Le manifesto
01/04/2009 |
Le Manifesto adopté par le PSE (Parti socialiste européen) titre sur les citoyens d’abord, et à ce titre décline un programme commun pour la social démocratie de l’Union européenne. Il réaffirme que l’Europe est utile et indispensable face à la mondialisation de l’économie et de la finance.
Ce programme se situe dans un clivage gauche-droite, et se présente dans une perspective de progrès face à la crise avec sa montée des inégalités sociales. Dans ce cadre, les droits de l’homme pour que chaque citoyen ait droit au travail, à l’éducation et à la santé doit être la lame de fonds de toutes directives. Pour aller dans ce sens, le développement économique, la stabilité des prix, la lutte contre les inégalités sociales, l’indépendance énergétique, le développement des énergies renouvelables, l’égalité des sexes, la maîtrise de l’immigration en lien avec les pays d’origine, accouplés à une politique de défense commune hors de l’Otan, constituent le fonds politique que les élus du PSE auront à défendre à Strasbourg et à Bruxelles. Malheureusement ce programme de part son consensus sous estime :• L’ampleur de la crise
Actuellement, 78 millions de citoyens européens vivent à la limite du seuil de pauvreté, les inégalités territoriales Est Ouest sont une réalité créant au sein de l’Union un vrai dumping social à travers les délocalisations. Certes, le manifesto se prononce pour une économie sociale de marchés et pour une régulation pour combattre les effets néfastes de la finance, mais cela manque d’ambition au regard des éléments de conjoncture. Les liens entre les politiques de l’Union et des Etats souverains avec la BCE ne sont pas modifiés substantiellement. Au contraire, les objectifs assignés par le traité de Maastrich sont réaffirmés à savoir assurer la stabilité monétaire et des prix à travers le pacte de stabilité. Seules des réformes sont envisagées pour éviter la flambée des prix de l’alimentation ou de l’énergie, pour contrôler la finance, ou pour mettre fin aux paradis fiscaux. Or les acteurs sociaux: les capitalistes et les salariés s’affrontent en permanence sur la répartition de la richesse créée à travers la rémunération, dividendes pour les uns, salaires pour les autres. Face à cette donnée sociétale, il y a lieu d’élaborer au-delà du salaire minimum européen les espaces réservés au service public, à la négociation salariale, aux droits des salariés, aux fonds européens pour vaincre les inégalités territoriales tout en mettant en œuvre une politique d’harmonisation fiscale et sociale ambitieuse, seule capable d’assurer une circulation partagée des biens et des personnes.• Les enjeux énergétiques face à la donne climatique
Le manifesto se prononce pour l’indépendance énergétique de l’Europe à travers les économies d’énergie, principalement dans l’habitat, dans le développement du transport ferroviaire et maritime; la montée en puissance des énergies renouvelables, notamment l’éolien; l’amélioration des réseaux transfrontaliers de l’électricité et du gaz et la relance timide de l’énergie nucléaire tout en respectant le principe de souveraineté des Etats. Ces mesures ne règlent pas, même si le principe de diversification énergétique est affirmé, les problèmes que soulèvent notre approvisionnement en pétrole et en gaz au regard des questions géo-politiques que posent la Russie dans la gestion des feeders transfrontaliers impliquant l’Allemagne, l’Ukraine, la Georgie, la Turquie pour le gaz. Quant au pétrole, les politiques de sécurité d’approvisionnement montrent l’importance des relations de l’Europe avec l’Iran et le Moyen Orient sans être à la remorque des Etats-Unis et de sa force de frappe que constitue l’OTAN.• La lutte pour obtenir l’égalité de sexes
Une charte européenne des droits de la femme est affirmée avec force, mais une législation commune est esquivée, car elle touche au droit à l’avortement et à la contraception. Cette esquive n’est pas fortuite, car elle s’affronte à l’héritage chrétien de la civilisation européenne et dans ce cadre l’Eglise romaine est préservée au nom de la politique concordataire de cette dernière avec les Etats, pas étonnant que la question de la laïcité soit absente du programme du PSE.• Les difficultés sociales qu’impose le contrôle des flux migratoires
