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Loi Macron : ce n'est pas un texte de gauche. Il fragilise notre droit du travail

Tribune de Gérard Filoche parue initialement sur le site Le Plus de L'Obs et consultée déjà plus de 7 900 fois.

LE PLUS. La loi Macron crispe le Parti socialiste. Le projet défendu par le ministre de l'Économie divise la gauche, notamment à propos de l'élargissement de l'ouverture des commerces le dimanche. Plus grave encore, ce texte s'attaque aussi au Code du travail, déplore Gérard Filoche, membre du bureau national du PS et ancien inspecteur du travail. Explications.

Depuis sa naissance en 1998, le Medef cherche à supprimer le Code du travail, en tant que droit collectif, dans sa spécificité. Il entend remplacer l’état de droit républicain dans les entreprises par un droit individualisé dans un "tête à tête" patron-salarié.

Actuellement, ce qui caractérise un contrat de travail, c'est un « lien de subordination juridique permanent ». C’est un contrat où les deux parties étant inégales, il existe obligatoirement une contrepartie qui est le Code du travail et les conventions collectives.

Une modification tout sauf anodine

Pour supprimer cette notion de subordination et surtout sa contrepartie, le Medef avait organisé, le 29 mars 2011, un colloque sur la "soumission librement consentie". Il s’agissait de passer d’un contrat du travail collectif à un contrat civil individuel de gré à gré. En cas de changement, le contrat n’étant plus de travail mais civil : il relevait du juge civil et non plus des prud’hommes.

Or, sans hasard, le projet de loi Macron déposé à l’Assemblée nationale modifie, de façon soignée et très surprenante, l’article 2064 du Code civil et abroge aussi l’article 24 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 (cf. à la fin de l'article 83 chapitre II droit du travail section I Justice prud'homale p. 61).

On peut ne pas y faire attention, mais quand on ouvre les yeux, on tombe des nues : il s’agit justement de permettre que le contrat de travail ne soit plus exclu des conventions amiables de gré à gré ! Il deviendrait une « convention de procédure participative », comme entre deux voisins, entre deux civils quelconques.

Vous signez avec votre employeur, mais vous n’êtes plus subordonnés, vous devenez son égal, vous négociez avec lui une "convention participative" et c’est "l’opt out". Vous renoncez du même coup aux droits qui s’appliquent automatiquement à tout contrat de travail tels qu’ils sont définis dans le Code du travail.

Une première trouée dans le droit du travail

La suppression de l’alinéa dans l’article 2064 du Code civil permet d’écarter le fait que les litiges issus de cette nouvelle "convention" de gré à gré soient confiés… à la juridiction prud’homale.

La "convention de procédure participative" l’emporte, convention "par laquelle les parties à un différend qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend".

Exit le droit du travail, exit les prud’hommes…

Personne ne pense que ce "cavalier" caché introduit dans la loi Macron soit innocent et sans portée. Certes, il a peu de chances de faire rapidement florès. Mais, même au compte goutte, c’est une trouée, savamment percée et qui correspond à l’objectif du Medef de casser tous les principes du droit du travail.

Ils avancent masqués, mais ils avancent inlassablement. C’est tordu, mais ils savent où ils veulent aller.

Une mesure pro-Medef plus que socialiste

Nous voilà donc obligés de démasquer le double visage de Macron : il prétend que sa loi est de gauche, mais il se charge d’introduire le mauvais ver dans le fruit. L’étrange modification de l’article 2062 du Code civil, c’est la tentative cachée mais volontariste d'une grande mutation pro-Medef et pas du tout socialiste.

Difficile de prétendre que cette niche dans le texte Macron est là par hasard ou pour un autre louable but.

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