Le projet de loi Macron
09/05/2015 |
Cet argumentaire sur le projet de loi Macron, intitulée « Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », doit beaucoup à l'article d'Anne-Marie Grozelier sur la partie "droit du travail" du projet de Loi Macron" : http://www.lasaire.net/fr/news/les-notes/6/loi-macron_160.html
Le 19 février, l’Assemblée nationale adoptait, en 1ère lecture, le projet de loi Macron au moyen de la procédure de l’article 49.3 de la Constitution. Le projet n’est pas pour autant adopté et c’est l’un des enjeux du congrès du Parti socialiste d’empêcher qu’un projet de loi aussi néolibéral, aussi contraire aux droits des salariés ne devienne une loi. La déréglementation à la Macron frappe tout, l’inspection du travail, la médecine du travail, la justice du travail, la protection contre les licenciements, le droit pénal du travail, les institutions représentatives du personnel, et même le bulletin de paie qui deviendra opaque. Ceux qui affirment qu’ « une loi qui fait descendre les notaires dans la rue ne peut pas être une loi de droite » n’ont pas compris qu’il ne s’agissait pas d’accorder de nouveaux droits aux salariés des offices notariaux mais, plutôt, de livrer ces offices aux appétits des firmes juridiques anglo-saxonnes. Tout comme, les taxis : Macron pousse la G7 à se saborder pour le compte de la multinationale Uber low cost qui fait main basse sur les « VTC » (voiture tourisme avec chauffeur). Vous trouverez bientôt des chauffeurs surexploités, aux horaires mortels, et aux prix négociés au cas par cas sans compteur. Emmanuel Macron réinvente la « troisième classe » des trains à la SNCF, ce seront les autocars pour les jeunes pauvres qui ne peuvent plus se payer le TGV. C’est une parfaite illustration de ce que Manuel Valls appelait l’ « égalité des chances » dans son discours du 10 décembre.Un tiers des articles touche au droit du travail.
Quelques exemples, parmi tant d’autres, si ce projet de loi était adopté : Les hôpitaux publics auront la possibilité d’investir dans le secteur de la santé (au sens large) à l’étranger, de spéculer dans « l’or gris », les maisons de retraite privées, par exemple. La résidence principale d’un chef d’entreprise ne pourrait plus être saisie pour payer, par exemple, les mois de salaires qui restent dus. Rien ne pourra empêcher un employeur, sentant venir les problèmes, d’entreprendre de grands travaux dans sa résidence principale. En Allemagne, avec les mesures Schröder qu’admire tant Manuel Valls, un salarié au chômage est obligé de vendre sa maison et ne percevra une allocation chômage que quand il n’aura plus un sou de la vente de sa maison. Les entreprises de moins de 50 salariés ne seront plus obligées de publier leurs comptes. Quand on sait que la très grande majorité des PME est sous la dépendance des grands groupes, c’est une fleur qui est faite à ces derniers. C’est vers un droit à l’anglo-saxonne que le projet de loi Macron veut nous amener. Chacun sait comment les droits des salariés sont respectés dans ces pays.I - L’esprit de la loi
3 piliers : Libérer, Investir, Travailler. Elle s’inscrit dans le cadre du report, accepté par la Commission européenne, de la réduction du déficit public. En contrepartie de ce report, la France doit mettre en place des « réformes structurelles » qui mettent en cause le modèle français de protection sociale. Selon les dogmes libéraux, le marché du travail n’est qu’un marché et le travail n’est qu’une marchandise. Selon ces mêmes dogmes, le marché ne peut assumer parfaitement sa fonction de régulation qu’à condition que son fonctionnement ne soit ni faussé ni entravé. Pour permettre au marché de fixer librement le prix du travail, il faut supprimer les « blocages » c’est-à-dire les dispositifs légaux et conventionnels. Cet ajustement permettrait d’éviter le chômage. Le Smic, le droit du travail ne serait que la conséquence de la « préférence française pour le chômage » selon les économistes néolibéraux. Dans la droite ligne du « rapport Attali » de 2008, le