GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

Le social au cœur

Des lois anti-laïques détricotent l'édifice du 9 décembre 1905

Après l'adoption de la loi de 1905, la hiérarchie catholique, de l'évêque au pape en passant par ses représentants patentés au parlement n‚ont pas désarmé, loin de là. Les cléricaux ont réussi, peu à peu à détricoter la loi de séparation qui laissait passer d'ailleurs quelques mailles, et à consolider une école privée confessionnelle financée par l'Etat. Face à une situation plus que préoccupante, la mobilisation des laïques n'a pas faibli.

Seuls les renoncements des dirigeants politiques de gauche, lorsqu'ils étaient au pouvoir notamment entre 1981 et 1986 ont brisé l'élan de l'offensive laïque. Les nouvelles menaces qui se précisent méritent une riposte à la hauteur des enjeux. Les laïques de ce pays doivent se rassembler dans l'unité pour non seulement faire face mais obtenir que la séparation entre les églises et de l'Etat devienne effective.

Les laïques tiennent juqu'en 14

Dès le 10 décembre 1905, les différents gouvernements républicains résistent à l‚offensive cléricale qui ne faiblit pas ; De 1908 à 1904, les évêques mènent une campagne contre les instituteurs et les manuels officiels. De nouvelles lois sont votées afin de renforcer la fréquentation scolaire et pour sanctionner ceux qui détournent les parents de l'école publique ou des livres en usage dans telle ou telle école.

La guerre mondiale met fin à cette politique et à cette phase de défense institutionnelle de l'école laïque. L'union sacrée réalisée pendant et après cette grande boucherie conduit à un renversement d'alliances : les républicains libéraux renouant des liens avec les ennemis d'hier, les monarchistes pour s'opposer au mouvement ouvrier et la révolution russe.

La revanche des cléricaux

Tout ce que les laïques ont pu installer a été peu à peu détricoté. C'est la politique de la main tendue qui est mise en place. Il faut bien donner des gages aux monarchistes et cléricaux ! Le premier texte d'abandon voté est la loi Astier du 25 juillet 1919 qui autorise l'Etat et les collectivités territoriales à subventionner les écoles privées de l'enseignement technique. Quelques soubresauts salutaires sont constatés : la suppression des devoirs " envers Dieu " des programmes de morale puis un essai de contre-offensive menée par le cartel des gauches en 1924 .. Mais Herriot qui annonce son intention d'introduire l'application de la loi de 1905 en Alsace Moselle le 17 juin 1924 doit faire face à de nombreux incidents et à une grève scolaire en Alsace. Les partisans du particularisme scolaire ne désarment pas et après la chute d‚Herriot, le nouveau gouvernement capitule en déclarant : " la législation laïque sera appliquée avec mesure " !

L'éclaircie, les ténèbres et les espoirs déçus

Le Front Populaire apporte une éclaircie, grâce notamment à l'énergie de Jean Zay ? Ministre de l'Education nationale et des beaux arts qui n'hésite pas à publier la circulaire du 15 mai 1937 : " L'enseignement est laïque. Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements. Je vous demande d'y veiller avec fermeté, sans défaillance "

L'embellie est de courte durée et le régime de Vichy mettra bas à tout l'édifice républicain. Après la libération, si l'article 1 du titre 1 de la constitution de la

république précise : " la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale ", il ne s'agit aucunement du triomphe des laïques.

Le parti démocrate chrétien Mrp présent dans le cadre du tripartisme avec le Pcf et la Sfio puis dans une alliance avec le parti socialiste présent fortement dans les conseils municipaux qui bravent le Conseil d'Etat en votant des subventions aux établissements privés.

Il est minuit dans le siècle pour les laïques

En 1951, les élections sont défavorables aux laïques et les lois Marie puis Barangé permettent l'octroi d'aides publiques aux écoles privées par l'intermédiaire de bourses accordées aux familles. La résistance républicaine, la création du Comité national d'action Laïque et les mobilisations de permettent pas de faire reculer le gouvernement.

Le Conseil National d'Action Laïque constitué en juin 1953 organise la résistance autour du principe : " à l'école publique, fonds publics, à l'école privée, fonds privés "

Lorsqu'en 1959, la loi Debré institutionnalise le financement public des écoles privées dans le cadre de contrats simples ou d'associations, les laïques descendent dans la rue par centaines de milliers et se rassemblent sur la pelouse du bois de Vincennes le 19 juin 1960. 350 000 personnes représentant 10 813 697 citoyens pétitionnaires prononcent le serment de Vincennes :

Nous " faisons le serment solennel

  • De manifester en toutes circonstances et en tous lieux notre irréductible opposition à cette loi contraire à l'évolution historique de la Nation ;
  • De lutter sans trêve et sans défaillance jusqu'à son abrogation ;
  • Et d'obtenir que l'effort scolaire de la République soit uniquement réservé à l'Ecole de la Nation, espoir de notre jeunesse. "
  • D'autres lois comme la loi Guermeur du 25 novembre 1977 renforcent l'arsenal législatif anti laïque la " liberté de l'enseignement " devient un principe fondamental à valeur constitutionnelle !

