Contraindre les chefs d'entreprise à contribuer au développement du Sud
01/06/2009 |
Dans ce contexte actuel et assurément persistant de crise économique et financière - crise systémique - il s’avère absolument nécessaire politiquement de réfléchir et de proposer de profondes modifications du système libéral omnipotent. Il est dans ce cadre intéressant de porter attention aux réactions et réflexions des structures associatives à cette remise en cause. Relevons notamment cette récente campagne titrée, à raison, «Hold-Up» impulsée par les associations de renommée internationale Oxfam France - Agir Ici et le CCFD - Terre Solidaire.
Cette campagne repose en fait sur des propositions élaborées dans le cadre de l’alliance ECCJ (European Coalition for Corporate Justice), du Tax justice network et de la Plate-Forme Paradis Fiscaux et Judiciaires qui regroupent entre autres aussi ATTAC et le CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde). Cette campagne, notamment relayée également par l’association de solidarité internationale Ingénieurs Sans Frontières, le CRID (Centre de Recherche et d’Informations sur le Développement) et Les Amis de la Terre, a été lancée fin mars 2009 pour renforcer la responsabilité des entreprises quant à leurs impacts dans les pays en développement. L’impact de l’évasion et de la fraude fiscale de ces entreprises sur les ressources publiques des pays en développement y est, entre autres choses, largement abordé. A travers cela, les questions soulevées sont aussi les conséquences des activités de certains investisseurs étrangers dans leur pays : droits sociaux et syndicaux bafoués, pollutions irréversibles, mainmise sur les ressources naturelles. Populations et associations se retrouvent souvent démunies devant les abus d’une filiale sans aucun recours possible auprès du groupe mère. La campagne « Hold-Up international » exige qu’au-delà des déclarations d’intention et des initiatives volontaires de quelques multinationales, soit mis en place un cadre européen harmonisé et contraignant pour toutes.Cadre de la campagne «Hold-Up»
Se basant sur le principe que toutes les entreprises doivent être régies par des règles du jeu communes, la campagne estime fondamentalement qu’elles soient donc avant tout partagées au niveau de l’Union européenne. De nombreux États membres ont mis en place des régulations au niveau national, mais la Commission Européenne, réceptive au lobbying de certaines entreprises, est peu encline à proposer un cadre harmonisé. La campagne interpellera, d’une part, les candidats aux élections parlementaires européennes du 7 juin 2009 et d’autre part, le Président de la république. A chacun des candidats, elle demandera de s’engager à pousser la Commission à proposer un cadre européen contraignant favorisant la transparence et la responsabilité des entreprises européennes.Ses objectifs
Tel que l’indique M. Labusquière, chargée de plaidoyer sur le financement du Développement pour Oxfam- France, il s’agit de lutter contre l’impunité des sociétés mères qui engrangent les profits de leurs filiales sans avoir à répondre des violations qu’elles commettent, en élargissant leur responsabilité juridique. En fait, l’objectif de cette campagne est de progresser sur les points suivants : Instituer la responsabilité des sociétés mères vis-à-vis de leurs filiales et des sociétés qu’elles contrôlent quant aux impacts générés sur les droits humains et sur l’environnement. Instaurer l’obligation de rendre des comptes sur les impacts environnementaux, sociaux et de droits humains des activités des entreprises. L’évolution des normes comptables internationales pour exiger des entreprises multinationales qu’elles rendent compte, dans chaque pays où elles opèrent, de leurs activités, de leurs bénéfices et des impôts, versements qu’elles paient auprès des autorités locales et cessent de délocaliser leurs profits dans les paradis fiscaux. La création d’un registre européen du commerce afin d’éliminer les sociétés écrans (et les structures opaques qu’offrent les paradis fiscaux pour éviter l’impôt) du territoire européen et des territoires d’outre-mer, en exigeant l’enregistrement des propriétaires et bénéficiaires véritables de chaque structure juridique (y compris les trusts, fiducies et anstalt) qui y opèrent.La campagne et ses suites