projet de loi Macron a pour fonction de lever ces « blocages ». C’est pourquoi la loi intervient dans une série de domaines hétéroclites : péages autoroutiers, stationnement à l’abord des gares, urbanisme commercial, externalisation du permis de conduire, dérèglementation des professions réglementées (avocats, notaires…), tribunaux de commerce, publicité dans les grands stades. Elle intervient dans les champs de compétence de différents ministères (justice, travail, commerce, artisanat, transports, logement, santé…) De nombreux codes devrait s’en trouver modifié : travail, transport, commerce, urbanisme, santé… Le projet de loi prévoit la vente de participations de l’Etat : privatisation des aéroports de Lyon et de Nice et cession d’actifs détenus par l’Etat dans de nombreuses entreprises. Dans le but de « simplifier les procédures », le projet de loi n’hésite pas à apporter des limites aux consultations préalables à l’examen des projets relatifs à l’environnement et à l’urbanisme. Ce serait, en fait, une remise en cause du rôle de la société civile et une restriction des libertés publiques. Les négociations sociales, elles-mêmes, peuvent être remises en cause (comme en Grèce) car elles contribueraient à mettre en place des formes de « blocages ».2 - Un certain style de gouvernement
2.1. Le recours aux ordonnances Le projet de loi prévoit le recours aux ordonnances dans de nombreux domaines. Ce recours permet de faire passer des mesures impopulaires et privilégie la rapidité au détriment de la consultation démocratique. 2.2. Le recours au 49-3 La dernière fois où cet article anti-démocratique avait été appliqué, c’était par Dominique de Villepin, en 2006, pour imposer le Contrat Première Embauche (CPE). Mal lui en avait pris, la mobilisation de la jeunesse du salariat l’avait obligé à, très vite, l’abroger. Nicolas Sarkozy, lui-même ne l’avait pas utilisé.3 - les principales mesures qui touchent au marché du travail et aux relations sociales
3.1. Le temps de travail 3.1.1. L’extension du travail dominical Le champ de la dérogation au principe du repos dominical a été élargi. A chaque type de dérogation correspondrait un régime différent de garanties pour les salariés. Les organisations patronales sont partagées. Le MEDEF est pour. La CGPME considère que les mesures d’ouverture dominicale « recèlent un danger mortel pour le commerce indépendant de proximité » et estime qu’elles ne profiteront qu’à la grande distribution. L’UPA voit dans ce projet « le risque d’un vrai gâchis économique assorti d’un vaste plan social. Plus de 200 000 emplois sont menacés dans les entreprises de proximité ». Cette réforme affecterait un secteur où se trouvent les salariés les plus fragiles, les plus précaires, les plus malléables. Les femmes qui occupent 80 % des emplois dans le commerce sont les premières concernées. Comment déplorer le délitement du lien social, la montée de l’individualisme tout en décidant de passer par profits et pertes le seul jour que la tradition a consacré pour entretenir des relations sociales au sein de la famille et ailleurs ?Le projet de loi Macron n’est pas encore une loi !
Il ne faut pas que ce projet de loi libéral, dicté par le Medef, destructeur des droits sociaux, acquière force de loi. Le projet de loi Macron a été adopté à l’Assemblée Nationale, après le recours à l’article 49.3 de la Constitution de 1958 car de nombreux députés socialistes, écologistes et du PCF ont refusé de voté un tel projet de loi. Le projet de loi de Monsieur Macron qui s’est vanté à plusieurs reprises de « ne pas être carté au PS » (ouf !) n’est pas adopté pour autant. Congrès du Parti Socialiste oblige, la loi ne reviendra qu’en juin devant l’Assemblée nationale. L’usage du 49-3 est une preuve de faiblesse qui indique clairement, aux yeux de tous, qu’il n’y a pas de majorité de gauche à l’Assemblée nationale pour une politique néolibérale, aussi contraire aux engagements de 2012.[caption id="attachment_6711" align="alignnone" width="120"]L’article en PDF[/caption]