GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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« Ma candidate »

« Ils lui font la misère » (p. 32) à « ma candidate », alors je l’ai défendue quand elle « était seule contre Solferino » (p. 128) « encerclée » (p. 83) avant « sa consécration » (p. 104) tout ça pour « une force tranquille » (p 163), et faire « face à la défaite » (p 245) en « désirant demain » (p 273) !

Patrick Menucci se met en scène, faisant oublier son passé de « gauche socialiste », assurant l’intendance ingrate, suggérant à « sa » candidate, telle ou telle bonne idée (« Appelle Sarkozy pour le féliciter » p. 264) ou la protégeant de la cruauté des sondages (p. 260). Une sorte de tendre, naïf, venu de Marseille, avec son grand cœur parce qu’il est conquis par « sa » candidate. Une campagne difficile car il lui a fallu lutter contre l’adversité incarnée par le Parti socialiste, et parce que les permanents, mal pilotés par Hollande, n’ont rien fait pour l’aider et qu’ils ont quand même eu une « prime » de 500 euros en fin de campagne. « Le Parti socialiste est le seul employeur qui accord une prime de défaite à ses salariés (p. 139). »

Mais ne cherchez pas, c’est un livre où il n’y a pas d’information sur la campagne de Ségolène Royal qui ne soit connue ailleurs, dans les précédents livres de Bacqué-Chemin, Masure, Bartolone, Cambadélis, Jospin, Rebsamen. Ils disent tous la même chose : Chili, Privas, “bravitude”, carte scolaire, enfermement des jeunes délinquants, Blair, 35 h, impôts à 4000 euros, trou d’air, 282, Villepinte, duel deuxième tour, Charletty, etc…

Par contre, chez Menucci, il y a des « perles » ! Une belle, dès le début, p. 30, « Politiquement les socialistes chiliens sont en avance sur nous, ils sont d’accord avec le centre, ils font des primaires ». Mazette, l’accord avec la droite appelée « centre » c’était déjà là, au Chili en janvier 2006 !

Comme d’autres livres, ce sont surtout des anecdotes, des susceptibilités d’appareil, mais il n’y a presque pas de politique, presque aucun argument sur le fond des questions essentielles de la campagne. Patrick Menucci évoque furtivement, très très furtivement, la retraite, les 35 h, les impôts, ou le Smic, mais sans jamais argumenter. Comme ceux de Baqué, Masure, Cambadélis, Rebsamen, son livre convient allusivement que c’est là-dessus qu’il y avait problème, mais il ne développe aucune argumentation, explication, proposition.

Pire, Patrick Menucci, comme s’il n’avait pas mené une campagne, s’interroge : « Si elle veut de nouveau être candidate », écrit-il « Ségolène Royal elle-même doit travailler ».(sic. p.13) « Combien de temps faut-il travailler dans une vie pour disposer d’une vraie retraite ? Combien de temps faut-il travailler dans une semaine pour bénéficier d’un salaire suffisant pour sa famille ? Quel est notre rapport à l’autorité, en avons-nous fini avec notre vision archaïque du marché et de l’entreprise ? Quelles doivent être la France et l’Europe que nous voulons construire ? Voici quelques-uns des questions qui se posent à nous »… pour 2012 ! Évidemment, puisque « ma candidate » de Menucci n’avait pas réponse à ces questions en 2007, ce n’est pas surprenant qu’elle ait perdu !

Sérieusement, elle n’avait aucune idée de l’âge d’une « vraie » retraite ? L’équipe de campagne de Ségolène, ils ne savent pas que c’est une conquête des socialistes et de la gauche de 1982, répondant à de longs combat sociaux antérieurs ? Menucci ne sait pas que le congrès de Dijon, à l’unanimité, après débat, a adopté une motion pour abroger la loi Fillon, et défendre la retraite à 60 ans ? Il ne sait pas que c’était dans la synthèse du Mans ? Il ne sait pas que c’était dans le « projet » socialiste pour la présidentielle de 2007 ?

Menucci ignore t il que les Français travaillent en moyenne 37 annuités, pas 40 ni 41 ni 42, mais 37. Dans le réel. Les fonctionnaires travaillent réellement 33 annuités en moyenne dans la vraie vie. Pas 40, pas comme dans les mensonges des libéraux. Vouloir les faire travailler 40 annuités, c’est les faire « sauter à la perche sans perche », leur fixer un objectif inatteignable pour baisser le niveau de leur retraite.

A quoi joue-t-il ? Pour qui prend-on le parti, ses congrès, ses directions, ses militants, les électeurs ?

