GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Féminisme

Espagne : nouvelle étape pour les droits des femmes

Le parlement espagnol a adopté, le 16 février dernier, de manière définitive, deux nouvelles lois : l’une sur la trans-identité, l’autre sur l’avortement comprenant une série de dispositions sur la santé sexuelle et reproductive.

Ces lois, dont certains points ont fait l’objet de débats difficiles, s’inscrivent dans la longue suite de dispositions législatives qui, depuis l’adoption en 2004 de la « loi organique de protection intégrale contre les violences de genre », abordent la question de l’égalité entre les hommes et les femmes de manière globale, traitant successivement de nombreux aspects des inégalités de genre et faisant de l’Espagne une pionnière sur plusieurs points.

Rappelons par exemple que depuis le 1er février 2021 les pères bénéficient d’un congé de paternité de seize semaines après la naissance afin de favoriser la coresponsabilité vis à vis des enfants. Rappelons également l’adoption, cet été, de la loi dite « solo si es si » (seul un oui est un oui), qui établit que « tout acte sexuel n’ayant pas été approuvé, demandé, désiré de manière claire et libre sera considéré comme une agression, voire comme un viol »

Un droit réaffirmé et renforcé

La loi sur l’IVG adoptée au Parlement ce 16 février reprend l’essentiel du texte voté en 2010, autorisant l’avortement jusqu’à 14 semaines de grossesse, et 22 en cas de malformation du fœtus. Le Tribunal constitutionnel avait statué le 9 février, après une bataille juridique qui aura duré 13 ans, que la loi sur l’IVG votée en 2010 était bien conforme à la Constitution.

La nouvelle loi abroge l’obligation d’autorisation parentale pour les mineures de 16 ans, ainsi que le délai de réflexion obligatoire de trois jours, introduits en 2015 par le gouvernement Rajoy. Elle introduit ensuite de nouvelles dispositions visant à renforcer l’accès à l’IVG dans les hôpitaux publics qui actuellement pratiquent moins de 15 % des interventions. Elle renforce enfin l’éducation sexuelle dans le cursus scolaire et met en place la distribution de contraceptifs et produits d’hygiène menstruelle dans les lycées.

Congé menstruel : une première en Europe 

Enfin, de manière remarquable et inédite en Europe, la loi instaure, un « congé menstruel » pour les femmes : « L’arrêt de travail d’une femmes en cas de règles incapacitantes » liées par exemple « à des pathologies comme l’endométriose » sera « reconnu comme une situation spéciale d’incapacité temporaire de travail ». Le congé sera pris en charge par la Sécurité sociale, sur présentation d’un certificat médical. Il reviendra au médecin d’en fixer la durée.

Si un tel congé existe dans quelques pays dans le monde, et parfois depuis longtemps (au Japon en 1947, en Indonésie en 2003, en Zambie en 2015…), il est pour l’instant très rarement utilisé, soit parce qu’il est non rémunéré, soit par pudeur ou crainte de se voir discriminée. En France, quelques entreprises, coopératives et services publics* ont adopté ce dispositif, mais cela reste très marginal.

Auto détermination du genre 

Appelée « Loi trans », la seconde loi votée permet aux personnes qui le souhaitent de changer de genre sur leurs papiers officiels, par simple déclaration administrative. À partir de 16 ans, il ne sera plus nécessaire de fournir de rapports médicaux attestant d’un traitement hormonal depuis deux ans et d’une dysphorie de genre (le fait de ne pas se reconnaître dans le genre attribué à la naissance) comme c’était le cas jusqu’à maintenant. Dans sa globalité, la loi vise à lutter contre les discriminations dont sont victimes les personnes transgenres et « dépathologiser » la transidentité, suivant ainsi les recommandations de l’OMS qui l’a retirée en 2019 de la liste des troubles mentaux. Le texte interdit les thérapies de conversion qui prétendent changer l’orientation sexuelle ou l’expression du genre.

Comme nous le relations dans la livraison précédente, la simplification par simple déclaration de la procédure suscite de nombreux débats et certains mouvements féministes en Espagne – comme en Écosse quand une loi similaire est venue en discussion à l’Assemblée l’an passé – estiment qu’une telle loi favoriserait d’éventuels comportements opportunistes de prédateurs sexuels prétextant un changement de genre pour accéder aux espaces réservés aux femmes.

L’épisode vécu en Écosse en janvier, où s’est posée la question d’un transfert vers une prison pour femmes d’une personne qui s’était déclarée femme alors qu’elle était condamnée pour deux viols et incarcérée dans une prison pour hommes, n’a fait que réalimenter la discussion de manière très vive. Cela met en évidence que, si l’auto-déclaration de genre est une avancée et permettra que « les personnes trans cessent enfin d’être considérées comme malades », comme s’en est félicitée Irène Montero, la ministre espagnole à l’Égalité, il restera pourtant certainement à mieux l’accompagner, la préciser pour en corriger les effets pervers afin de ne pas mettre en opposition les droits des trans avec les droits des femmes.

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu a été publié dans le numéro 303 (mars 2023) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

* Par exemple la DDETS 31. Dans le cadre de la renégociation du Règlement intérieur (RI) de la Direction départementale de la Haute-Garonne, les représentant·es SUD Travail Affaires sociales ont proposé que soit établi un droit à absence pour règles douloureuses d’une journée par mois. La direction a accepté cette demande et le RI a été voté avec cette innovation lors de la séance du CT du 22 novembre. Concrètement, chaque mois, les agentes souffrant de règles douloureuses pourront, à leur demande, sans avoir à le justifier, ni à produire un certificat médical, bénéficier d’une autorisation d’absence d’une journée pour ce motif. Source : https://www.sud-travail-affaires-sociales.org/spip.php?article1187

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