L’Amérique latine : continent rebelle !
04/04/2009 |
Du Brésil de Lula (malgré les déceptions que sa politique bien modérée a légitimement provoqué) au Venezuela de Chavez en passant par la Bolivie, l’Argentine, l’Uruguay, le Salvador, Cuba ou le Nicaragua des sandinistes, nous souhaitons revenir dans ce numéro sur cette dynamique latinoaméricaine et sur les ingrédients du succès de la gauche dans ces pays à l’heure où les socialistes français et européens peinent à redessiner une alternative aux politiques libérales.
Dans le contexte d’une crise sans précédent du libéralisme mondialisé et de ses grandes institutions internationales (FMI, OMC, Banque Mondiale) le sous-continent latino-américain est en effet un pôle d’espoir et de résistance pour tous les militants internationalistes. Pour paraphraser l’écrivain Romain Rolland, qui en 1917, au moment où éclatait la Révolution russe, écrivait « une lueur d’espoir s’est levée à l’est », nous pourrions aujourd’hui dire la même chose à propos du continent de Bolivar et Allende. L’Amérique latine, il faut le rappeler pour comprendre le contexte actuel, fut un laboratoire des politiques libérales du FMI (que certains socialistes prétendent vouloir mettre au service des peuples...) et de l’OMC. Dictatures militaires, dérégulation et ouverture totale des marchés, privatisation des services publics, baisse drastique des budgets sociaux et éducatifs et alignement total sur l’impérialisme nord américain ont marqué les États latino-américains au cours des années 70, 80 et 90. Ces politiques, dont le Chili de Pinochet fut le laboratoire principal, ont aggravé les inégalités sociales et ont même conduit un État comme l’Argentine, longtemps présenté comme l’élève modèle du FMI, à la faillite pure et simple en 2001 ! Ce libéralisme brutal a bien sûr entraîné de vastes mobilisations populaires et sociales et une redéfinition du logiciel de la gauche. Partout la sociale-démocratie traditionnelle avait échoué à relayer politiquement les aspirations à la résistance et à la rupture avec la logique capitaliste... Pire, elle s’y était parfois violemment opposée, allant jusqu’à réprimer dans le sang les manifestations populaires... En 1989, alors que le Mur de Berlin s’apprêtait enfin à tomber, le peuple vénézuélien descendait dans la rue pour dire son refus du libéralisme et de la misère qu’il engendrait. Le gouvernement social-démocrate de l’époque avait réagi en faisant tirer sur les manifestants, causant plus de 3000 morts ! Une partie de la gauche n’avait donc malheureusement pas saisi qu’il était temps de redéfinir un projet de transformation sociale en s’appuyant sur le rejet des politiques libérales qui montait un peu partout. Non, 1989 n’était pas la fin de l’histoire, au contraire un chapitre nouveau s’ouvrait : celui de la reconquête socialiste. L’aspiration de tout un continent à une alternative sociale, politique et culturelle a donc nécessité l’émergence d’une gauche diverse plongeant ses racines dans les luttes contre les dictatures militaires mais prenant en compte le rejet massif des politiques néolibérales. C’est en s’appuyant sur la force des mouvements sociaux, le besoin de participation populaire et la soif de démocratie que la gauche latino-américaine est parvenue à se renouveler en profondeur et à gagner presque toutes les élections quand, dans le même temps, les socialistes européens les perdaient presque toutes. Le cycle a été ouvert par les victoires de Chavez en 1998 et 2000, s’est poursuivi avec le Brésil et l’Argentine en 2002, l’Uruguay en 2004, la Bolivie en 2005, le Paraguay en 2008 et continue en beauté au Salvador tout récemment. Seuls le Mexique et la Colombie (combien de temps ?) résistent encore à cette magnifique vague de gauche qui emporte tout sur son passage et montre la voie aux progressistes du monde entier ! Dans les débats en cours sur la refondation de la gauche, face aux échecs cuisants de la sociale-démocratie européenne et la faillite du communisme bureaucratique en URSS, le laboratoire sud-américain est à étudier de près pour tous ceux qui n’ont pas renoncé à changer radicalement la société et qui ne se résignent pas au monde tel qu’il est. Il y a là de belles leçons à méditer pour que le socialisme démocratique redevienne enfin un espoir pour les peuples en Europe et en France, et que le vent de l’Histoire souffle de nouveau à gauche ! :: Par Julien Guérin (CNA)[caption id="attachment_3546" align="alignnone" width="120"]L’article en PDF[/caption]