Mais qu'ont donc fait les députés socialistes au parlement européen ?
03/07/2009 |
Sur internet, on nous bassine avec les votes des députés socialistes européens qui auraient trahi en permanence en votant avec les autres élus du PSE contre les services publics, Edf, Poste, etc. C’est la vieille rengaine des socialistes qui ne seraient que des sociaux-traîtres… C’est faux bien sûr, mais encore faudrait-il prendre la peine de s’informer dans les détails, exemples à l’appui, dans des domaines comme la libéralisation des marchés européens de l’énergie, la libéralisation de la Poste, ou la cogestion PPE-PSE du Parlement européen… Revenons sur chacun de ces dossiers, afin de vous expliquer notre position.
785 députés en majorité de droite, hélas…
Le Parlement européen compte aujourd’hui 785 députés. Le groupe le plus important au Parlement européen, le PPE, compte 288 députés. Les socialistes européens sont 216. Aucun groupe ne peut, par conséquent, imposer son point de vue aux autres. Le système de vote contraint donc le rapporteur (qui est aussi parfois issu de la GUE) et la formation politique à laquelle il appartient à construire des coalitions et à la négociation de compromis lors de l’élaboration des textes. Si l’on veut élaborer des textes à transposer dans l’ensemble du territoire de l’Union, il faut avoir créé au préalable un niveau de consensus suffisamment large. Il faut envisager l’élaboration de textes au Parlement européen comme une négociation collective : on avance des amendements et l’on cherche à infléchir le texte en fonction d’un rapport de force, mais à la fin on parvient à un accord, afin d’éviter toute paralysie. Bien sûr, les français d’IND-DEM ou de la GUE ne connaissent pas grand-chose de ce véritable travail parlementaire : Philippe de Villiers, Paul-Marie Couteau, Patrick Louis ou Jacky Henin n’ont jamais été rapporteur lors de la législature écoulée. L’Europe, en l’état, est un outil qui peut être de droite ou de gauche, comme le rappelle Alain Lipietz. Malheureusement, une majorité d’Européens ont voté pour la droite en Europe, à chacune des élections nationales et lors des élections européennes. C’est dans ce contexte que les socialistes français et européens travaillent pour limiter les dégâts, comme lors de la directive Services, que nous avons colossalement réécrite. Entre autres, nous avons obtenu l’exclusion des Services Sociaux d’Intérêts Généraux. Ce qui est amusant, c’est que nos critiques glorifient cette proposition de directive-cadre sur les services publics, en omettant de préciser d’où elle vient : elle a été rédigée par les socialistes français, avec les représentants de l’ensemble des syndicats en Europe. Nous luttons avec force pour qu’elle soit reprise par la Commission européenne. Mais il faudrait une majorité clairement à gauche permettra de la faire avancer.Sur le 3e paquet énergie…
La problématique énergétique recouvre à la fois une dimension interne (accès, prix, droit des consommateurs), externe (sécurité et diversification de l’approvisionnement) et globale (changement climatique). Lors des négociations sur le 3e paquet énergie, les Socialistes français, à l’unisson des organisations syndicales, se sont opposés à un modèle unique pour l’ensemble des entreprises énergétiques européennes, la «séparation patrimoniale ». L’accord conclu à l’issue des négociations de deuxième lecture nous donne raison. La troisième voie – que nous avons arrachée - est un effort réalisé contre la séparation totale production/réseaux et le démantèlement des groupes énergétiques intégrés. Ce troisième paquet énergie n’oblige nullement la France à baisser sa participation dans EDF (l’Etat reste aux alentours de 85 % de participation). Ces dernières années, les choix du gouvernement français concernant EDF (passage d’EPIC à SA) et GDF (mariage avec Suez) sont antérieurs à cette directive, et ne lui sont en rien imputables, ni à l’Europe. Avec l’ensemble des socialistes européens, nous avons aussi obtenu des dispositions pour faire face à la pauvreté énergétique et pour imposer une solidarité européenne. Par exemple, les États membres devront garantir le service universel à des prix raisonnables et non discriminatoires pour tous les foyers et les petites entreprises ; sur ces questions, la législation européenne va beaucoup plus loin que la législation française, qui ne définit pas aussi strictement les obligations de services publics en faveur des plus démunis. Pour assurer dans les faits la solidarité européenne, nous avons voté la densification des interconnections transfrontalières pour parer aux blackout électriques ou aux affaiblissements provisoires de flux gaziers. Enfin, nous avons défendu une transition vers des énergies plus propres afin que l’Europe tienne les promesses de Kyoto, et soit aussi en position d’impulser les engagements de demain (Copenhague…).Sur la Poste…
