GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Economie Théorie Histoire

La crise de l'euro, une crise sociale

La zone euro est une union monétaire inachevée. Le passage des monnaies nationales à une monnaie unique ne s'est pas accompagné d'une fédéralisation des politiques économiques. Les États ont délégué la compétence monétaire mais ont gardé le contrôle de leurs orientations budgétaires. Le prélèvement des recettes et l'affectation des dépenses reste une prérogative nationale.

Ce paradoxe d'une monnaie unique sans réel budget commun a favorisé l'accroissement des disparités entre les États et le développement des stratégies non coopératives. En effet, la relative sur-évaluation de l'euro pour les États à productivité faible a pénalisé leur développement industriel. A l'inverse, sa relative sous-évaluation pour les États à productivité forte a avantagé leur commerce extérieur.

Les pays les moins productifs ont compensé ce décrochage économique par une capacité d'endettement supérieure à ce qu'elle n'aurait été dans le cadre d'une monnaie nationale. Tandis que les pays les plus productifs ont accentué leur avantage de compétitivité par des politiques d'austérité salariale, les exportations se substituant à la consommation intérieure. C'est ainsi que la zone euro s'est scindée en un centre continental qui capte les richesses et une périphérie méridionale sous dépendance financière.

Cette séparation entre un groupe de pays qui dépense relativement peu et exporte beaucoup et un groupe de pays qui dépense relativement plus et exporte peu est à l'origine des tensions actuelles. En l'absence d'une politique monétaire coordonnée et contrôlée, ces disparités ont ouvert la voie à la spéculation des marchés financiers. Les besoins de financement des pays les plus vulnérables et les arbitrages sur les taux leur ont ouvert de nombreuses opportunités de gain.

L'offensive de la finance s'est d'abord concrétisée par le développement d'une économie parasitaire et d'une hypertrophie bancaire dans les États de la périphérie. Elle s'est ensuite manifestée par les écarts de coût d'emprunt au bénéfice des pays du centre. L'incapacité de la Banque centrale à jouer le rôle qui devrait être le sien, a conduit les spéculateurs à être les seuls maîtres de la zone euro.

Cette situation révèle une alliance de fait entre les dirigeant des groupes exportateurs et ceux du secteur bancaire. Les uns gagnent en parts de marché ce que les autres réalisent en plus-values financières. L'aboutissement d'une telle coalition d'intérêts est la mise sous tutelle des économies de la périphérie. Dans le cas de Chypre, du Portugal et de la Grèce, il en résulte une prédation des ressources quasi coloniale.

Le rôle de l'Allemagne est à ce titre exemplaire. Angela Merkel fait la politique que lui demande son patronat exportateur et défend les intérêts de ses banques engagés dans les pays de la périphérie. Le blocage politique au niveau européen se révèle donc être la manifestation d'un rapport de forces politique que seule peut ébranler la mobilisation du salariat de la zone euro.

Dans ce cadre, il est erroné de demander une sortie de l'euro. La monnaie est l'expression d'un rapport social, elle exprime une relation économique reconnue par une autorité politique. Le retour au franc ou à la peseta ne règlerait rien à la crise actuelle. La concurrence des monnaies nationales entre elles ne protègerait pas les salariés ni ne leur donnerait plus de poids dans la définition et le contrôle des politiques économiques.

Dès lors croire que l'euro est à l'origine de la crise revient à prendre l'apparence des événements pour leur réalité intrinsèque. Si la monnaie unique est aujourd'hui contestée c'est parce qu'elle sert les intérêts d'une minorité qui l'a prise en otage. Ce n'est donc pas la monnaie qu'il faut briser mais un rapport social qu'il est nécessaire d'affaiblir et d’inverser. À ce titre, il convient de démocratiser les institutions européennes, fédéraliser les politiques économiques et sociales et redistribuer les richesses à l'échelle de la zone.

Les résistances populaires qui se développent de Nicosie à Lisbonne, d'Athènes à Madrid, révèlent des élans de solidarité et une aspiration démocratique commune. Les luttes des salariés pour défendre leur dignité dans des pays dévastés par les mesures d'austérité poursuivent les mêmes objectifs de respect des droits et d'égalité. Ils incarnent l'Europe sociale et démocratique que les socialistes doivent contribuer à bâtir contre les prétentions impériales d'une minorité de possédants.

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