Dans l’absolu, la politique déclinée est acceptable. La lutte contre l’immigration clandestine, l’accueil des réfugiés, l’adaptation des besoins de main d’œuvre en lien avec les pays pourvoyeurs, rompent avec la politique du patronat qui réclame, lui, l’immigration choisie, pilleurs des cerveaux des pays en voie de développement qui ont eu à supporter les charges d’éducation. Cette orientation oublie gravement que c’est le patronat, donneurs d’ordre compris, qui alimente les filières clandestines à travers le travail au noir. Un immigré sans ressources ou de subsides sociaux ne peut vivre dans le pays d’accueil. Par ailleurs, les gouvernements des pays d’origine sont aussi complices par inertie tout contents d’être aux ordres des bailleurs de fonds, car ces travailleurs permettent de faire rentrer des devises et assurent dans bien des cas le quotidien de leur famille. Quant à la réadmission des clandestins, elle est purement utopique si les sources de la clandestinité ne sont pas éradiquées… et elle ne se résume alors qu’à des opérations de police avec son cortège inévitable de bavures. L’immigré devient, de par la loi, un délinquant alors que sa motivation est de trouver un moyen de subsistance, victime successivement des ravages de l’esclavagisme, du colonialisme et de corruption de leurs dirigeants… Le non consensus des Etats et de la droite concernant la politique de sécurité et de défense. Oui, une politique de défense commune serait une avancée,, encore faudrait-il que cette question fasse consensus. La Grande-Bretagne, porte avion de la politique atlantiste, les anciens pays du pacte de Varsovie réclament pas moins d’Otan, mais plus d’Otan. La France à travers la politique pro-américaine de son président et de son ministre des affaires étrangères s’apprête à réintégrer cette structure… Le PSE fait preuve de courage en la matière, mais cette question devrait être étayée pour devenir crédible aux citoyens européens qui réclament face au terrorisme, aux montées du populisme et du nationalisme étriqué une vraie politique de défense. Et pour finir ce tableau des faiblesses du manifesto, la question de la construction d’une Europe politique n’est pas abordée dans toute sa complexité. La ratification du traité de Lisbonne par les États de l’Union est vécu comme une avancée, alors qu’une partie de la gauche ne partage pas ce constat au regard du débat sur le traité constitutionnel européen. Le renforcement des régions constitue dans cette stratégie une gouvernance politique pour construire une Europe au détriment des États souverains et des nationalités. Cette vision est certes dans la dynamique de pensée des pères fondateurs, mais pas dans celle qui active la culture des peuples de la vieille Europe. En effet, les Etats constituent encore l’espace démocratique pertinent et le nationalisme, racine des peuples reste une donnée générale. Or pour avancer, l’Europe a à régler les questions nationales qui sont récurrentes comme la question basque, l’éclatement de la Belgique, la division séculaire entre l’Italie du Nord et du Sud, le contentieux encore vivant de la ligne oder-neisse malgré l’accord de 1970 entre l’Allemagne et la Pologne, le rapport des pays Baltes avec la Russie pour ce qui est de la sphère de l’Union, alors que subsiste des conflits aux frontières de l’Union comme la question du Kosovo entre les Serbes et les Albanais, la question Kurdes en Turquie, l’indépendance de l’Ukraine, de la Georgie face à la Russie. C’est pourquoi, si le programme du PSE peut être considéré comme une avancée à travers son orientation à minima, force est de constater que le compte n’y est pas pour aller vers une Europe sociale démocratique et politique. Aussi, il appartient bien aux socialistes français de faire avancer ce programme par nos propres propositions fort de notre puissance économique, de notre aura pour les droits de l’homme issus des lumières et de notre conception laïc de la citoyenneté. C’est bien une Europe des citoyens qu’il s’agit de construire, le d’abord du manifesto montre bien les limites que la social démocratie met à l’ambition citoyenne au quelle aspire les peuples de la vieille Europe. Bernard Grangeon[caption id="attachment_3528" align="alignnone" width="120"]L’article en PDF[/caption]