GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Des Français en Suisse, un ministre suisse à Jersey !

Alors que Jérôme Cahuzac – comme bien d’autres personnalités françaises ! – avait ouvert un compte en Suisse pour profiter du secret bancaire, Johann Schneider-Ammann, ministre suisse de l’Economie, a encore fait mieux. A une époque où il n’était pas encore membre du Conseil fédéral (gouvernement), mais PDG de la société Ammann Group Holding, l’un des principaux constructeurs européens de machines de chantier, celle-ci avait ouvert des filiales au Luxembourg et à Jersey, célèbre paradis fiscal offshore, plus attirant encore que

la place financière suisse.

Fraude ou optimisation fiscale ?

Ces révélations de la Télévision suisse alémanique portent sur une période antérieure à l’élection de Johann Schneider Ammann au Conseil fédéral, en 2010. Il n’en reste pas moins qu’elles ont pris l’allure d’un coup de tonnerre. 263 millions de francs suisses (219 millions d’euros) ont transité par ces filiales étrangères et ont permis à la firme suisse de se décharger d’une partie de ses impôts. Le groupe Ammann affirme avoir agi en toute légalité et réalisé une simple « optimisation fiscale ». Après enquête, les autorités cantonales ont confirmé ce point de vue, affirmant que les pratiques fiscales de l’entreprise étaient conformes à la loi. Il n’en reste pas moins que la paroi qui sépare fraude et optimisation fiscale (montage financier

permettant de réduire son imposition) n’est pas très étanche. Ce qui permet de comprendre pourquoi, selon le PS, 40 % des investissements directs des entreprises suisses à l’étranger ne visent qu’un gain fiscal, sans vocation productive.

Dégâts politiques

Si Johann Schneider-Ammann paraît blanchi sur le plan fiscal (il y aura encore une expertise), les conséquences politiques de l’affaire sont déjà importantes. D’abord parce qu’un ministre doit avoir un comportement exemplaire, y compris avant d’être en fonction, d’autant plus que Johann Schneider-Ammann était député au Conseil national lorsque les faits se sont produits. Ensuite parce qu'avant d’être conseiller fédéral, Johann Schneider-Ammann présidait Swissmem, l’association des employeurs des machines, tout en étant vice-président d’Economie suisse, l’organisation faîtière du patronat. Enfin parce que le Parti libéral-radical, dont est issu Johann Schneider-Ammann, a toujours été le bras politique du patronat, mais

doit affronter la concurrence toujours plus vive de la très nationale-populiste Union démocratique du centre (UDC). Laquelle UDC pourrait contester le siège de Johann Schneider-Ammann au Conseil fédéral, à l’échéance de fin 2015.

Transparence immédiate, sinon…

Certains veulent aller vite en besogne, en particulier la Jeunesse socialiste suisse (JSS). Celle-ci « exige de la part de Schneider-Ammann une transparence immédiate sur toutes ces transactions et, compte tenu des faits, considère qu’il n’est plus acceptable qu’il soit membre du gouvernement fédéral. Que ces agissements soient juridiquement corrects ou non est une question de second ordre. Ces pratiques sont moralement et politiquement absolument répréhensibles. »

Vice-présidente de la JSS, Ursula Näf ajoute : « La cohésion sociale

est viable seulement si nous avons un comportement solidaire et si tout le monde apporte sa contribution. Si Schneider-Ammann, dont la famille appartient aux 300 plus riches de Suisse, foule au pied cette solidarité, il n’a pas sa place ».

La JSS est d’autant plus remontée que Johann Schneider-Ammann avait été l’un des principaux détracteurs de l’initiative 1-12, rejetée par le peuple le 24 novembre 2013 et par laquelle la JSS demandait qu’à l’intérieur d’une entreprise, le salaire le plus élevé corresponde au maximum à douze fois le plus bas. Il est vrai que pour le ministre de l’Economie, les richesses sont déjà bien réparties en Suisse, surtout pour ceux qui placent leur fortune dans des paradis fiscaux ! Le même Schneider-Ammann est aussi un farouche adversaire de l’introduction d’un salaire minimum légal, sous prétexte qu’il représente une menace pour l’emploi !

Une classe élue

Le comportement de Johann Schneider-Ammann n’est guère étonnant, car les dirigeants du Parti libéral-radical ont toujours pensé qu’ils appartenaient à une classe élue, sous prétexte que leur parti est à l’origine de la Suisse moderne, en 1848.

Mais le monde a changé. En Suisse, le début des années 2000 a marqué une étape importante dans la dégringolade du Parti libéral-radical, au moment de la déconfiture de la compagnie aérienne Swissair. Plusieurs ténors de cette formation faisaient partie du conseil d’administration de Swissair. Comme ils se devaient tous quelque chose (participations croisées dans d’autres sociétés), ils n’avaient pas vu venir le crash. Malheureusement pour eux, ce n’est pas avec Johann Schneider-Ammann que les libéraux-radicaux ont trouvé un meilleur pilote.

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