Des grèves en Suisse ? Oui, ça existe !
29/01/2015 |
Nous publions ici la chronique mensuelle de notre ami Jean-Claude Rennwald, militant socialiste et syndical suisse, ancien député (PS) au Conseil national suisse. Cet article est paru dans le numéro 220 de Démocratie&Socialisme (décembre 2014).
Même s’ils sont relativement bien informés, la plupart des touristes étrangers pensent qu’ils ne rencontreront jamais un seul gréviste lors d’un séjour en Suisse. Or, ces dernières semaines, plusieurs grèves et autres mobilisations sont venues mettre à mal cette image d’Épinal. Et ces actions directes (transports publics genevois, fonction publique et enseignement à Neuchâtel, artisanat à Fribourg, bâtiment) contrastent singulièrement avec le baromètre des préoccupations 2014 du Crédit suisse (CS). Selon cette enquête, 90 % de la population se dit fière d’être suisse, un niveau jamais atteint jusqu’ici. Reste à savoir de quoi les Suisses sont fiers. Car ce baromètre repose avant tout sur des généralités, tout en évitant de demander aux Helvètes s’ils sont fiers d’un certain nombre de déficits sociaux, économiques, politiques et culturels de leur pays. Neutralité et horlogerie Selon le CS, deuxième plus grande banque suisse, cette fierté repose sur les principales caractéristiques politiques et économiques du pays, comme la neutralité, la cohabitation des cultures linguistiques, l’horlogerie, la réputation internationale de qualité ou encore la recherche. Ces résultats sont probablement incontestables, mais ils ne nous disent malheureusement pas grand-chose sur l’évolution de la société helvétique et sur la façon dont ses membres appréhendent la réalité socioéconomique. Loin de la coupe aux lèvres Si l’on quitte les grands concepts pour regarder ce qui se passe sur le terrain, dans le vécu quotidien des citoyens et des travailleurs, force est d’admettre qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, car la Suisse est aujourd’hui confrontée à quelques fractures conséquentes, qui ne peuvent que relativiser la fierté que dessine le baromètre du CS. En effet, comment ce pays peut-il être fier des centaines de milliers de travailleurs qui gagnent moins de 4'000 francs par mois, salaire minimum selon les syndicats ? Comment peut-on afficher une telle fierté alors que le partenariat social se délite, comme en témoignent l’opposition du patronat du bâtiment à l’octroi de toute augmentation salariale aux maçons ou « l’oubli » de plusieurs autorités cantonales de négocier avec les salariés de la fonction publique – tout en menant des politiques d’austérité obligeant ces derniers à recourir à l’arme de la grève ? Comment louer la coexistence linguistique et culturelle, alors que plusieurs cantons alémaniques méprisent l’enseignement de la langue française ? Et surtout, comment apprécier cette soi-disant fierté helvétique alors qu’une part importante de la population manifeste des sentiments fondamentalement xénophobes à l’égard des immigrés, qui ont pourtant largement contribué à la richesse du pays ? Jamais aussi riche, mais… Ces quelques constats s’inscrivent parfaitement dans cette réflexion formulée par l’Union syndicale suisse (USS) avant son dernier congrès : « La Suisse n’a jamais été aussi riche, mais seule une minorité en profite. ». À l’appui de cette thèse, l’USS donnait ces quelques exemples :[caption id="attachment_6543" align="alignnone" width="120"]L’article en PDF[/caption]