Port des charges pour les femmes : " Une approche chiffrée indicative"
18/04/2009 |
Il en a fallu des années et des combats pour limiter le port des charges par les salariés. Souvent cela a commencé, dans le code du travail, par la limitation des «poids» pour les enfants, les jeunes et les femmes. A partir de 1840. Puis cela a été étendu aux hommes.
Le port de charges par du personnel féminin de 18 ans et plus était, hier encore, limité à 25 kg (art. R 234-6 de l’ancien Code du travail). Cela permettait d’exiger des conditionnements de 25 kg, on pouvait, en tant qu’inspection du travail, faire renvoyer des sacs de ciment de 50 ou 100 kg quand on en voyait dans les chantiers. Le code du travail «recodifié» par Fillon, Larcher, Chirac, Sarkozy et le Medef, sans aucune concertation sociale dans un silence général, imposé au Parlement par ordonnance de décembre 2004, promulgué le 12 mars 2007, entré en vigueur le 1er mai 2008, a totalement « oublié » cette limitation maxima : le nouvel article L 4541-1 sur « la manutention des charges » est vide. Pourtant le nouveau Code précise, au nom de l’égalité professionnelle hommes-femmes, que les femmes pourront porter le même poids que les hommes. Bienvenue Mesdames les salariées, vous pouvez porter le même poids que les hommes au moment où il n’y a plus de limites de poids dans la loi… Un inspecteur du travail de Paris confronté à des salariées auxquelles on fait porter des poids excessifs, vient d’interroger par mel le ministère sur la limitation des charges pouvant être «traînées, poussées, tirées, ou soulevées » par des femmes. « La disparition de l’article R 234-6 est-il un « acte volontaire » qui sera réparé dans un prochain décret en attente relatif aux « oublis et erreurs » de la recodification ? » L’ingénieur de prévention (bureau CT3 de la Direction générale du travail, DGT) répond, après un échange avec les « pilotes » (sic) de la recodification, qu’il s’agit bien d’une «suppression volontaire» et qu’il reste à vérifier «avec davantage de précision les incidences éventuelles» (sic). Au moins 11 millions de salariées sont concernées, dans les usines, les hôpitaux, les cantines, les commerces, même les bureaux où il y a des livraisons, et les incidences sur les hommes ne seront pas « éventuelles » mais certaines! Retour barbare ? La novlangue n’étouffe pas les « recodificateurs » et la DGT (dirigée par Jean-Denis Combrexelle) ajoute ses «remarques» : « Les récentes données scientifiques des physiologistes et des ergonomes tendent à ne plus appréhender un seuil indépendamment du contexte (facteurs aggravants tels que l’ambiance physique, la cadence, la durée d’exposition…)». Ce n’est plus de la novlangue, c’est trop clair : en matière de manutention manuelle, il n’y aura plus de seuil maxima mais « une approche chiffrée indicative » selon l’environnement ! Qu’est-ce que cela veut dire? Que les petites femmes de Paris ne devront pas porter 25 kg mais sans doute que les solides femmes de banlieue le pourront? Question d’ambiance physique… L’un des « recodificateurs » avait osé écrire en 2007 dans la préface de la première édition du code passé à l’acide des exigences du Medef : « Il faudra des mois, voire des années, pour que le nouveau code révèle tous ses secrets » ajoutant : « ce sera un effort colossal pour les usagers ». En matière de port de charges, en effet, il va falloir désormais des femmes et des hommes colosses… Gérard Filoche (lire aussi Siné Hebdo du mercredi 11 mars 2009)[caption id="attachment_3568" align="alignnone" width="120"]L’article en PDF[/caption]