L’OIT est un organisme essentiel, sous-estimé, sous employé, pour tous ceux qui veulent une autre gouvernance mondiale que celle du prétendu et féroce «libre-échange» ou les diktats du FMI et de la Banque mondiale. Avec l’ONU, l’OMS, une OME, l’OIT devrait avoir des pouvoirs d’action capables d’imposer des droits sociaux mondiaux pour les travailleurs, un «travail décent» pour toutes et tous sur cette planète. Mais une prestation comme celle de Nicolas Sarkozy, lundi 15 juin 2009, venu pérorer à Genève, est faite pour brouiller toute piste réelle en ce sens, tout espoir…
Car l’homme y a prôné, en tant que «Président de la république», devant le monde entier le contraire de ce qu’il fait en France: alors, évidemment quel crédit donner à une «gouvernance mondiale», quelle autorité à une OIT dont les membres dirigeants se comportent ainsi ? Ça discrédite tout, les mots, les analyses, les programmes, les promesses, le droit, la droiture, la République, tout. Surtout quand Sarkozy prétend que «Quand on veut que les autres fassent la même chose que soi, mieux vaut faire soi-même ce qu’on doit faire en temps et heure» ! On est au comble de la schizophrénie ! Car contre toute vraisemblance, Sarkozy a osé défendre, lundi 15 juin à Genève, un renforcement du rôle de l’Organisation internationale du travail (OIT) avec « pouvoir de sanction » face aux grandes institutions financières telles le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM) ou l’Organisation mondiale du commerce (OMC) alors qu’en France, il laisse faire 2000 chômeurs par jour en refusant de contrôler les licenciements abusifs. Dès lors comment considérer :
Que Sarkozy ait défendu à Genève des normes de droit du travail comme devant être obligatoire, « sinon c’est comme une feuille qui s’envole au vent», alors qu’à Paris, il défend le libre-échange, et passe le Code du travail codifié à l’acide ?
Que Sarkozy ait condamné le « dumping social », alors que même en Europe où il existe pourtant 19 Smic dans 27 Etats, il est opposé à l’alignement par le haut vers un Smic unique, arme essentielle s’il en est, contre le “dumping social” ? Et alors qu’il a défendu le TCE et imposé sans référendum le traité de Lisbonne qui interdit toute harmonisation sociale et fiscale ?
Que Sarkozy qui défendait dans sa campagne électorale les subprimes, les prêts hypothécaires, la déréglementation boursière, les nouvelles règles comptables américaines, les stock options, prétende à l’OIT qu’il veut « revoir la surveillance prudentielle des banques, réglementer les hedge funds, les règles comptables, les modes de rémunération… »
Que Sarkozy y dénonce la marchandisation « des activités humaines comme la santé l’éducation, la culture, la bio diversité, le travail » alors qu’il privatise en France les hôpitaux, les écoles, la sécurité sociale, les transports, l’énergie, les communications, la Poste.
Que Sarkozy dénonce la « soumission au droit des affaires des normes sociales et environnementales », alors qu’en France, il oeuvre à dépénaliser le droit des affaires, les abus de biens sociaux, le droit du travail…
Que Sarkozy condamne le «tout pour le capital et rien pour le travail», appel à une forte régulation financière internationale notamment par la taxe Tobin, dénonce de la cohabitation de l’abondance et de la misère, alors qu’il a instauré un bouclier fiscal pour les plus riches des capitalistes, qu’il a facilité les heures supplémentaires pour ceux qui ont un travail au détriment des victimes du chômage de masse, et refusé toute taxe de type Tobin ?
Que Sarkozy demande des droits pour un travail décent alors que c’est sous sa présidence à la tête de l’Europe qu’il a défendu une semaine de 65 h maxima à la place d’une semaine de 48 h maxima et si cela a été repoussé, c’est par le Parlement européen le 17 décembre 2008!
