Derrière le baratin de “la lettre” de Sarkozy “aux éducateurs”, la régression

La rentrée scolaire 2007 est caractérisée par une série d’attaques sans précédent : la volonté d’en finir avec la carte scolaire ; le rapport du HCE sur l’enseignement primaire ; la remise en cause du collège unique ; la suppression de 10 200 postes dans l’éducation nationale ; la réduction des heures de cours, le lancement du " chantier du statut et du service des enseignants " mis en place autour d'un comité sous la direction " morale " de Michel Rocard ; la volonté d'imposer un service minimum en cas de grève ; d'annualiser les services d'enseignement ; d'allonger l'année scolaire ; de généraliser la bivalence ; " la lettre aux éducateurs " de N. Sarkozy, manifeste de 32 pages où il résume son projet politique pour l’école.
Sarkozy dresse un tableau particulièrement sombre du système éducatif dans sa “lettre aux éducateurs”. Ce dernier fait écho au tohu bohu médiatique sur le rapport du HCE. L’école est dans une situation catastrophique. L’échec scolaire atteint des niveaux qui ne sont pas acceptables. 40 % des élèves entreraient en 6ème sans savoir lire et écrire. L’inégalité devant la culture et le savoir s’accroît. La culture commune est à ce point délitée qu’il est impossible de se comprendre. Il faut donc refonder l’école autour de mesures qui mêlent à la fois morale et gestion du système éducatif. Les propositions concrètes sont peu nombreuses mais donnent l’articulation de son projet : un objectif budgétaire clair et précis déjà entamé et préparé par Ferry et De Robien (baisse des postes aux concours d’enseignants) et deux propositions, déjà affirmées dans son programme, qui visent, en pratique, à " refonder " le projet d’école républicaine et de démocratisation scolaire, en une école clairement ségrégative.Diversification des parcours contre collège unique
Les enfants sont différents. Leurs réussites sont donc différentes. On ne parle pas encore de génétique mais on s’en rapproche. Les causes sociales de l’échec sont absentes. La réussite scolaire est renvoyée à la responsabilité individuelle des élèves, des familles ou des enseignants. Il s’agit de changer l’école avec moins de moyens. Une quadrature du cercle apparente, car le remodelage du système éducatif sera libéral. La remise en cause du collège unique obéit à deux objectifs. Le premier est budgétaire, le second social. Supprimer le collège unique c'est accepter l'idée que, comme sous la IIIème République, pauvres et riches ne fréquentent plus les mêmes écoles. C'est accepter de creuser la fracture sociale, voire la montée des communautarismes. Attaquer le collège unique c'est défendre une société inégalitaire. Aujourd’hui, il ne faut pas se débarrasser du collège unique ; Cette formule réussit comparativement mieux que l’école à filières ; mais se demander comment créer les conditions de la réussite de notre école uniqueModerniser l’école
Au delà de la rhétorique refondatrice, il s’agit d’amplifier la politique menée par les ministres précédents, Ferry et De Robien, et d’appliquer les audits de " modernisation " lancées sous les gouvernements Raffarin et Villepin. Ils recommandent de réduire de 20 % le nombre d'enseignants en diminuant les horaires d'enseignement, en annualisant le temps de travail et en regroupant plusieurs classes pour certains enseignements. L’application est en marche dans les lycées et collège. Fillon vient d’annoncer qu’elle allait s’appliquer dans les lycées professionnels. La scolarisation à deux ans ne cesse de régresser et les classes maternelles sont gravement menacées. Lutter contre l’échec scolaire c’est d’abord démocratiser l’accès aux savoirs et aux qualifications : 20 % d’une génération, 160 000 élèves, sortent de l’école sans diplôme reconnu chaque année. L’enquête PISA (qui compare les compétences dans la langue maternelle, en mathématiques et en sciences de tous les enfants de 15 ans des pays de l’OCDE), nous montre que notre système scolaire est très clivé socialement. 50 % des élèves ont des difficultés dans la scolarité obligatoire et 50 % sont parmi les plus performants (ceux qui ont 15 ans vont vers le bac général). La caractéristique essentielle de notre école est qu’elle fait bien réussir les élèves qui s’y adaptent et qu’elle a du mal à répondre aux besoins des autres. Le poids de l’origine sociale est dans ce clivage particulièrement lourd et vide de sens le slogan d’égalité des chances. La massification de l’enseignement secondaire, premier puis deuxième cycle n’a pas été accompagnée d’un mouvement de démocratisation mais a produit un résultat inverse. De 1985 à 1995, l’obtention du baccalauréat est passée de 30 % à 60 %. Le taux d’obtention du baccalauréat général a stagné autour de 15 % pour les enfants d’ouvriers qui se sont reportés sur les baccalauréats technologiques et professionnels. Aujourd’hui, le taux stagne, et cette " panne " touche d’abord les milieux les plus modestes. Un bac général pour enfants de cadres et de professions intermédiaires et un bac professionnel pour les enfants des milieux les plus modestes. L’homogénéité sociale de la voie générale a été préservée. Les pré requis sociaux exigés sont restés les mêmes. Cela a impliqué une régression de la démocratisation de l’enseignement supérieur. La démocratisation ne va pas de soi dans notre pays. L’alternative est simple, en sortir par la démocratisation ou la sélection. C’est le choix entre la gauche ou la droite. Aucune confusion n’est possible. La semaine d’action unitaire prévue lors du vote du budget doit être massive. Philippe VerdierPolitique menée en matière d’éducation : DANGER
Les Fédérations de l’Education FAEN, FERC-CGT, FSU, SGEN-CFDT, UNSA-Education se sont réunies le 12 septembre. Elles confirment leur analyse de la politique menée en matière d’éducation et de ses conséquences tant pour le service public d’éducation et la réussite de tous les jeunes que pour ses personnels (emploi, précarité, salaires, conditions de travail,…). Elles considèrent comme primordial de construire sur la durée une campagne d’opinion avec les fédérations de parents, les syndicats lycéens et étudiants, les associations complémentaires et mouvement pédagogiques ; c’est dans cet esprit qu’elles participeront à la prochaine réunion commune de ce groupe. S’agissant de leur responsabilité propre elles appellent leurs organisations locales à se réunir dès maintenant pour engager une campagne d’explication et de mobilisation en direction des personnels visant à construire une action à caractère national et à débattre avec eux des modalités. Elles les appellent à faire remonter les informations et la teneur de ces débats et se retrouveront régulièrement au niveau national pour faire le point et préciser les initiatives qu’elles prendront. Elles décident d’ores et déjà de travailler à une semaine d’actions au moment du vote du budget.
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