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Femmes : retraite par points ou point de retraite ?

On connaît la situation actuelle : les pensions de retraite étaient, en 2016, de 42% plus élevées pour les hommes que pour les femmes. Selon la Direction de la recherche et des statistiques (Drees), les hommes touchaient en effet en moyenne 1 739 euros brut contre 1 065  pour les femmes.

Les projets de réforme ne sont pas de nature à contrecarrer ces inégalités, bien au contraire. Dans le dernier D&S, nous titrions « le régime par points, c’est de la retraite en moins ». Cela est encore plus vrai pour les femmes.

À carrière inégale, retraite inégale

Avec la retraite par points, la retraite serait directement corrélée aux salaires perçus sur l’ensemble de la carrière. Ce renforcement du lien entre pensions et carrières professionnelles pénalisera plus fortement les femmes. Celles-ci ayant en moyenne des carrières moins longues et des salaires plus bas que les hommes, ne plus prendre en compte les 25 meilleures années pour référence comme aujourd’hui dans le privé (ou les six derniers mois dans le secteur public) aura des répercussions beaucoup plus conséquentes pour elles.

Selon une simulation réalisée avec le modèle Destinie de l’Insee sur les générations nées entre 1950 et 1960, la somme des salaires perçus au cours de sa carrière par une femme ne représente que 58 % de celle d’un homme. Le ratio serait alors le même pour les pensions.

« Pas de points gratuits »

Le système actuel a développé quelques dispositifs de compensation au bénéfice des personnes qui n’ont que peu de droits directs à la retraite. Dans une autre étude de la Dress d’octobre 2017, il est établi que les hommes nés en 1946 avaient cotisé, au titre de l’emploi, 36 trimestres de plus que les femmes de la même année. Si l’on prend en compte les périodes considérées comme assimilées à de la cotisation du point de vue du système de retraite (maladie, maternité, invalidité, chômage, assurance vieillesse des parents au foyer [AVPF]...), l’écart de durée entre les femmes et les hommes se réduit à 30 trimestres. En effet, l’AVPF, établie en 1972, et l’extension du champ de ses bénéficiaires au début des années 1980, ont compensé en partie les interruptions de carrière des femmes liées aux enfants.

Au total, les durées non cotisées, ainsi que les majorations et bonifications de durée, représentent, pour les femmes, 27 % de la durée validée totale et 9 % pour les hommes. Une baisse, dans la pension, de la part des dispositifs de solidarité attribués « gratuitement », sans contrepartie de cotisations, serait donc immédiatement beaucoup plus pénalisante pour les femmes.

On comprend alors le danger que représente l’affirmation de Jean-Paul Delevoye, Haut commissaire à la réforme des retraites : « Il n’y aura pas de points gratuits ».

Et les pensions de réversion ?

En juin 2018, les partenaires sociaux ont reçu un document de travail du Haut-Commissariat à la réforme des retraites qui pose la question sans fard : « Compte tenu des évolutions en matière de taux d’emploi des femmes et de conjugalité, doit-on maintenir des pensions de réversion ? »

Fin 2016, 4,4 millions de personnes – dont 89 % de femmes – touchaient des pensions de réversion. « Leur longévité et le fait qu’elles sont en moyenne deux à trois ans plus jeunes que leur conjoint expliquent pour une bonne part cette situation », détaille la Dress. En outre, lorsqu’ils sont veufs, les hommes, en raison de leur niveau de pension de droit direct souvent plus élevé, ont des revenus qui dépassent plus fréquemment le plafond de ressources pour être éligibles à la réversion, quand celle-ci est soumise à condition. »

On l’a vu plus haut, les pensions de réversions ont pour effet de réduire l’écart moyen entre les retraites perçues par les femmes et celles perçues par les hommes. Notons par ailleurs qu’un quart de ces bénéficiaires – dont 96 % de femmes – ne touchent pas de pension propre.

De meilleurs salaires ET une meilleure retraite

Comprendre que l’inégalité de retraite est en premier lieu due à l’inégalité au travail, tant en matière de salaire que de carrière, ne peut en rien justifier que l’on abandonne des mesures de « redistribution » au motif que des efforts seraient entrepris pour l’égalité de salaires. Certes, les écarts de salaires entre hommes et femmes sont heureusement en baisse depuis trente ans, les écarts de retraites tendent aussi donc à la baisse. Toutefois selon les dernières projections de Conseil d’orientation des retraites, à législation constante et réversions comprises, la différence de niveau de retraites serait ramenée à 10 % en 2070 !

Si le montant des pensions ne s’appuyait que sur les salaires perçus tout au long de la carrière, au rythme actuel de l’évolution de l’égalité des salaires, les pensions ne seraient égalitaires qu’en 2175... Et il ne s’agirait même pas d’un alignement égalitaire vers le haut, car ce système aurait alors pénalisé entre-temps l’ensemble des salariés !

Cet article de notre camarade Claude Touchefeu est à retrouver dans la revue Démocratie&Socialisme n°258 d'octobre 2018.

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