GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Le 80e congrès de l'Unef du 22 au 25 mars à Lille

Le 80° congrès de l'Unef s'est clôt le dimanche 25 mars a Lille. Il a réuni 618 délégués de 54 universités (20 ans de moyenne d'âge : impressionnant vivier pour l'avenir du mouvement syndical du pays) et près de 200 invités. Il a été marqué par la journée de commémoration des 100 ans de l'Unef et par l'interpellation des candidats à l'élection présidentielle. Il a surtout été le congrès de la victoire contre le Cpe. Tous les leaders syndicaux et politiques sont venus y prendre la parole.

Il faut le dire, même pour un ancien « Unefard » des années soixante, c'était impressionnant. Le grand amphithéâtre du Grand Palais de Lille était plein à craquer. La tenue, le sérieux, le contenu des débats donnait confiance à ceux qui avaient voulu que l'Unef vive et ce, en des temps où elle fut menacée par la division, les gauchismes, les surenchères.

La première journée fut entièrement consacrée à l'histoire, depuis les premières pierres en 1907, à Lille justement. Puis les années « corpo », puis les années « faluche » sinon facho, les années front populaire et les années Résistance...

Au sortir de la guerre, naquit une nouvelle Unef avec « La Charte de Grenoble » dont Paul Bauchet vint défendre l'actualité avec brio devant les jeunes étudiants d'aujourd'hui devant le président de l'amicale des « anciens de l'Unef », André Rostini. On passa à la guerre d'Algérie, avec Robert Chapuis, et on raconta comment les « majos » (corporatistes) étaient battus dans les AGE par les « minos » et donc toute cette période de l'histoire où les « minos » étaient devenus majoritaires, avant mai 68.

Fallait-il revendiquer une « allocation d'études sur critères sociaux » ou sur « critères universitaires » ? Toute la gauche du syndicat penchait pour la deuxième solution qui devançait ainsi l'actuelle revendication d'allocation d'autonomie de l'Unef 2007...

Ce fut la grande Unef unitaire où tous les courants politiques de gauche se trouvaient.

Du milieu des années 60, de la lutte universitaire contre la sélection et « le Plan Fouchet » à la lutte contre la guerre du Vietnam, puis aux solidarités avec les luttes ouvrières (grève des mineurs de 1964, grandes journées d'action contre les ordonnances de la Sécurité sociale de 1966 et 1967, les grands luttes de Rhodiaceta, de Redon, de la Saviem à Caen) le fil de l'histoire syndicale et de ses courants se déroula.

Un journaliste du Monde, Pierre Vianson-Ponté s'est rendu - involontairement célèbre en affirmant en février 68 « la France s'ennuie ». Certains ont cru y voir la prophétie de Mai 68. Cette phrase est souvent citée par les mauvais historiens qui se croient intelligents a chaque fois qu'ils parlent de mai 68. En fait, cette phrase était une belle « connerie »... de la part de quelqu'un... qui ne comprenait rien et ne voyait rien venir. En fait la montée sociale avait commencé depuis trois à quatre ans, la courbe des grèves s'intensifiait, la puissance du mouvement ouvrier encourageait et stimulait la jeunesse...

Et si l'Unef appela à la grève générale, ce fut dans un contexte ou déjà des jeunes ouvriers avaient multiplié bagarres et barricades en province, notamment pendant huit jours à Caen, fin janvier 1968...

Le reste, on le sait le mouvement universitaire se nourrit de la grève générale spontanée mais massive de 7 à 8 millions de salariés... Un soulèvement qui confia à la « grande Unef » un rôle qui la dépassa...

Après mai 68 le gauchisme fit des ravages : ce fut le cas des « spontanéistes » mouvementistes de l'époque. Mais aussi de courants politiques, notamment dans la Lcr dont les dirigeants Bensaid, Weber, Krivine voulurent à tout prix « dépasser » l'Unef dans un « mouvement du 22 mars national » ce qui échoua, bien sur, aussitôt. Cela ouvrit un débat dans la Lcr qui devait durer 10 ans et qui n'est pas encore tranché : faut il ou non un syndicalisme étudiant ? Fallait-il ou non se battre pour protéger ou reconstruire l'unité de la grande Unef ? Le courant qui a fondé « d&S » a eu ses origines dans ce combat pour le syndicalisme étudiant, pour l'Unef.