Que Sarkozy n’a jamais, lorsqu’il était président de l’Europe, mis aucune des questions sociales pour lesquelles il plaidait lundi 15 juin à l’OIT, à l’ordre du jour, au contraire, toutes ses lois vont dans le sens de déréguler le marché du travail pour faire baisser les salaires et assouplir les horaires, heures supplémentaires, faciliter la précarité, les CDD, les prêts de main-d’oeuvre, fragiliser les chômeurs, etc.
Que Sarkozy dénonce et critique les pays comme les USA, le Japon, l’Inde ou la Chine, qui ne ratifient pas suffisamment les conventions de l’OIT, mais qu’il ne les fasse pas respecter en France (comme la convention 81 sur l’inspection du travail).
Que Sarkozy défende devant l’OIT des salaires décents alors qu’il bloque le Smic et les minima sociaux en France depuis trois ans, que le salaire médian est bloqué à 1450 euros, que, de ce fait les caisses de protection sociale n’ont plus de recettes suffisantes pour faire face à la dégradation des conditions de travail, de vie, de logement ?
Que Sarkozy ait imposé 41 annuités de cotisations pour le droit à la retraite et qu’il propose même, le 14 juin, de repousser à 67 ans… sans doute pour « ré équilibrer le partage entre capital et travail » ainsi qu’il prétend dans son discours à Genève du 15 juin.
Que Sarkozy ait développé une politique anti-immigration honteuse, qu’il laisse perdurer massivement dans le bâtiment, la restauration, la confection, l’agriculture, le travail illégal, qu’il dénonce le « travail forcé » à Genève alors qu’il signe des traités pour de grands travaux (Louvre, base militaire…) avec Abu Dhabi et les Emirats qui usent et abusent du travail forcé !
Que Sarkozy juge à Genève «chimérique et irresponsable de croire que les peuples subiront sans rien dire les conséquences de la crise». Alors que l’OIT prévoit une hausse de 50 millions des chômeurs tandis que 200 millions de travailleurs vont basculer en 2009 dans la pauvreté extrême, Sarkozy ignore-t-il qu’en France la pauvreté et les inégalités s’accroissent en même temps ?
Que Sarkozy prône une « révolution dans la gouvernance mondiale pour que les normes qui sont inscrites dans les accords internationaux soient effectivement appliquées» mais elles ne le sont pas en France où un milliard d’heures supplémentaires sont faites par les salariés sans être payées ? Alors que tous les services de contrôle en France, douane, inspection du travail, concurrence, consommation, santé au travail, sont systématiquement affaiblis et ce, au détriment de la lutte contre les contrefaçons, pour l’hygiène et la qualité alimentaire, pour combattre les produits fabriqués par les enfants ou des travailleurs sans droits syndicaux dans le monde…
Que Sarkozy s’écrie : «Ou nous aurons la justice ou nous aurons la violence!» alors qu’il criminalise les actions syndicales, limite les droits syndicaux élémentaires dont le droit de grève par la loi et en pratique.
Que Sarkozy défende l’idée que, lorsqu’ils « viennent au secours d’un pays », le FMI et la Banque mondiale doivent «lui demander de respecter des règles élémentaires en matière… de droit du travail» n’est-il pas strictement contradictoire avec la pratique du FMI dirigé par M. Strauss-Kahn nommé par Nicolas Sarkozy ?
Que Sarkozy prévoie la continuation de la crise financière et économique, et réclame de «reconstruire le système financier» n’est-il pas contradictoire avec le G20 qui n’a rien décidé mais dont Sarkozy a dit monts et merveilles à Londres dès sa sortie ?
