GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur Actions & Campagnes politiques

Loi Macron : une loi contre les jeunes ?

Nous reproduisons ici une tribune du Président de l’Unef parue dans le Huffington Post le 16 juin 2015.

Dénoncer la loi Macron comme une loi libérale, cela a déjà été fait. De nombreuses prises de position ont contesté, à juste titre, la prétendue "modernité" de cette loi pour "libérer les énergies". Une "modernité" qui ne traduit rien d'autre que les revendications portées par le patronat depuis les années 70. Une "liberté" qui aura comme seules conséquences de faire reculer les droits des salariés et de précariser le marché du travail. En revanche, une question a été peu soulevée: quelles vont être les conséquences de cette loi libérale pour les jeunes ?

L'argument des étudiants salariés a été manipulé

Emmanuel Macron a été le premier à inviter les jeunes dans le débat, à propos du travail le dimanche. Il a invoqué les étudiants contraints de travailler à coté de leurs études pour les financer, ils sont en effet plus d'un million, et qui pourront, grâce à la loi Macron, travailler le dimanche plutôt que rater des cours en semaine. On peut déjà s'interroger sur ce changement de priorité. Alors que François Hollande s'était engagé à faire reculer le salariat étudiant par la mise en place d'une allocation d'autonomie, le gouvernement n'a rien de mieux à proposer aux étudiants que de travailler le dimanche ? En réalité, les étudiants précaires qui n'ont pas d'autre choix travaillent déjà le dimanche et la loi ne changera rien pour eux. On retiendra simplement des débats parlementaires que les étudiants ont servi d'alibi pour remettre en cause le droit au repos dominical de tous les salariés.

Renouvellement des CDD et renforcement de la précarité

C'est à travers les annonces du Premier ministre à destination des TPE et PME que la loi Macron impactera réellement le quotidien des jeunes. Au nom du "bon sens", le gouvernement déposera un amendement pour autoriser les entreprises à renouveler deux fois les CDD au lieu d'une actuellement. Rappelons que 80 % des embauches se font déjà en CDD et que les jeunes sont les plus touchés par cette précarité puisqu'ils représentent à eux seuls les trois-quarts de ces contrats. À défaut de partager le "bon sens" du Premier ministre, on peut donc s'inquiéter de l'impact de cette mesure sur le marché du travail. L'épreuve que représente l'arrivée à échéance d'un CDD - ce moment qui provoque de l'angoisse parce qu'on ne sait pas s'il va se traduire par un renouvellement du contrat, une embauche en CDI ou tout simplement une mise à la porte de l'entreprise - aura donc lieu une fois supplémentaire. Le tunnel de précarité que traversent les jeunes avant l'accès au premier emploi stable, pour l'instant à l'âge moyen de 27 ans, va encore s'allonger.

Plafonnement des indemnités prud'homales: jeune et jetable

Derrière une mesure en apparence technique, il y a déjà un déni de droit. Plafonner les indemnités c'est refuser le principe de l'indemnisation pleine et entière du préjudice subi par les salariés. Mais au-delà du principe juridique, c'est une mesure qui va changer radicalement la logique du marché du travail et dont les jeunes, encore une fois, seront les premières victimes. Pour un contrat de moins de 2 ans, la majorité des jeunes sont concernés, le plafonnement correspondra à 3 ou 4 mois de salaire selon la taille de l'entreprise. La faiblesse des indemnités, leur montant prévisible, la dissuasion que représente le coût d'une démarche aux prud'hommes pour un salarié vont créer un "droit" au licenciement abusif pour les employeurs.

Le raisonnement est excessif ? Il suffit pourtant de comparer les effets de la loi Macron avec feu le Contrat Première Embauche (CPE) que le gouvernement Villepin avait retiré suite à une forte mobilisation sociale en 2006. Le CPE permettait à une entreprise de licencier sans motif un jeune pendant les deux premières années en versant une indemnité qui correspondait à 8% du montant de sa rémunération depuis le début du contrat. Avec la loi Macron, il reste interdit de licencier sans motif, mais si à tout hasard un employeur le fait, il sait que les indemnités à verser seront plafonnées à 12 %... 8 % d'indemnité d'un côté, 12 % de l'autre, à chaque fois pour permettre un licenciement sans motif, est-ce là qu'il faut trouver la nuance entre la politique d'emploi du gouvernement Villepin et celle du gouvernement Valls ?

Moins que rien c'est pire que tout

Le président de la République s'était donné comme objectif de faire du CDI la norme d'emploi pour les jeunes, la loi Macron produira l'inverse et ce n'est pas l'utilisation du 49-3 à l'Assemblée nationale qui réglera cette contradiction. Une loi contre les jeunes adoptée dans un déni de démocratie : il ne faudra pas ensuite s'étonner de leur défiance envers les institutions. Il est donc urgent de changer de cap. Contre le dogme libéral, il faut tenir les engagements et sortir notre génération du bizutage social en respectant le droit à un emploi stable rémunéré à hauteur des qualifications.

Document PDF à télécharger
L’article en PDF

Inscrivez-vous à l'infolettre de GDS

La revue papier

Les Vidéos

En voir plus…