Migrants : mobilisation citoyenne et solidarité
Dans de nombreuses villes, de nombreux réseaux et associations se sont réunis pour lancer un appel à l’hébergement-citoyen pour les migrant.e.s, quelle que soit leur situation. Une adresse mail et un numéro de téléphone pour proposer un lit, un canapé pour une nuit ou plusieurs. Les réponses ont été rapides et des mineurs isolés, des femmes, des familles ou des hommes célibataires ont ainsi pu être hébergés et ne pas rester à la rue.
En effet, malgré les discours de Macron et Collomb relayés par les préfets, des migrant.e.s sont bel et bien à la rue contre leur gré et ne peuvent compter que sur la solidarité citoyenne. Par exemple, en décembre et janvier dernier, plus de vingt adolescents attendaient d’être mis à l’abri par l’Aide sociale à l’enfance à Rouen et seraient restés nuit et jour dehors pendant des semaines sans la mobilisation citoyenne. En février, une famille avec six enfants dont un nourrisson de deux semaines dormait dans une voiture.
Partout, des jeunes femmes sont mises à l’abri quelques jours, puis sont de nouveau à la rue. Malgré le plan Grand froid, des mineurs isolés attendent toujours, etc.
« Militer sur ses deux jambes »
Solidarité, charité, substitution ? Le débat existe depuis longtemps. Est-ce se substituer aux pouvoirs publics que d’organiser la solidarité citoyenne ? En partie, c’est certain ! Quand nous ouvrons notre porte à des gens qui, sinon, auraient passé la nuit dehors, nous nous substituons aux devoirs de l’État ou du département. Quand les associations organisent des maraudes pour venir en aide, nourrir ou habiller ceux qui sont à la rue faute de prise en charge par l’État ou le département, elles se substituent aux devoirs de ces derniers.
Cependant pour beaucoup d’associations et de militants, ce n’est qu’un des pendants de leur action. L’autre, c’est l’action revendicative. Exiger des moyens suffisants pour accueillir celles et ceux qui en ont besoin, exiger une autre politique migratoire, la liberté de circulation et d’installation, l’égalité des droits... L’appel à l’accueil solidaire intitulé « Tous et toutes ont le droit à un toit, à un abri pour la nuit » le souligne justement : « Aujourd’hui, beaucoup sont à la rue, y compris des enfants, avec tous les risques que cela comporte. Nous exigeons des pouvoirs publics qu’ils agissent pour les mettre à l’abri. Mais nous agissons aussi dans l’urgence pour les accueillir solidairement ».
La solidarité concrète et active part en général d’un élan de générosité, d’humanité. Comment ne pas être révolté en voyant ces femmes, ces hommes, ces enfants et adolescents à la rue ?
Comme Monsieur Jourdain ?
La plupart des « hébergeants » ne connaissent rien de la politique migratoire de la France, ne savent pas grand-chose du parcours du combattant qu’on impose aux migrant.es. La procédure Dublin ? Quésaco ? Le tri dans les centres d’hébergement d’urgence ? Un retour aux années les plus sombres de notre histoire. Des enfants seuls au monde dans un pays hostile dont ils ne connaissent parfois pas la langue ? En France ? Ils n’ont pas le droit de faire le 115 ?
En ouvrant leur porte, ces humanistes découvrent une politique : celle que le gouvernement français impose aux femmes et aux hommes qui n’ont eu d’autres choix que de quitter leur pays, leur foyer, leur famille, leurs amis. Des associations de femmes s’organisent pour nourrir chaque jour des adolescents isolés que le département refuse de reconnaître mineurs. Elles prennent la mesure de cette politique discriminatoire et se mobilisent contre les projets de loi, les circulaires de la honte.
L’auraient-elles fait sans cette ouverture humanitaire ? La plupart d’entre elles, probablement pas. Elles seraient restées, scandalisées sans doute, devant les infos, mais sans l’impérieuse nécessité de descendre dans la rue, sans la volonté de convaincre les collègues, les amis, la famille que cette politique est une infamie contre les droits humains.
Faire de la politique : s’occuper des affaires de la Cité
Ne pas permettre que nos frères, nos sœurs, nos enfants en humanité meurent sur nos trottoirs, c’est faire de la politique. C’est prendre conscience que ce pourrait être nous, nos enfants. En revanche ceux qui font les lois sont au service des puissants, ceux-là mêmes qui fabriquent les guerres et la misère.
Militer pour la solidarité concrète avec les migrant.es, c’est aussi ça, la lutte des classes.
Cet article de notre camarade Florence Capron a ét épublié dans la revue Démocratie&Socialisme n°253 de mars 2018