« S’il n’en reste qu’un, je serai celui-là » : Sarkozy – avec Kouchner – continue à défendre la défunte politique de Bush contre la nouvelle administration de Washington. Voilà quelques-unes des multiples circonstances où la diplomatie française se heurte de façon réactionnaire à celle d’Obama.
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1 Le défi contre l’Iran : Sarkozy a engagé la France dans le soutien aux Emirats arabes unis et construit une base militaire à 220 Kms des côtes iraniennes, dans le détroit d’Ormuz, là, où passent 40 % du pétrole mondial. C’est une véritable provocation puisque Sarkozy a affirmé publiquement, fortement, que toute attaque contre les EAU serait une attaque contre la France. Kouchner continue d’ailleurs, comme il le fit le premier jour de sa nomination aux affaires étrangères, en chaque occasion de menacer l’Iran, d’exiger des sanctions, et d’affirmer qu’il « faut se préparer à la guerre » contre Téhéran. Sarkozy et Kouchner sont des va-t-en guerre, au nom de leur fameux droit à l’ingérence, ils étaient pour la sale guerre contre l’Irak, ils sont aussi pour agresser l’Iran. Comme Margaret Thatcher le fit avec les Malouines, Sarkozy est un homme dangereux prêt à entraîner la France dans la guerre pour consolider son pouvoir et faire diversion par rapport à l’échec de sa politique économique et sociale. Il y a dans les médias français une « préparation » psychologique à une telle éventualité, le régime iranien est présenté systématiquement sous des traits hostiles – alors que par exemple, le régime saoudien comme celui des EAU – qui sont pires que l’Iran – ne sont jamais critiqués. Chez les nouveaux amis que Sarkozy a imposés à la France, (« à la vie, à la mort ») il n’y a pas d’élection du tout, pas de partis politiques, pas de droit syndical, pas de liberté religieuse, pas de droit de réunion, pas de citoyenneté, une police politique toute-puissante, un système de torture barbare, des travailleurs forcés et des femmes domestiques esclaves, pas de droit du travail, pas de doit au divorce, et chasse à l’homosexualité. Mais cela n’empêche pas Sarkozy d’embrasser le Cheik, de lui confier les clefs du Louvre et de la Sorbonne… Sarkozy affirme défendre la civilisation contre les barbares et « les petites filles dont les talibans coupent les mains parce qu’elles mettent du rouge à ongles» mais ce n’est que de l’affichage, il ne défend ni la démocratie, ni la paix, il s’allie lui-même avec les barbares des EAU, pour provoquer la guerre. Il est vrai qu’ainsi Sarkozy choisit des barbares riches contre des barbares pauvres, c’est tout lui. Mais c’est une conduite à risques pour la France. Or la nouvelle diplomatie d’Obama, (tant qu’il aura une majorité pour la conduire) propose au contraire de négocier avec l’Iran, diminue l’appréhension du risque de la menace nucléaire, repousse les ultimatums et sanctions, cherche à désamorcer le conflit et à apaiser, y compris contre l’avis d’Israël, les tensions. Cela débouchera forcément alors, à un moment sans doute plus proche qu’on ne le croit, sur des négociations avec les talibans.
2 Au contraire, Sarkozy a fait rentrer la France dans l’Otan, et a augmenté le contingent français en Afghanistan. Ce, juste au moment où les autres pays qui participent à cette guerre d’invasion, notamment la Grande-Bretagne, s’interrogent ses objectifs. Le prétexte de combattre le terrorisme est fictif : Ben Laden n’est pas là, et il est saoudien comme 18 des 20 hommes qui ont fait sauter les Twin towers. Tout le monde convient donc que cette guerre ne sera jamais gagnée et que « les talibans ont pris le dessus » (déclaration de McChrystal, chef d’état-major US). Où va l’Otan, pourquoi et comment ? La population afghane est chaque jour d’autant plus hostile aux envahisseurs qu’elle paie un lourd tribut à la guerre, des missiles sophistiqués frappant les villages de nuit et faisant des centaines de morts civils. Même Hamid Karzaï, homme de paille, est contraint de se désolidariser des « bavures », mais celles-ci sont aussi inévitables que pendant la « pacification » en Algérie. Les zombies étrangers, déguisés en cosmonautes qui déambulent, tremblant de peur, craignant les mines, les kamikazes, les roquettes, dans les rues des villages afghans n’ont aucune chance de « sympathiser » avec la population. Il y a davantage d’argent dépensé pour la guerre d’occupation que tout ce que peut produire chaque année ce pays qui manque de tout : pas de train, pas de routes, pas d’écoles, pas d’hôpitaux… L’Otan exige de former 180 000 soldats afghans et 220 000 policiers avant de quitter le pays… Comme si c’était possible dans un territoire parmi les plus pauvres du monde, sans médecins ni instituteurs de donner la priorité à la mise en place de 400 000 hommes armés. En fait chaque jour de plus où les troupes étrangères sont présentes renforce le poids des talibans pour des années de plus. On ne libérera ni les femmes ni les hommes avec des chars et des missiles. C’est le contraire : la guerre actuelle contre les afghans renforce les intégristes pour des décennies, les “insurgés” deviennent des héros nationaux. Elle leur donne une légitimité qu’ils seraient peut-être en train de perdre progressivement sinon… Il faudrait partir tout de suite, vite. Il n’y a aucune chance d’avoir un vrai gouvernement à Kaboul contre et sans les talibans: l’élection présidentielle du 20 août a été un fiasco du point de vue de la participation et elle a été tellement entachée de fraudes massives que les résultats sont impossibles à proclamer. Hamid Karzaï, homme des pétroliers américains, exige d’être officiellement élu dès le premier tour : le représentant d’Obama, Richard Holbroock s’est fâché, le représentant de l’Union européenne, Key Eide a refusé le vote, décomptant jusqu’à 1,5 million de voix fraudées. Trop c’est trop, ça ne passe pas : seul Kouchner a pourtant déclaré cyniquement au nom de la France: «l’important c’est que le vote ait eu lieu».
