OIT et Inspection du travail 2004-2009
27/07/2009 |
C’était un article de Christian Losson daté du jeudi 16 septembre 2004 dans Libération. Il rappelait que les inspections du travail étaient maltraitées partout mais surtout en France après l’assassinat de deux inspecteurs à Saussignac, en Dordogne, le 2 septembre 2004. C’était une excellente interview prémonitoire du finlandais Jukka Takala, alors directeur du Programme focal sur la sécurité et la santé au travail et sur l’environnement (SafeWork) au sein de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Le meurtre de deux inspecteurs du travail en France n’est-il qu’un fait divers ou relève-t-il du fait de société ?
Ce double meurtre fait suite à un triple assassinat d’inspecteurs au Brésil en janvier. Il n’y a, en apparence, pas de lien mécanique entre les deux. Au Brésil, les inspecteurs prennent de plus en plus de risques et visitent des lieux où ils n’étaient jamais allés, où la violence et les violations sont quotidiennes. En France, les meurtres se sont produits dans l’agriculture, l’un des trois secteurs les plus dangereux pour les travailleurs, avec les mines et le bâtiment. Les conditions de travail des inspecteurs sont de plus en plus stressantes, délicates. Leur job est à l’image de ce qu’on demande aujourd’hui aux salariés : produire toujours plus avec toujours moins de ressources humaines...Les dérégulations entraînées par la mondialisation rendent-elles plus difficile le rôle des inspecteurs du travail ?
La mondialisation entraîne un nivellement par le bas du droit du travail. Et favorise un climat d’impunité des infractions. Une culture anti-réglementation se développe. Elle est portée par les vagues de déréglementations, les coups de boutoir pour «alléger » les codes du travail, les politiques «d’assouplissement» des marchés du travail. Résultat : les dérégulations internationales ou nationales rejaillissent sur ceux qui sont chargés de faire respecter les règles. Le moins-disant social planétaire frappe les gardiens des lois...D’où une dévalorisation de l’inspection ?
Son prestige s’affaiblit, car, à l’inverse de la sécurité physique assurée par les policiers, la sécurité économique n’est plus une priorité. Les inspecteurs ne se sentent plus vraiment appuyés par les politiques, ils ressentent de plus en plus de défiance des responsables d’entreprises. Les contrôles sont perçus comme un trouble, un élément gênant dans un univers ultra-concurrentiel où, pour les plus radicaux, le marché du travail devrait être libéré de toute contrainte légale. Ce phénomène s’observe-t-il partout sur la planète ? Dans l’ensemble, oui. Même si certains grands pays émergents ont compris qu’il leur fallait «moraliser» le monde du travail pour ne pas trop s’exposer au risque de boycott des consommateurs des pays du Nord. Mais l‘inspection du travail est plutôt mal vue par les gouvernements. Beaucoup nous disent qu’ils ont de plus en plus de mal à recruter des gens vraiment qualifiés, motivés. Mais les budgets alloués à l’inspection sont souvent les premiers frappés par les coupes ! En Europe du Nord, pourtant la plus en pointe dans les contrôles, on assiste à une baisse chronique de 1 à 2 % d’inspecteurs par an ! Dans l’UE, les accidents du travail diminuent, même si, mondialement, ils font plus de morts que les guerres : 1,2 million par an, 3 000 par jour... (2,2 millions en 2008 avec les maladies professionnelles, soit 6 000 morts par jour) Mais les atteintes à un travail décent se multiplient au nom, souvent, du droit à la liberté d’entreprendre. Les inspecteurs du travail sont-ils un des thermomètres du rapport au travail ? Oui, assurément. À travers leurs conditions de travail, leur marge de manœuvre, leur champ d’application, la justiciabilité des infractions qu’ils relèvent, ils racontent à leurs manières l’état des relations sociales d’un pays. Croyez vous que la situation de l’inspection du travail se soit améliorée sous le règne de Sarkozy-Fillon depuis 5 ans ? Bien sûr que non, tout s’est dégradé, en effectifs, en moyens, en autorité, l’état de droit dans l’entreprise a reculé… Le palabreur du 15 juin à Genève est un menteur pur et simple.« POUR QUE L’OIT ET L’OMC SOIENT DEUX ORGANISMES QUI TRAVAILLENT À PARITÉ DE FAÇON À RENDRE LE DROIT DU TRAVAIL CONSTITUTIF DU DROIT DE LA CONCURRENCE »
Je n’ai pas souvent eu l’occasion de faire des amendements majoritairement adoptés dans une assemblée de type parlementaire, mais ce fut le cas, en novembre 1999, au Conseil économique et social, à la première réunion à laquelle je participais comme « personnalité qualifiée », dans la section « travail ». C’était dans le cadre d’une demande d’avis de la part du gouvernement Jospin, à l’occasion du sommet de l’OMC à Seattle – lequel fut l’objet ensuite de manifestations de masse qui l’empêchèrent quasiment de se tenir. L’idée était de donner à l’OIT ( un « G183 ») les mêmes droits de contrôle, de sanction, d’intervention que l’OMC, et de rendre ses conventions aussi incontournables que l’OMC prétendait le faire avec les siennes. GF
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