GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Jeunes

Les enseignements de « Mai 68 : Histoire sans fin »

Plutôt que de résumer « Mai 68 : Histoire sans fin » de G. Filoche, cet article tire les enseignements politiques de cet ouvrage.

Les biographies politiques rencontrent deux publics : celui qui a vécu les évènements et y retrouve ses combats, et celui qui cherche à comprendre les évènements passés pour en tirer des conclusions politiques pour l’avenir. « Mai 68 : Histoire sans fin » n’échappe pas à la règle : l’ouvrage ravira la génération née en politique avec 68. C’est aussi un instrument précieux pour les générations suivantes qui peuvent bénéficier des enseignements politiques que l’auteur tire de son expérience militante.

L’importance de la démocratie

Le respect des règles démocratiques est forcément lié à tout programme socialiste. La démocratie n’est pas une technique, ni un supplément d’âme, mais un droit et un ensemble de droits. Elle conditionne le parti, le syndicat, le pouvoir quel qu’il soit, c’est une méthode d’action, une pédagogie et une garantie essentielle, une protection, une surveillance, un échange. Elle doit être méticuleuse, définie jusque dans ses détails : « la procédure est sœur jumelle de la liberté » disait le jeune Marx.

S’adresser pédagogiquement aux salariés

La praxis est la traduction de cette pratique démocratique : il faut partir des besoins immédiats et y insuffler la perspective politique. Inutile de crier à « la révolution » quand on n’a qu’une minute pour parler, ça ne déclenche rien ni n’éduque personne. Il faut partir des besoins élémentaires puis, une fois le mouvement lancé, introduire le maximum d’histoire, de politique, de stratégie, d’ambition pour l’avenir, de programme de transformation sociale. Les masses en mouvement sont alors une force matérielle formidable, d’une lucidité à laquelle les dirigeants ont intérêt à répondre rapidement.

Un syndicalisme indépendant mais pas neutre

Dans cette lutte, le syndicat est un outil précieux des salariés. Diviser le mouvement syndical sur des a priori idéologiques est néfaste et toujours favorable au final aux gouvernements bourgeois. Il faut développer et non pas contourner les syndicats. Tout salarié y a sa place quelles que soient ses opinions philosophiques, politiques ou religieuses. Mais le syndicalisme n’est pas apolitique : tous les courants d’idées peuvent y être présents s’ils se respectent entre eux et jouent le jeu de la démocratie syndicale. Le syndicat doit être indépendant mais pas neutre.

Les mouvements sociaux et les rapports de force de long terme

Dans toute crise sociale, il y a des moments charnières : d’abord des tests, des attentes, une montée en puissance, puis, lorsque le pouvoir est directement en jeu, soit il existe une réponse ferme et déterminée des syndicats, de la gauche, qui pèse alors de façon décisive pour la victoire, soit l’ancien pouvoir chancelant se ressaisit, il reçoit l’appui des forces conservatrices qui reprennent espoir, il manoeuvre et l’emporte, renversant la situation aussi vite et profondément que possible. Entre ces termes, c’est une véritable thérapie collective, la conscience de millions de personnes évolue, s’enhardit : il n’y a plus de fatalité. De tout cela, il reste des acquis profonds. Si 68 est devenu incontournable dans la vie politique française, c’est que la bourgeoisie, le patronat, la droite a compris que la classe salariale, en dépit des freins syndicaux et politiques d’alors, pouvait se mettre puissamment en marche. Les rapports de force en furent durablement marqués et l’exception du modèle social issu de l’après-guerre se vit confortée. Depuis, les gouvernements cherchent à éviter de passer en force, ils guettent les soubresauts, traitent avec prudence les mobilisations de la jeunesse, ne prennent pas trop de front les revendications sociales. D’ailleurs, mai 81 n’est-ce pas la traduction politique et institutionnelle différée de Mai 68 ?

Savoir pour qui on se bat, avec qui

Il faut enfin savoir distinguer son camp. Les attaques incessantes contre le PS sont contre-productives : sa continuité historique, théorique, organisationnelle, ses liens avec le mouvement syndical et social, et sa place dans les mouvements sociaux, en font bel et bien un parti de gauche. Il est aujourd’hui, malgré ses détracteurs, et ses grandes faiblesses, l’instrument de la gauche, des salariés pour exprimer leur mécontentement et leurs aspirations. Plutôt que d’être à la marge, il faut donc être au cœur de la gauche et peser tant que possible pour infléchir la ligne du PS. Il faut pour cela associer tous les partis de gauche. Sans unité de la gauche, rien de grand ne s’est jamais fait. Et il n’y a rien de pire que de nouer des alliances contre nature (avec le centre, c’est-à-dire avec un pan de la droite). Au final, il est impératif de savoir distinguer son camp, qu’il faut unir, de celui de l’adversaire, que l’on combat d’autant mieux que l’on est rassemblé et attentif à ses légitimes sensibilités.

Ernest Simon

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