Les années 70 ont pourtant vu l'Unef éclatée en chapelles avant que vers la fin de l décennie, ne converge à nouveau de petits mouvements para syndicaux, puis que se réunifie une première fois partiellement l'Unef-id. L'Unef-se continua encore une decennie avant de fusionner a son tour, et dés lors toutes les composantes des années 6o se retrouvèrent à nouveau dans le syndicat historique.

Il y eut le jeudi soir un grand banquet de 800 personnes, souvenir auquel prirent part de nombreux « anciens » dont... entre autres, Lionel Jospin, Clémentine Autain et Gérard Filoche qui prirent la parole successivement... Lionel Jospin rappela ses souvenirs de combat de l'Unef des années 60 ( lire « Ces années -là quand Lionel... Ed Ramsay, 2001) et ses surprises lorsque, ministre de l'éducation nationale, il eut a son tour des manifestations contre lui...

Ainsi sous la présidence tonique et attentive de jeunes gens de 20 ans, de nombreux autres orateurs, certes plus âgés, ne manquèrent pas de rappeler leur passé « unefard » (Philippe Darriulat, Marie-Pierre Vieux, Isabelle Thomas, etc... ) soit directement dans la salle soit par un excellent petit film pédagogique de montages, intercalé.

Ce sont ces 100 ans fêtés ainsi solidairement aux côtés des militants « historiques » qui consolident le sens du syndicalisme étudiant. Car ils viennent après que ce cadre unitaire qu'est dorénavant l'Unef, se soit révélé initiateur, moteur, dirigeant légitime, du grand mouvement de la jeunesse contre le Cpe en 2006. Déjà il y avait eu le grand combat contre le Cip. Ce fut un second raz-de-marée, une seconde grande victoire en dix ans, mais cette fois avec tout le mouvement syndical uni, sans exception avec la jeunesse étudiante et lycéenne.

La conduite du mouvement sereinement et fermement par le président Bruno Julliard a été l'objet d'éloges de tous, et lui a assuré une majorité de 80 % des délégués. (Deux petites tendances hostiles, l'une inspirée par la LCR assurait que l'Unef avait « freiné » et une autre animée par des strauss-khaniens assurait que l'Unef n'avait « pas pesé »). A l'intérieur du syndicat unifié et solide, actif et combatif, comme à l'extérieur, personne ne niait le rôle moteur qui avait été le sien du 18 janvier au 10 avril 2006 pour mettre à plat de Villepin et toute sa majorité de Sarkozy à Bayrou. Chirac, à genoux dut promulguer une loi dont il demanda qu'elle ne s'applique pas avant de la retirer...

C'est pour cela que Maryse Dumas, Bernard Thibault furent là, tour à tour. La Cgt connaît bien cette pépinière de cadres qu'est l'Unef. Puis Jean-Claude Mailly , Alain Olive, Jean Grosset, Gérard Aschieri, Annick Coupé... C'est aussi pour cela que défilèrent Marie-Georges Buffet, Olivier Besancenot, un représentant d'Arlette Laguillier, Dominique Voynet, José Bové, Ségolène Royal... Même les candidats de droite insistèrent pour parler et, pas téméraires, se faire représenter !

Tous s'efforcèrent de séduire la jeunesse de toute la France, rassemblée dans ce congrès de Lille, sauf peut-être Besancenot, qui dans la tradition de la Lcr, se mêla des affaires intérieures du syndicat avant d'y parler avec un peu de morgue. Sans doute ses mentors lui ont ils transmis toutes les erreurs génétiques de son organisation vis à vis du syndicalisme étudiant. Marie-Georges Buffet rappela qu'elle était présidente de la « Feruf » (fédération des résidences universitaires de France, actuellement présidée par Germain Filoche).

L'Unef avait formulé « sept exigences » et interrogé chaque candidat, façon pour elle de conserver son indépendance, tout en interpellant les « politiques » sur leurs projets concernant l'éducation, l'enseignement supérieur, et surtout sur l'allocation autonomie pour la jeunesse, son financement, ses modalités.

Ce fut un succès, car presque tous les candidats de gauche reprirent comme engagement la mise en place d ‘une telle allocation, y compris la favorite, Ségolène Royal, qui vint, en dernier le dimanche matin et reçu une standing ovation.

D&S aura l'occasion de revenir sur ces 100 ans, et sur la portée de ce 80e congrès de l'Unef. Car « l'Unef vit et l'Unef vivra » : ceux qui gouverneront auront intérêt à l'écouter. Et ceux qui ne l'ont pas écouté, comme Villepin savent ce qu'il leur en a coûté.

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