GAUCHE DÉMOCRATIQUE & SOCIALE

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Après la primaire écolo, comment gagner en 2022 ?

Avec 120 000 inscrits, la primaire écologiste a été la surprise de septembre. Les débats furent riches mais sont restés assez confidentiels. L’orientation stratégique n’a pas été véritablement tranchée, les deux finalistes se retrouvant dans un mouchoir de poche.

Le pari d’un président écologiste est loin d’être gagné. Cette formulation masque en réalité une démarche identitaire. Les méga-feux de l’été, les inondations, le rapport du GIEC ou la hausse des prix de l’énergie mettent au centre du débat public l’urgence de la bifurcation écologique. Comment y parvenir ? La question n’est pas réglée et reste l’un des enjeux de 2022.

Raison garder

EELV surfe toujours sur ses performances électorales des européennes et des municipales. Lors de ce dernier scrutin, la poussée que réalise le parti auprès de l’électorat diplômé et progressiste des grandes métropoles a abouti à des victoires significatives (Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Poitiers, etc.). Comme pour les victoires municipales de têtes de liste socialistes (Paris, Nantes, Rennes, Nancy...), ces victoires sont la plupart du temps celles de listes unitaires. La poussée d’EELV ne paraît donc pas être un phénomène conjoncturel. Pour autant, EELV reste une petite organisation avec un nombre total d’élus encore faible et sans liens organiques avec le mouvement syndical, alors que de tels liens existent avec le milieu associatif.

EELV cherche depuis les municipales à transformer l’essai. Mais le parti n’a pas réussi à engranger de victoires aux régionales et aux départementales de 2021 en dépit de quelques conquêtes de postes électifs dus pour l’essentiel à des accords entre forces de gauche, avec des différences notables selon les régions et les départements.

Un élargissement s’est produit via le pôle écologiste, avec Génération.s en particulier. Il a permis de polariser les autres forces de l’écologie politique autour du processus des primaires écologistes. La direction d’EELV espère que cette stratégie lui permettra d’asseoir la légitimité du candidat ainsi désigné par la primaire écologiste comme candidat naturel de la gauche à la présidentielle. Ce pari est loin d’être gagné. Si le nombre d’inscrits à la primaire est élevé (120 000, soit quatre fois plus qu’il y a cinq ans), il constitue tout au plus un signe de la place d’EELV et de ses alliés aujourd’hui. Mais il est loin des deux millions de voix des primaires socialistes de 2012, et même des primaires de la « Belle alliance populaire » de 2017. Ce faisant, la dynamique qui peut en résulter risque d’être assez faible.

Confusion stratégique

Plusieurs orientations stratégiques cohabitent au sein de l’écologie politique. Yannick Jadot incarne l’orientation selon laquelle EELV peut prospérer en récupérant les déçus de gauche du macronisme. Il exclut par ailleurs la possibilité d’une alliance avec Mélenchon, qu’il considère comme un repoussoir pour cet électorat plutôt centriste. C’est le grand point faible de cette ligne stratégique : elle fracture la gauche en la « théorie » des « deux gauches irréconciliables ». Une telle orientation n’a par ailleurs pas été validée au premier tour de la primaire écologiste.

Le fait que Yannick Jadot n’a réuni qu’un peu plus du quart des voix démontre que son orientation n’a pas conduit au plébiscite annoncé par les observateurs. Sandrine Rousseau et Eric Piolle ont su capitaliser sur leurs candidatures un électorat plus exigeant, ouvert à l’union de toutes les gauches. Un électorat en recherche d’une politique de rupture et de justice sociale. Sandrine Rousseau a réussi à mettre dans le débat des questions majeures sur les discriminations, le féminisme etc. Elle a usé d’un ton sur la fiscalité des hyper-riches qui a retenu l’attention. Éric Piolle comme Sandrine Rousseau se sont déclarés favorables à un accord de toute la gauche. C’est une orientation stratégique qui les distingue de Yannick Jadot. Le faible écart entre les deux finalistes ne clarifie pas l’orientation stratégique des écologistes. C’est pourtant une question décisive pour gagner en 2022. Si Jadot cherche à prendre le leadership d’un axe EELV-PS, rien n’indique qu’il réussisse. L’étiage des intentions de vote tel qu’il ressort des sondages laisse à penser que rien n’est joué.

L’unité est la seule option

On peut donc encore concevoir la perspective d’un accord fin 2021-début 2022 entre toutes les composantes de la gauche et de l’écologie. Il faudrait trois conditions pour y parvenir. D’abord que les écologistes et leur candidat s’émancipent de la démarche « identitaire » du pôle écologiste en adoptant une orientation de rassemblement. Ensuite qu’ils ne se heurtent pas au mur des identitaires de tous les autres courants de la gauche. Enfin qu’un mouvement unitaire se lève dans le pays pour pousser les états-majors à se rencontrer et à s’unir.

La recherche d’un accord global pour les législatives pourrait être un moyen de contourner une série de difficultés en combinant des propositions communes pour la législature avec des garanties de conservation de la « biodiversité » existant dans les gauches sociales et écologistes.

La direction d’EELV pourrait faire ce choix. D’abord pour rassembler les siens. Ensuite pour espérer qu’une coalition leur permette d’avoir un groupe à l’Assemblée et de constituer, avec les autres forces parties prenantes de cette coalition et sur la base d’un un programme concret, une équipe gouvernementale.

C’est en tout cas le seul moyen pour mobiliser écologistes, insoumis, communistes et socialistes, avec toutes les forces associatives, syndicales, citoyennes et espérer gagner en 2022 sur un projet de rupture social, écologiste et démocratique.

Cet article de notre camarade Jean-Claude Branchereau a été publié dans le numéro 288 (octobre 2021) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale (GDS).

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