    La trahison de 1984

    Quel est le laïque qui ne s'est pas senti déçu, désappointé en 1981 en constatant que le gouvernement Mitterrand-Mauroy n'abroge pas les lois anti-laïques, préférant tergiverser puis capituler devant l'opposition des cléricaux.

    Ils sont nombreux pourtant à se mobiliser à l'appel du Comité national d'action laïque pour un grand service public et laïque d'enseignement. Le projet Savary qui est déjà pourtant un premier recul républicain est abandonné. Les cléricaux descendent dans la rue, les laïques aussi mais seuls les premiers sont écoutés et entendus !

    Ce projet Savary maintenant le dualisme scolaire et demandant l'abandon du caractère propre des établissements privés, ce n'est pas une concession suffisante pour les cléricaux. Ils veulent tout, ils auront tout !

    Eux seront déterminés, ils mettront 1 million de personnes dans les rues, à Versailles (quel symbole), avec d'énormes moyens, et donneront à la droite, longtemps groggy après le 10 mai 1981, l'occasion de relever la tête. Ils sauront, avec le mot " école libre " dévoyer le mot liberté, comme plus tard les libéraux le feront avec le mot " libéralisme ".

    Toutes les lois anti laïques sont maintenues par un gouvernement qui détient tous les leviers institutionnels, le sénat ne pouvant que freiner un processus qui aurait pu être irréversible. Pour les laïques, dont les directions multiplieront les tergiversations, c'est une trahison et une violation du serment de Vincennes !

    Après le recul de 1984, la capitulation de 1992

    Le recul de 1984 ne suffit pas, la droite cléricale en demande plus et la " gauche " a montré qu'elle était prête aux concessions, voire à capituler. Les accords Lang-Cloupet signés entre avril 1992 et mars 1993 entre le ministre " laïque et républicain " Jack Lang (qui se distinguera par la suite en autorisant les adventistes du septième jour à ne pas aller en cours le samedi matin, sans oublier sa volonté d'intégrer les écoles Diwan dans le service public) et le

    " père " Max Cloupet, secrétaire général de l'enseignement catholique prétendent régler le contentieux financier entre l'école catholique et l'Etat et instaurent la parité public-privé pour les personnels.

    Il s'agit ni plus ni moins que " du droit et de la reconnaissance de la contribution de l'enseignement privé au système éducatif " !?

    Le " père " Cloupet annonce qu'" il n'y a plus de problème entre l'enseignement catholique et le gouvernement "

    Peut être, mais là le contentieux est énorme entre la gauche institutionnelle et les militants laïques.

    1994, un dernier sursaut, mais une occasion gâchée

    Le dernier sursaut laïque a lieu ce 16 janvier 1994 quand un million de personnes, à la grande surprise des organisateurs, défile dans Paris pour le retrait du projet gouvernemental visant à libéraliser totalement le taux de financement à l'investissement pouvant être attribué par les collectivités territoriales aux établissements privés (loi Falloux).

    300.000 Bretons ouvriront le cortège de longues heures, et des manifestants, présents depuis le matin, ne commenceront à marcher qu'à 18 heures !

    Le projet gouvernemental est retiré. Alors que les militants et les militantes laïques sont prêts à poursuivre le combat pour remettre en cause l'arsenal réactionnaire mis en place par les gouvernements successifs et que le rapport de force commence à leur être favorable, les grandes organisations comme la Fsu, l'Unsa ou la Fcpe restent l'arme au pied et même remisé dans un placard !

    Un million de personnes dans la rue, et on se contente de faire retirer un projet réactionnaires, sans contre-attaquer !

    Une gauche profondément divisée sur le voile

    L'année 2003-2004 verra, à travers le débat pour une loi contre les signes religieux à l'école (essentiellement autour du voile) le camp laïque, mais aussi toute la gauche et ses organisations, se déchirer en deux, de manière parfois fort passionnée.

    Pendant ce temps là, le Vatican essaiera vainement de faire intégrer Dieu dans la constitution européenne. Mais il obtiendra d'autres compensations qui sont porteuses, si elles étaient appliquées, de la fin de la laïcité française, sauf si les masses, qui font l'histoire, en décident autrement, et qu'au contraire se dessine un combat pour la laïcité en Europe.

    L'Europe des régions d'autre part pourrait permettre, pour le Vatican, la multiplication de concordats de type Alsace-Moselle, pour financer les religions dans des régions sympathisantes.

    Nicolas Sarkozy, en annonçant sa volonté de réformer la loi de 1905, et de financer toutes les religions, dont l'islam, a été le premier homme politique à oser dire sa volonté d'en finir avec la loi de 1905.

    Raison de plus pour les laïques pour mener une autre bataille, celle du renforcement de la loi de 1905, de l'abrogation de toutes les lois anti-laïques, et de montrer, dans toute l'Europe, que la laïcité est une valeur en devenir.

    Jean-François Chalot

    et Pierre Cassen

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