Le Parti Socialiste lutte avec l’ensemble des socialistes européens pour garantir un ensemble uniforme de conditions de fonctionnement et de critères qualitatifs des services publics lors du parachèvement du marché intérieur. Lors du vote du Rapport Ferber, le 11 juillet 2007, sur la libéralisation du marché postal, le Parlement Européen a aboli le domaine réservé (monopole du courrier de 0 à 50 grammes). En première lecture, les socialistes européens étaient parvenus à préserver ce domaine réservé (le monopole). Une majorité du groupe PSE a finalement voté en faveur de la suppression du « domaine réservé » et, effectivement, le PS, avec d’autres socialistes comme ceux des deux délégations belges, ont préféré marquer leur opposition. Pour autant, le PSE dans son ensemble s’accorde à dire que le service postal est un outil aux services de la cohésion sociale et territoriale, et il est évident que le marché seul ne saurait assurer un service quotidien sur l’ensemble du territoire européen. C’est pourquoi, bien que libéralisé, le marché postal sera soumis, grâce aux députés européens socialistes, à une obligation de service universel financé par les Etats Membres. Les socialistes européens veulent protéger un service garantissant la cohésion économique et sociale à un prix abordable, sur l’ensemble du territoire. Nous avons aussi arraché des avancées pour l’accès gratuit au service en faveur des aveugles et l’introduction de dispositions non discriminatoires dans l’établissement du service universel.La «cogestion» au Parlement européen…
Pour dénoncer la prétendue connivence entre PPE et PSE, nos critiques se servent d’une étude largement erronée, et à dessein, des villiéristes… Nous conseillons vivement d’utiliser le site votewatch.eu, qui a été réalisé par l’Université Libre de Bruxelles (libre car laïque, et non pas parce qu’elle serait soumise aux mains du privé) et la London School of Economics. Ce site rassemble les données sur les 6149 appels nominaux - parmi les 3061 rapports et les 57 795 amendements votés - dans la législature qui s’achève. Plus sérieux que les 535 votes étudiés par les villiéristes… Cette étude apporte des réponses très intéressantes à plusieurs questions. Quelle est la coalition qui « cogère » le plus fréquemment le Parlement européen? c’est celle qui rassemble le PPE, l’UEN (Pour l’Europe des Nations), l’ALDE (les libéraux), le PSE, les Verts et la GUE (les communistes), dans 13,22% des votes de l’ancienne législature ! La deuxième coalition la plus fréquente reprend les mêmes, et voit se joindre le groupe Indépendance et Démocratie (Villiéristes), dans 12,47 % des votes. On peut étudier les votes dans tous les sens : c’est bien simple, il n’y a jamais de « coalition » qui regroupe uniquement PSE et PPE ! Sauf à vouloir défendre un « Tous pourris » nauséabond qui intègre les Verts ou la GUE, il faut s’intéresser aux détails des votes et du fonctionnement du Parlement européen… Pourquoi de telles coalitions, droite, socialiste, libéraux, communiste et verts ? Nombre de textes votés au Parlement européen sont des harmonisations de normes techniques (inscriptions et marquage sur le flanc des pneus, taille des bus). Il faut bien voir que l’essentiel de l’activité normative (législative) du Parlement européen et du Conseil des ministres relèverait, en France, du pouvoir réglementaire, c’est-à-dire du gouvernement.Pas de sujets clivant à l’horizon…
D’autres textes, comme les résolutions et les rapports d’initiative, visent à faire entendre la voix du Parlement européen[caption id="attachment_3677" align="alignnone" width="120"]
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