A la veille des futures élections du Parlement Européen le 7 juin prochain, la campagne se mobilisera pour rencontrer les têtes de liste des principaux partis en région. Les candidats seront invités à signer une charte d’engagements relatifs au renforcement de la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) et de la responsabilité fiscale des entreprises - charte pour qu’ils défendent ces propositions lors de leur futur mandat au Parlement. La campagne s’engage également à travailler de concert avec les nouveaux parlementaires élus. Le Président de la république Sarkozy sera, lui aussi, interpellé par une carte postale et par une pétition en ligne (http://www.oxfamfrance.org/evasionfiscale/), pour lui demander de défendre nos mesures de régulation au G20 et au G8, comme auprès de ses partenaires européens. Le prochain rendez-vous international est connu : en septembre 2009, à New-York, il sera donc par le fait demander au G20 d’aller plus loin sur les paradis fiscaux en exigeant la transparence des acteurs qui les utilisent : les multinationales ! Il est précisé également d’exiger des partenaires au Sud davantage de transparence de la part de leur gouvernement, afin que les populations ne soient plus spoliées des richesses créées dans leur pays. La campagne a été lancée publiquement fin mars dernier en amont du G20 de Londres et doit se développer durant le printemps prochain notamment juste avant l’élection Européenne.Contextualisation politique
Il n’est pas innocent que la revue prête une écoute attentionnée à cette campagne car tout en s’avérant initiée par des associations internationales, elle se révèle très politique, profondément politique. Sur le fond, à travers ses objectifs, cette campagne soulève des questionnements et des interrogations que nous écrivons et portons depuis plusieurs années. Via ces exigences sur la responsabilité sociale et fiscale des entreprises, cette campagne reprend pour partie des éléments que nous revendiquions dans notre contribution «Redistribuer les Richesses» id est une autre mondialisation avec une nouvelle hiérarchie mondiale des normes sociales donnant la primauté à la Déclaration universelle des droits de l’homme ce qui imposerait l’établissement d’un nouveau système monétaire international et que le secret bancaire soit levé, que des montants compensatoires soient instaurés contre le dumping social. Ceci se révèle d’ailleurs en 2009 toujours, voire plus pertinent et d’actualité. Cette campagne aborde ses objectifs à travers l’échelle européenne, ceci ne fait renforcer à quelques jours maintenant de cette échéance électorale européenne l’importance à porter à ce vote. Loin des arguments de nos adversaires sur notre position pour le Non au Traité Constitutionnel Européen de mai 2005, nous sommes européens, dix mille fois européens mais pour une Europe démocratique et sociale, donc pas de n’importe quelle façon. Seule l’Europe sociale peut assurer l’avenir de l’Europe tandis que l’Europe libérale la conduit inéluctablement à l’échec. En ce sens, telle cette campagne le revendique, nous aurions les moyens d’encadrer le marché unique, d’édifier un droit social européen et d’harmoniser la fiscalité. Certes, des compromis seront nécessaires, à condition de ne pas renoncer à nos idées et de ne pas reculer face au libéralisme. Il serait pertinent, voire nécessaire, que les candidats socialistes prêtent une grande attention à cette campagne et répondent à ces propositions, voire s’engagent sur la Charte précédemment évoquée. Il faut par ailleurs également retenir que pour le Parti socialiste, il s’avère absolument indispensable de se montrer encore et toujours plus à l’écoute, à l’échange et à la collaboration avec les causes associatives de solidarité internationale comme de façon générale et in extenso avec les syndicats et toutes représentations de la société civile. Enfin, il transparaît à travers cette campagne que l’attitude du gouvernement actuel demeure à combattre et impose des contre-propositions à cette société libérale et au système capitaliste qu’il continue de prôner, ceci, malgré les vaines et hypocrites déclarations d’intention qu’il s’évertue à prononcer tels les discours de N. Sarkozy lors du dernier G20 à Londres sur les paradis fiscaux et ses virtuelles listes grises associées. Damien Landini[caption id="attachment_3647" align="alignnone" width="120"]
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