Menucci donne des leçons à Fabius pour n’avoir pas respecté la discipline sur le « non » (il est pourtant bien placé pour savoir le degré de sincérité du vote interne dans les Bouches du Rhône le 1er décembre 2004, et la réalité du vote des électeurs socialistes sincères le 29 mai 2005 dans la même région !).

Menucci reproche à Hollande d’avoir « oublié de sanctionner Mélenchon, Fabius, Emmanuelli » (p 146) : « Avec François, c’est tout le monde, il est beau, tout le monde il est gentil ». (Menucci était pourtant à la « gauche socialiste » quand celle-ci publiquement appelait à sortir de Maastricht, quand ses députés refusaient de ratifier Amsterdam… ?).

Menucci ne sait pas « combien de temps » , il faut travailler « dans une semaine » pour avoir un « salaire suffisant » ? Oh, bonne mère, ça fait misère... dans le parti des « 35 h hebdomadaires sans perte de salaire ». Menucci ne lit pas la presse du parti, il a raté 1997-2002, cinq ans de gouvernement de gauche. On comprend qu’il ne soit pas d’un grand secours pour « sa » candidate. Pour moins que ça, on perd une élection face à Sarkozy. Menucci ne sait pas qu’un salarié sur deux gagne moins de 1450 euros ? Sans doute que les 1500 euros du « projet » socialiste, il n’a pas lu, pas vu, pas su. En face Sarkozy pouvait partir avec un handicap de 46 % à 54 % en novembre et gagner avec 54 % - 46 % en mai, sans coup férir, en défendant qu’il fallait « travailler plus », face à des idéologues de cette trempe !

Menucci s’interroge sur notre « vision archaïque du marché et de l’entreprise » : c’est encore terrifiant. Surtout qu’une pleine campagne électorale, Chirac, Sarkozy, Larcher ont pu, dans le silence total de « sa » candidate, promulguer un « nouveau code du travail » (conseil du ministre du 7 mars, JO du 12 mars 2007) qui donne raison à 100 % à De Virville, Seillière, Parisot, Fillon, supprimant 500 lois, remplacées par des décrets, détruisant 130 ans de droits sociaux (pas archaïques) dans l’entreprise, en faveur de la loi de jungle du… marché… Mais Menucci qui n’a rien vu, s’interroge pour 2012 ? On en pleurerait de tant d’incompétence !

Non, Menucci n’aborde pas tout cela, mais il prend le temps de nous préciser qu’Assouline David (p. 33) avait oublié ses affaires et la date de l’avion pour le Chili et qu’il y est allé sans rien, le pauvre. Alors là, des anecdotes aussi passionnantes, on en récolte à la pelle dans les 284 pages du livre.

Allez, un autre morceau de bravoure parmi d’autres, vous n’allez pas y croire, alors je cite (p.75) : « Paradoxalement, lors de la crise du CPE, la gauche a rendu un vrai service à Sarkozy. En obligeant Villepin à retirer son projet, elle compromet définitivement ses chances de se mêler à la présidentielle et ouvre un boulevard au ministre de l’intérieur. (…) Certains dirigeants socialistes nous alertent… ( ..) En même temps que pouvions-nous faire d’autre ? » (p.76) (Rebsamen, dans son livre se pose un peu la même question, ils dont dû en discuter au ”282” !)

Comme si le puissant mouvement pour le CPE n’était pas infiniment plus précieux que tout pour la campagne des socialistes ? Sarkozy était « pour le CPE », il a même prétendu que c’était son « idée », l’a voté, soutenu, avant de tourner dans la précipitation, et d’être battu à plate couture avec sa majorité sortante ! Encore aurait-il fallut le rappeler, valoriser le combat des salariés, contre le CPE, CNE, etc… Parce que c’était un combat porteur, une « démocratie participative » grandeur nature, d’ampleur ! Menucci ne sait pas que si nous avons gagné les élections en 2004 (20 régions sur 22) c’est grâce au grand rejet de la loi Fillon en 2003, 30 millions de jours de grève ? (une vraie démocratie participative là, déjà, pour la retraite à 60 ans). Menucci ne sait pas que si nous avons gagné en 1997, c’est largement grâce aux grandes grèves de novembre décembre 95 ? – et des 35 h hebdomadaires sans perte de salaire ! ) Mais « sa » candidate, au début, il est vrai, avait bafouillé sur le CPE (en janvier 2006 et encore à la mi-mars 2006) et elle a proposé une CPC en mars 2007 qui lui ressemblait de prés, de très prés hélas ! Menucci défend cela en se lamentant que cela n’ait pas été compris alors que « artisans et commerçants qualifiaient cette piste de prometteuse » concluant par un étrange : « Mais qui prend la peine de les entendre ? » (p. 236)

