"Fillon, champion de la régression du droit social"
01/02/2004 |
Gérard Filoche est inspecteur du travail, membre du bureau national du PS, et auteur à paraître le 4 mars chez Ramsay : « Carnets noirs d'un inspecteur du travail »
Que changerait l'instauration d'un "contrat de mission", alors qu'actuellement un employé ne reste que de 6 à 8 ans dans son entreprise et que l'intérim a plus que doublé depuis 1995 ? Ne serait-ce pas un moyen de sécuriser cette situation ?La durée moyenne d'un Cdi s'est allongée entre 1997 et 2000, elle est passée de 10,5 années à 11, 4 années. Il y a entre 8 à 9 Cdi sur 10 contrats de travail dans le privé. Le Cdi domine encore largement. Mais, hélas, la précarité ronge : il y a 900 000 Cdd et 650 000 intérimaires (et des saisonniers et des temps partiels subis) soit 12,5 de précaires. La seule exception à la montée de la précarité fut l'année 2000 où Cdd, intérim, et temps partiels, reculèrent légèrement, tandis que croissance et emploi progressaient.
Les deux périodes récentes où la précarité a augmenté le plus sont celles de MM. Balladur-Giraud (loi quinquennale, année 1993 et suivantes) et maintenant celle de François Fillon, champion du Medef et de la régression de droit social.
Pour lutter contre la précarité devenue un moyen particulièrement condamnable de gestion du personnel, la meilleure solution est d'imposer un quota, un plafond maxima de 5 % de Cd et d'intérim parmi les effectifs des entreprises de plus de 20 salariés. Outre le "contrat de mission", quelles mesures préconisées par le rapport Virville vous choquent-elles?
Le rapport propose ensuite de modifier le code du travail par ordonnance, c'est-à-dire sans passer par l'Assemblée nationale et donc en écartant le législateur pour confier cette tâche à des experts... M de Virville propose de pérenniser sa commission pour assurer ce travail.
De Virville propose de prescrire au bout de 10 ans toute action indemnitaire liée au contrat de travail : vous pouvez imaginer les conséquences pour les salariés victimes de maladies professionnelles, comme l'amiante, les troubles musculo-squelettiques, les cancers d'origine professionnelle. Et aussi pour des syndicalistes victimes de discrimination qui ont récemment obtenu de faire « redresser » leur carrière et leurs salaires : ils ne le pourront plus.
La commission a également proposé d'organiser les élections des délégués tous les 4 ans, au lieu de 2 : or la durée de vie d'un délégué du personnel est de 1,5 an, vu les difficultés, turn-over, découragement, discriminations, pressions... Une élection tous les 4 ans, de surcroît ca couperait les élus de leurs électeurs salariés.
D'autres dispositions visant à réduire le droit syndical, les informations transmises lors des comités d'entreprise. De Virville propos de réduire les délais pour transmettre l'information patronale avant une réunion du comité d'entreprise : ça reviendrait à favoriser les "licenciements par fax", comme on a pu le voir chez Marks et Spencer.
Il y a la proposition disant que si une nouvelle loi est votée, les accords passés au nom de la législation précédente resteraient en vigueur pendant deux 2 ans. Au cas où la gauche passe aux prochaines élections...il faudra attendre 2 ans pour que ses nouvelles lois s'appliquent. ! (De Virville aurait pu proposer 5 ans, on n'aurait rien pu changer en un quinquennat...)
Il ne s'agit que de quelques exemples : il y a aussi des modifications réactionnaires dans la redéfinition de la place du contrat de travail, dans les délimitations par rapport aux travailleurs « indépendants », dans la façon d'élire les prud'hommes... Pourquoi la gauche a-t-elle autant de mal à se faire entendre sur l'emploi ?
Il faudrait que la gauche soit aussi fidèle aux salariés que la droite est fidèle au patronat !
Propos recueillis par Jérôme Hourdeaux
(Le mardi 27 janvier 2004)
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