3 Sarkozy avait défié Poutine sur l’affaire géorgienne, jouant les « fiers-à-bras » alors qu’il présidait l’Europe de juin à décembre 2008. Alors que toute la presse occidentale et française, du temps de Bush faisait des analyses agressives contre la Russie et soutenait le fantoche et faucon Mikhaïl Saakachvili, depuis le début 2009, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie se frayent une autonomie liée à la Russie, solution qui n’était pas du tout celle préconisée par Sarkozy. Recherchant un rapprochement avec Poutine, Barak Obama renonce opportunément au bouclier de missiles prévu par Bush contre la Russie. C’est une bonne nouvelle pour le monde : car ce bouclier installé en Pologne était réellement menaçant contre Moscou, suscitant même des rapprochements avec Pékin et Téhéran, créant une vraie tension durable dans toute la région. Le choix d’Obama de renoncer à ce « bouclier » est à effets multiples : il permet, en rassurant la Russie de tenter de la dissocier de l’Iran à la veille des négociations avec Mahmoud Ahmadinejad. Sur la chaîne de télévision américaine NBC News, le président iranien répond aussitôt que « l’Iran n’a pas besoin de l’arme nucléaire. «Nous pensons que les armes nucléaires appartiennent au passé et à la génération d’avant… Nous ne voyons aucun besoin pour ce type d’armes», répète-t-il, ajoutant : «Nous avons toujours cru aux négociations et aux discussions. Ceci est notre logique, rien n’a changé». Il est pressionné, il est vrai par une très forte opposition interne qui continue de se manifester en dépit des élections truquées, en dépit de la répression, et qui a encore défilé le 18 septembre dans le centre de Téhéran à l’occasion de la Journée annuelle de Qods (Jérusalem), organisée depuis trente ans en solidarité avec les Palestiniens. La levée du projet de bouclier de missiles, les négociations avec l’Iran, la détente avec la Russie participent d’un ensemble fragile, mais qui ne colle pas avec la diplomatie belliciste de Sarkozy-Kouchner.
4 Sarkozy et Kouchner, malgré quelques gesticulations de façade, avaient globalement fait un silence complice sur les crimes d’Israël contre Gaza en fin décembre 2008 alors que l’ONU vient explicitement et au contraire de condamner les «crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » commis là-bas en cette occasion par les dirigeants israéliens. Barak Obama pressionne officiellement et fortement les ultra-sionistes conte l’extension des colonies en Palestine occupée. Il menace le gouvernement Netannyahou si celui-ci les couvre mais aussi s’il met à exécution ses menaces de bombarder l’Iran pour détruire son potentiel nucléaire. Ça bouge là aussi : s’agit-il d’une inflexion liée à tous les évènements précédents, le ministre de la Défense Ehud Barak, évoquant le programme nucléaire de Téhéran vient, dans un entretien avec le quotidien Yediot Ahronot, d’affirmer soudain que «L’Iran ne représente pas une menace pour l’existence d’Israël»… «Dans la mesure où l’Etat d’Israël est fort, je ne vois personne susceptible de représenter une menace pour son existence». Voilà qui n’est pas pris en compte non plus par la propagande de la presse sarkozyste en France.
Combattre aussi Sarkozy sur le plan de la politique étrangère
Car en France les médias dominants s’orientent vers une description surabondante des «obstacles » que rencontre Barak Obama, aussi bien dans sa politique étrangère, que dans sa bataille pour un système de santé avec une composante publique. Une manifestation ultra droite qui réunit à Washington moins de 100 000 personnes, exhibant des portraits d’Obama grimé en Hitler, ou des panneaux « non au marxisme », se voit sur tous les écrans de la télévision Bouygues. Alors qu’aux Etats-unis le «modèle» français de Sécurité sociale est montré en exemple, ici, alors que Sarkozy veut le mettre à mal, on veut nous montrer combien, là-bas, la population s’y oppose. Attention : pas d’illusions cependant, bien qu’il tente de faire mieux et d’aller plus loin que Bill Clinton en 1992, Barak Obama peut fort bien tomber sous les coups de ses adversaires, et, lui aussi, être obligé de capituler sur toutes les questions soulevées dans cet article. La puissance des lobbies militaro-industriels, financiers, pharmaceutiques est considérable aux USA. Mais au moment présent, la diplomatie américaine, s’oppose – relativement – à la politique française, ce n’est pas nouveau dans l’histoire, mais c’est à front renversé : c’est parce que, à Paris, nous avons un émule et un nostalgique de Bush au pouvoir. Nous avons à dénoncer les risques guerriers que la politique réactionnaire générale de Sarkozy-Kouchner font prendre à la France. 52% des Britanniques et 54% des Américains sont maintenant contre la guerre en Afghanistan, nous avons particulièrement à faire évoluer massivement l’opinion des Français en ce sens, l’actualité est même de construire un mouvement anti-guerre unitaire pour le « retrait immédiat des troupes françaises d’Afghanistan ».
Matti Altonen[caption id="attachment_3789" align="alignnone" width="120"]
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