En Bolivie, réelle stabilisation ou fausse accalmie avant la tempête ?
04/04/2009 |
Le 25 janvier dernier, le peuple bolivien a ratifié à une forte majorité la nouvelle constitution proposée par le président Evo Moralès. Cette constitution vise à donner une « place prépondérante aux communautés indigènes, à la justice sociale et au rôle de l’État ». Le texte reconnaît en effet 36 groupes indigènes différents, leurs langues, leurs cultures, ainsi que leurs propriétés communautaires.
En outre, la constitution prend acte de l’appropriation collective des ressources naturelles par la nation bolivienne et institue un « délit écologique ». La ratification du texte constitutionnel a également été l’occasion d’interroger le peuple bolivien sur la taille maximale des grandes exploitations agricoles. Les Boliviens ont voté massivement pour la limite la plus basse, à savoir 5000 hectares. Visiblement, tout va bien dans le meilleur des mondes. Les affrontements sociaux de l’automne 2008, qui avaient fait plus de 30 morts dans la région de Pando, semblent loin. La ratification de la constitution signe-t-elle la fin de la révolution bolivienne ? La lutte des classes peut-elle être balayée d’un simple trait de plume ? En fait, la victoire électorale cache une situation qui reste explosive. Le texte final de la constitution est le résultat de nombreuses concessions faites à l’opposition de droite qui domine au sénat. Un exemple ? La limitation des latifundia à 5000 hectares maximum n’a aucune valeur rétroactive. Ainsi, seules les grandes propriétés constituées dans le futur seront expropriables. La droite a eu ce qu’elle voulait : l’institutionalisation du quasimonopole de l’oligarchie sur les terres agricoles… L’opposition de droite relève la tête, malgré l’échec de sa stratégie de déstabilisation violente du régime, fin 2008. D’ailleurs, alors que Moralès avait annoncé publiquement espérer 70% de votes positifs, le Oui n’a récolté que 62% des voix. Pour autant, la bipolarisation socio-spatiale du pays est confirmée par le vote du 25 janvier. Les régions riches de l’Est et du Sud ont nettement rejeté le texte de Moralès (plus de 70% à Santa-Cruz !), alors que le soutien au président est toujours aussi fort dans les régions andines et populaires de l’Est. L’affrontement social, que la constitution cherche à éviter, paraît inéluctable. Les masses, d’ailleurs, sont toujours mobilisées et prêtes à se dresser à tout mouvement de la réaction. L’équilibre actuel est bien précaire…[caption id="attachment_3538" align="alignnone" width="120"]L’article en PDF[/caption]