Plus de 60 % pour le gouvernement d'Evo Morales !
01/02/2009 |
Dans les années 1980, l’Amérique latine était la vitrine figée de la grande surface ultra-libérale. Mais l’histoire a horreur de l’immobilité et les peuples latino-américains se sont réveillés. Cette « irruption violente des masses dans le domaine où se règlent leurs propres destinées », si elle est générale dans la région, s’incarne avant tout dans le processus démocratique qui déferle en Bolivie depuis 2003.
Ce petit pays andin est depuis lors le théâtre d’un affrontement social majeur qui peut faire basculer, à l’échelle régionale comme au niveau mondial, le rapport de force politique du côté du travail et des salariés. C’est lors de la dernière année du XXe siècle que la situation économique de la Bolivie a radicalement évolué, avec la découverte du gigantesque gisement gazier de Tarija. Elle donne le signal au réveil de la combativité ouvrière et permet aux masses de se lancer hardiment sur les voies de la contestation du libéralisme. Leur mot d’ordre est simple : la manne financière assurée par l’extraction du gaz naturel doit profiter à tous. Depuis 2000, il n’y a pas eu une année sans de grandes manifestations contre le pouvoir. En 5 ans, les travailleurs boliviens ont réussi à acculer deux présidents à la démission et ont forcé le troisième à appeler à des élections anticipées en 2005, qui ont vu la victoire d’un dirigeant indigène et syndicaliste peu connu jusque là : Evo Morales. Ceux qui crient à la personnalisation du pouvoir et au bonapartisme en Bolivie oublient que Morales ne serait rien sans les masses qui l’ont porté au pouvoir. Il n’a leur confiance que parce qu’il incarne leurs aspirations confuses au mieux-vivre et surtout leur refus de revenir à la situation antérieure. Nul doute que ce chef prétendument charismatique perdrait son aura en un jour, s’il s’engageait sur la voie des concessions avec l’ordre ancien… L’action gouvernementale de Morales et de son parti, le MAS, est donc déterminée par cette seule exigence : satisfaire les aspirations légitimes de la majorité du peuple bolivien. La nationalisaton des hydrocarbures, garantissant à l’Etat 82 % des recettes gazières, permet depuis de financer des plans de lutte contre la pauvreté qui sont à la hauteur de l’urgence sociale. La satisfaction des besoins populaires devait également être la clef de voûte de la réforme institutionnelle et de la reconnaissance du fait indigène. Mais, face à la popularité du président des travailleurs, l’opposition de droite a concentré ces forces sur ce débat et espère pouvoir profiter de l’irrésolution des secteurs modérés du MAS. Cette opposition officielle et parlementaire, visant à séparer les provinces riches de l’Est du centre andin, indigène et populaire, a de fait obtenu du président Morales l’organisation d’un référendum sur l’autonomie provinciale, le 2 juillet 2006. La droite a largement perdu au niveau national, ce qui prouve que l’oligarchie est ultra minoritaire, mais la vérité sociale est au niveau local. Les provinces andines autour de La Paz, fidèles au MAS, ont voté contre toute dérive autonomiste, tandis que les régions riches de l’Est se sont prononcées pour, ce qui prouve la fracture socio-géographique de ce pays. Cette division patente du pays a mis à l’ordre du jour dans les rangs de l’opposition la question de sa radicalisation. Les succès politiques de Morales ont en effet obligé la réaction à s’appuyer plus directement sur l’appareil répressif d’Etat. Depuis son arrivée au pouvoir, Morales a hésité à lutter frontalement contre ce vestige de l’ordre ancien que les masses boliviennes veulent mettre à bas. Morales n’a pas épuré l’appareil d’Etat et a laissé la police, l’administration, la justice et les médias aux mains des oligarques par peur de passer pour trop radical. C’est pourtant la démocratie elle-même qui exigeait ce coup de balai qui n’a pas effrayé en leur temps les Gambetta et autre Ferry, bien décidés à mettre à la porte le personnel publique monarchiste ! Les préfets des provinces de Santa Cruz ou de Pando, bien que considérés par tous comme des valets des oligarques, n’ont pas été remplacé par des fonctionnaires loyaux à Morales et au mouvement social. Face aux velléités sécessionnistes des provinces orientales, qui ont commencé à organiser des référendums illégaux et des lock-out, Morales a remis son mandat en jeu le 10 août 2008. Il l’a emporté avec plus de 60 % des voix. C’est véritablement depuis cette date que la réaction a fini sa mue en opposition terroriste. Dès le mois de septembre, les attaques contre les locaux syndicaux et contre la presse de gauche se sont multipliées et ont été systématiquement couvertes par les préfets réactionnaires. En septembre dernier, les affrontements de Cobija, qui ont débouché sur l’assassinat de 16 militants paysans, ont constitué le couronnement de l’activité des bandes d’extrême droite. Face à ce danger de plus en plus éminent, Morales est au pied du mur. Il n’y a pas de conciliation possible avec les oligarques qui sont maintenant décidés à recourir au coup d’Etat et à l’assassinat. Il faut approfondir le processus révolutionnaire. Les masses, bien décidées à se défendre, ont montré la voie à Morales en participant à la mi-octobre à une grande marche vers La Paz. De même, les ouvriers des quartiers pauvres de Santa Cruz s’organisent pour boucler la ville qui constitue le QG de la réaction. Le MAS doit passer le guet au plus vite, car le temps presse. Jean-François Claudon[caption id="attachment_3367" align="alignnone" width="120"]L’article en PDF[/caption]