« Le hollandisme, ça n’existe pas » écrit-il p 146 en prenant soin d’assassiner François Hollande dans les 10 chapitres de son livre. Ségolène si hardie, novatrice, libre sur les 35 h pour les enseignants, la remise en cause (favorable aux enfants de riches) de la carte scolaire, l’enfermement des jeunes délinquants, (40 à 50 000 ose dire Rebsamen) le « salut » à Tony Blair, la non-remise en cause « par plaisir » des lois de la droite, “aimez vous les uns les autres”, aurait, selon Menucci, été « obligée de se cantonner dans des phrases alambiquées » sur les retraites, le financement de la sécurité sociale, (p.147). Tout cela à cause de Hollande qui n’a jamais clarifié, rien réglé !

Ah oui ? Pourtant c’était clair sur l’âge de la retraite à 60 ans dans le projet : il n’y avait pas besoin de phrase alambiquée. Un chiffre : droit à la retraite à 60 ans. Pareil pour la majoration des heures supplémentaires dans le « projet » : pas par « contrat » mais « par la loi ». Trop « alambiqué » ? Menucci ne l’a pas lu ? Et sa candidate ?

Menucci se moque du monde quand il dit que c’était l’absence de projet clair qui gênait la candidate !

En vérité, la candidate a pris dans le « projet » ce qui lui plaisait, s’est tu sur le reste et a ajouté ce qu’elle avait envie d‘ajouter en toute liberté ! Le malheur, c’est que c’était de très mauvais choix sociaux qu’elle a fait, sur les 35 h comme sur les retraites, comme sur les salaires. Elle a aussi souligné à Villepinte la « lourde dette de la France » accréditant l’idée (du Fillon avant la lettre) qu’on ne pouvait donc rien faire, au lieu de souligner que la France n’avait jamais été aussi riche de son histoire et ses richesses aussi mal partagées !

Et sur les impôts : Hollande (p. 197) est traité comme un désastreux incompétent, qui « fissure la cohésion » de la campagne, qui « d’une phrase, nous met à dos la moitié du pays » (sic. p.198) parce qu’il ose parler de la réhabilitation des impôts républicains progressifs. Même si le seuil de 4000 euros nets, évoqués par Hollande (98 % des salaires sont en dessous de 3000 euros) pour illustrer la nécessaire progressivité de l’impôt, pouvait être discuté, il ne fallait naturellement pas céder à la pression, mais, au contraire, en profiter pour rebondir sur la redistribution des richesses, citer les 500 familles qui venaient de gagner 80 milliards d’euros de plus l’année précédente, expliquer la baisse fantastique de l’impôt sur les sociétés alors que celles du CAC 40 venaient de battre tous les records avec 100 milliards d’euros de bénéfices ! Au lieu de s’en prendre à Hollande, il fallait s’en prendre à la droite, à Sarkozy (dont les chiffres de campagne étaient contestés et totalement désavoués par l’UMP en « une » du Monde, faute de « recettes fiscales »). Mais non, au « 282 », on préfère s’attaquer au Premier secrétaire du Parti, on fait silence et ce sera maintenu toute la campagne sur la nécessaire révolution fiscale, laissant Sarkozy et son ignoble « bouclier fiscal », remettre en cause l’ISF ! On s’étonne d’avoir été battu idéologiquement, alors que le pays roulait à gauche depuis cinq ans !

Bon allez, ne tirons pas davantage sur une ambulance : Menucci défend l’alliance avec le centre, avec Bayrou, Premier ministre, à la fin… et propose de remettre en cause « la proportionnelle dans le Parti socialiste » comme si « seul le scrutin majoritaire permettait de dégager des majorités claires » (p. 282 !).

Ce qui est vraiment, pour finir, une attaque minable et catastrophique contre la démocratie dans le parti : il se moque du monde, alors qu’il y a eu une majorité de 95 % pour la synthèse du Mans et une majorité de 90 % pour le « projet », Ségolène incluse, totalement incluse !

Ce qu’il faudrait surtout, c’est que les minorités de la gauche socialiste qui alertaient sur toutes ces « bourdes », soient survalorisées et davantage écoutées que les BHL, Kouchner, Gracques, Jouyet, et autres incapables à s’opposer à Sarkozy tellement ils sont fascinés par lui et ne croient plus au socialisme !

De grâce une autre équipe de campagne, écoutez les militants, à gauche, à gauche !

Gérard Filoche, 10 novembre 2007

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