a échappé à la fermeture jusqu’à fin juin. Cela prouve que l’Etat a pesé. Qu’il peut peser ; mais qu’il n’a décidé de peser que pendant la période des élections, et au début de l’été, ce sera fini. Ne peut-on en revenir à une question essentielle, qui s’oppose au projet des ordonnances Macron (en faveur de laquelle nous sous sommes si souvent prononcés de 1996 à 2002) : le contrôle public des licenciements, le refus des licenciements abusifs (boursiers notamment) ?

La honteuse barémisation des sanctions contre les licenciements abusifs, l’avons-nous assez expliquée ? Il s’agit bien, de la part de ceux qui veulent rétablir des peines plancher pour les petits délinquants ordinaires, d’établir des peines plafond pour les délinquants patronaux. Ce qui n’empêche que quand ils veulent faire des transactions de départ avantageuses entre eux, ils n’ont pas de barèmes, pas de limites ; moi, j’avais vu au Crédit commercial de France une « rupture conventionnelle » de 2,3 millions avec un cadre choyé… et il y en a beaucoup, quelle injustice ! Au fait pourquoi on n’a pas mi de salaire maxima, d’indemnités maxima, de maxima aux retraites dorées ?

Pourquoi ne pas laisser au juge le soin d’apprécier ? 80 % des décisions des prud’hommes sont confirmées en appel.

On peut re-défendre idéologiquement le principe de l’état de droit dans les entreprises, de l’ordre public social, la supériorité des droits de l’homme sur l’exploitation, l’OIT, le principe d’un droit universel du travail contre le dumping social, boutique par boutique, entreprise par entreprise. D’autant que le non-droit frappe surtout les petites entreprises ainsi livrées à la pression des plus grosses… on pourrait proposer de reconstruire du droit des sous-traitants et gagner ainsi de l’audience dans la CGPME ou l’UPA.

Des millions de gens nous écouteraient à nouveau si nous tenions ce langage neuf, ferme et centré contre les ordonnances Macron. Là, comme dit Jean-Christophe, on « rentre dans le lard » de tous ceux (un millier ? ) qui nous quittent bien à tort pour Macron, El Khomri incluse ; profitons-en pour nous faire réentendre à gauche, sur ces questions de fond. A fond ! Comme dit l’autre, avec un imaginaire puissant pour un avenir désirable.

 

 

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