GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

International – Europe

Après le G 20, c'est aux peuples de briser la foudre

Si le G 20 a accouché d'une souris sur le dossier syrien, comme sur les questions économiques et notamment en matière de lutte contre l'évasion fiscale, il n'en constitue pas moins un événement instructif pour qui veut comprendre ce qui se joue en haut. Au delà de l'approfondissement de l'opposition entre le bloc atlantiste et le tandem sino-russe, la réunion du G 20 à Saint-Pétersbourg a montré que la question de l'intervention contre le régime d'Assad divisait maintenant le monde entier. Les comptes rendus qui sont parvenus en France signalent que les débats ont été extrêmement tendus et certains reporters parlent même d'un relent de Guerre froide pour qualifier l'ambiance qui a prévalu dans la réunion. La crise inter-impérialiste qui déchire le monde des puissants semble donc s'aggraver et impose aux peuples d'Europe et de toute la planète de prendre en main leur destinée afin de ne pas être entraînés dans un brasier régional qui pourrait rapidement dépasser les frontières du Proche-Orient. Comme notre grand Jaurès il y a 100 ans, lors du congrès socialiste international de Bâle, il nous faut résolument « appelle[r] les vivants pour qu’ils se défendent contre le monstre qui se lève à l’horizon », « pleure[r] sur les morts innombrables couchés là-bas vers l’Orient et dont la puanteur arrive jusqu’à nous comme un remord ». Et plus encore, en appeler aux peuples pour qu'ils « brise[nt] les foudres de la guerre qui menacent dans les nuées ».

Les impérialismes se défient

Cette référence à Jaurès n'est pas faite pour faire pleurer dans les chaumières, mais bien pour signaler que la crise systémique du capitalisme financier qui a débuté en 2008 pousse, en défense de leur taux de profit, les appétits impérialistes à s'entrechoquer et risque bel et bien de mener le monde au bord de l'abîme. Il est avéré que Poutine ne s'inclinera pas devant les Occidentaux sur la question syrienne, car le nouveau tsar brun ne peut lâcher un de ses rares alliés sûrs sans perdre la face. Le néo-impérialisme russe est d'autant plus arrogant que le bloc atlantiste a subi une défaite majeure en Égypte où, le 30 juin dernier, les salariés et la jeunesse cairotes ont, dans un mouvement de masses prodigieux, fait chuter les Frères musulmans et provoqué la destitution de Morsi. Les manifestations du 30 juin 2013, qui ont rassemblé selon plusieurs sources au moins 20 millions de personnes dans tout le pays, ont suscité - il faut s'en rendre compte - une brutale inflexion du rapport de force social au Moyen-Orient, mais aussi à l'échelle du monde.

En effet, l'impérialisme US a vu à juste titre dans ce réveil des salariés égyptiens un danger mortel pour la défense de ses intérêts dans le monde arabe qui passe par le maintien de régime à sa solde dans toute la région. Les États-Unis avaient facilité l'arrivée des Frères au pouvoir en Égypte afin de préserver les intérêts financiers, constatant que le régime client que dirigeaient les militaires était incapable d'endiguer la montée des masses égyptiennes. Le revirement états-unien de 2011, sensé contenir la révolution égyptienne dans des limites compatibles avec la défense des intérêts US, a finalement eu pour effet différé le sursaut populaire du 30 juin que l'armée égyptienne tente maintenant vaille que vaille de contrôler en s'en prenant, au prétexte de liquider le danger islamiste, aux libertés démocratiques élémentaires du peuple. Les États-Unis ont incontestablement perdu la main face à la caste militaire échaudée qu'ils ont, dans leur inconséquence, abandonné à leur sort en février 2011 et qui cherche un nouveau protecteur, mais aussi face aux travailleurs égyptiens qui sont prêts à se défendre contre tout retour en arrière et contre toute tentative de restauration du régime croupion de Moubarak.

Pas étonnant dans ces conditions que le glacial maître du Kremlin se frotte les mains sans s'en cacher une seule seconde. Face au rebond de la révolution arabe, il fait en effet figure de recours pour tous les régimes compradores qui seraient tenté de s'éloigner des États-Unis afin de canaliser, pour se maintenir en place, la haine de leur peuple contre l'impérialisme US. Pour retrouver les positions privilégiées qui étaient celles de l'Union Soviétique au Moyen-Orient dans les années 1970, Poutine, cet homme des « services » dont l'univers mental a été façonné sous Brejnev, doit apparaître comme un rempart face au mouvement des masses et face à l'orgueil américain blessé et il est, de ce fait, contraint d'afficher encore davantage son soutien sans faille au boucher de Damas. La crise diplomatique actuelle est bien le fruit de la crise généralisée de l'accumulation capitaliste qui a débuté avec l'effondrement boursier de 2008. C'est en effet les difficultés socio-économiques dans lesquelles se débattaient les peuples arabes qui ont provoqué les soulèvements de 2011 en Tunisie, en Égypte, en Libye, à Bahreïn et au Yémen. L'affaiblissement de l'impérialisme états-unien, fils de la crise des subprimes, a poussé les États-Unis à trouver partout des expédients pour sauvegarder à peu de frais ses intérêts dans le monde arabe, mais il a également aiguisé les appétits d'une Russie qui détient une part importante de la dette américaine et qui considère sa propre avancée impérialiste au Moyen-Orient comme un juste retour des choses. L'ours russe avait déjà montré ses crocs acérés à l'été 2008, lors de la guerre en Géorgie, et nul doute que, pour l'appareil kagébiste régnant en maître à Moscou, qui a vécu le démembrement de l'empire soviétique comme un traumatisme, l'affaiblissement US constituait l'occasion rêvée pour relancer l'expansionnisme russe vers les mers chaudes et vers les régions pétrolifères.

L’avenir appartient aux peuples

Jaurès nous a enseigné que « le capitalisme port[ait] en lui la guerre comme la nuée porte l'orage ». La crise syrienne, qui prend une ampleur inquiétante dans le cadre de l'exacerbation des rivalités inter-impérialistes actuelles, nous prouve une nouvelle fois qu’il avait raison. Les bruits de botte résonnent de nouveau à travers le monde. La crise historique du capitalisme pourrissant met explicitement à l'ordre du jour la destruction d'une partie des forces productives de l'Humanité. Seuls les peuples peuvent empêcher leurs prétendus « dirigeants » de mener le monde au bord de l'abîme. Seuls les peuples peuvent empêcher cette folie guerrière incontrôlable. Il n'y a pas, dans le monde arabe, que les moustachus et les barbus. Il n'y a pas, sur cette planète, que l'impérialisme américain et les appétits russes. Il y a aussi et surtout des peuples qui, du Caire à Paris, en passant par Damas, Athènes, Tunis ou Lisbonne, tentent à tâtons d'entrouvrir les portes d'un autre monde débarrassé de la violence et de l'injustice. Au moment où les impérialismes dominants et leurs valets semblant condamner le monde à la barbarie guerrière, les propos de Jaurès qui suivent, prononcés six jours avant sa mort, le 25 juillet 1914 à Vaise, entre tragiquement en résonance avec la situation actuelle. « Il n'y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie, qu'une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c'est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères français, anglais, allemands, italiens, russes et que nous demandions à ces milliers d'hommes de s'unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l'horrible cauchemar ».

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