Comment est-ce possible d’atteindre un tel niveau de double langage ? Pourquoi ne parvient-on pas à dénoncer, en cette occasion criante, le projet global antisocial sarkozyste réel, le pire qui ait jamais été mis en oeuvre en France depuis 60 ans ? Car c’est bel et bien Sarkozy qui s’attaque systématiquement à tout ce qui reste du programme du Conseil national de résistance, à tout ce qui est social et socialisé dans notre pays, y compris aux « amortisseurs sociaux » (selon l’expression de François Fillon) qui protègent encore un peu la France de toutes les catastrophes de la crise du capitalisme ? Sarkozy a défendu à Genève le contraire de tout ce qui est mis en oeuvre dans une France où il dirige pour le seul confort des 2 % les plus privilégiés de la population, théorisant même que l’enrichissement des riches tire tout le monde vers le haut, alors que chaque jour c’est la rapacité des actionnaires, comme il le reconnaît à Genève, qui plonge le monde - et notre pays - dans le désordre ? Et c’est bien le même qui, il y a deux ans, expliquait à la télévision qu’il fallait rompre avec les 60 dernières années de l’histoire de France, reprenant la thèse de Denis Kessler du Medef qui voulait, lui, en finir non seulement avec mai 68 mais aussi « sortir du programme du CNR », c’est bien le même Sarkozy, le même, qui à Versailles le 22 juin se… réclame du programme dudit CNR? On ne se frotte pas les yeux: on sait que Blingbling est un charlatan… mais à ce point!
"Le travail décent" selon l'OIT est au cœur du progrès social
«Le but fondamental de l’OIT aujourd’hui est que chaque femme et chaque homme puissent accéder à un travail décent et productif dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité.» - Juan Somavia, Directeur général du BIT. Le travail décent résume les aspirations des êtres humains au travail. Il regroupe divers éléments : possibilité d’exercer un travail productif et convenablement rémunéré; sécurité au travail et protection sociale pour les familles ; amélioration des perspectives de développement personnel et d’intégration sociale; liberté pour les êtres humains d’exprimer leurs préoccupations, de s’organiser et de participer à la prise des décisions qui influent sur leur vie; égalité de chance et de traitement pour l’ensemble des femmes et des hommes. Le travail décent devrait être au coeur des stratégies mondiales, nationales et locales relatives au progrès économique et social. Il joue un rôle fondamental dans les efforts tendant à lutter contre la pauvreté et constitue un moyen de réaliser un développement durable fondé sur l’équité et l’inclusion. L’OIT oeuvre à la promotion du travail décent dans le cadre de ses activités relatives à l’emploi, à la protection sociale, aux normes et aux principes et droits fondamentaux au travail et au dialogue social. Dans chacun de ces domaines, on constate partout dans le monde des déficits, des lacunes et des exclusions sous différentes formes : chômage et sous-emploi ; emplois de faible qualité et improductifs ; absence de sécurité au travail et précarité des revenus ; violations des droits; inégalités entre les sexes; exploitation des travailleurs migrants ; absence de représentation et de possibilités d’expression; insuffisance de la protection et de la solidarité face à la maladie, aux handicaps et à la vieillesse. Les programmes de l’OIT visent à trouver des solutions à ces problèmes. Pour progresser vers la réalisation du travail décent, il faut mener des actions au niveau mondial en mobilisant les principaux acteurs du système multilatéral et l’économie mondiale autour de cet objectif. Au niveau national, les programmes intégrés élaborés au niveau des pays par les mandants de l’OIT définissent les priorités et les cibles au sein des cadres du développement national. L’OIT, oeuvrant en partenariat avec d’autres parties prenantes à l’intérieur et à l’extérieur du système des Nations-Unies, contribue, grâce à ses larges compétences et à ses principaux instruments d’action, à l’élaboration et à la mise en oeuvre de ces programmes, au renforcement des institutions chargées de les appliquer et à l’évaluation des progrès accomplis. La promotion du travail décent est une responsabilité conjointe des mandants de l’OIT et du Bureau. En raison du caractère tripartite de l’Organisation, l’Agenda pour le travail décent incorpore les besoins et perspectives de ses mandants, à savoir les gouvernements et les organisations d’employeurs et de travailleurs, mobilisant leur énergie et leurs ressources et proposant les fondations d’un consensus sur la politique sociale et économique.
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