Calculez votre retraite ! (en circulation sur le net)
16/05/2003 |
Je me permets d'intervenir à nouveau sur la question des retraites. Pas au sujet des chiffres des déficits, souvent cités, pas souvent compris (ne serait-ce que parce qu'ils reposent sur des évaluations de l'évolution démographique qui ne sont avancés qu'avec beaucoup de prudence par l'INSEE, ou encore parce qu'ils ne tiennent pas compte de l'évolution de la productivité dans les prochaines décennies, ou encore parce qu'ils se présentent le plus souvent sous forme de cumuls, de façon à impressionner). Pour que tout le monde comprenne bien, il faut prendre un exemple concret. Je signale, à ce sujet, que tous les calculs diffusés par les syndicats et les médias jusqu'au 8 mai sont FAUX, ne serait-ce que parce que les "pénalités par année manquante" ont été DOUBLEES : -6%, au lieu de -3%. Donc voilà un exemple banal. Je me propose de montrer que nos retraites vont baisser de 50 à 60 % (et non pas de 20 à 30%, comme annoncé un peu partout). Voici comment. Un fonctionnaire, né en 1953. Il est donc aujourd'hui âgé de 50 ans. Et il aura donc 60 ans en 2013. A cette date, il touchera, par exemple, 2500 euros (brut) mensuel. Nous supposerons qu'il a commencé sa carrière à 25 ans, cas majoritaire aujourd'hui chez les enseignants (60% d'entre eux prennent leur retraite sans atteindre les fameuses 37,5 annuités, et pourtant le plus souvent à 60 ans). Nombre d'annuités prises en compte = 35 ans. Ayant donc cotisé 35 ans, et si rien ne change, il pourra quitter sa fonction à cette date, sur la base suivante : 2% par an X 35 = 70% de son dernier salaire, soit 70% de 2500 euros = 1750 euros (soit 11500 francs environ, montant brut toujours). Fastoche. Maintenant référons-nous au nouveau code des pensions (loi Fillon) : En 2013, il faudra avoir cotisé, non pas 37,5 ans, ni même 40 ans, mais 41 ans pour percevoir 75% de son salaire brut. Et encore, même pas celui du dernier mois, mais celui qui ressortira des 3 dernières années, donc les chiffres qui suivent sont surévalués. Mais bon. Allons-y. Sa décision est prise : il partira à 60 ans. Quand même. Il a des raisons, il a ses raisons. CALCULS : 1°) Calcul du ratio : 75 / 41 = 1,83% (environ). Tel sera donc le ratio à prendre en compte par année, au lieu des 2% actuels. 2°) Retraite de base : 35 ans X 1,83% = 64%, au lieu de 70%. Première perte, donc : - 6%. 3°) Pénalités : il manque à notre fonctionnaire 41 - 35 = 6 ans de cotisations. Chacune de ces années manquantes sera pénalisée au taux de 6%, soit 6 ans X 6% = 36%. Mais la mansuétude du gouvernement est telle que la pénalité totale ne sera "que" de 30%. On se demande de quoi on se plaint. 4°) Nouveau calcul : 64% - 30% = 34% du salaire brut (sur la base des 3 dernières années, mais on ne va pas chipoter). Ce qui "donne", si l'on peut dire : 2500 X 34% = 850 euros, soit 5584 francs environ. 4°) Mais ce montant peut se révéler inférieur à la pension minimum dans la fonction publique. Il faut vérifier : la pension mini vaut 57% de l'indice 227 pour 15 ans de service + 1,9% par an. Le point d'indice vaut actuellement 4,37 euros. Donc l'indice 227 représente 227 X 4,37 = 992 euros. Qu'en est-il pour notre fonctionnaire ? Il a accompli 35 ans de service, soit 15 ans + 20 ans. Donc, pour lui, rien que pour lui, le calcul va s'établir ainsi : 992 euros X (57 + (20 X 1,9%)), soit 95% de 992 euros, soit 942,40 euros, c'est-à-dire 6191 francs (montant brut, avant prélèvements obligatoires, cotisations sociales et impôts). Il pourra toujours pleurer, mais les kleenex ne seront pas fournis. 5°) Il ne lui reste à faire qu'un dernier calcul : si Messieurs Raffarin, Fillon et consorts n'étaient pas intervenus dans l'intérêt de tous, il aurait perçu 70% de son dernier salaire, soit 1750 euros (=11500 francs environ). Mais grâce à tous ces gens très bons très dévoués, il va maintenant devoir s'attendre à une pension limitée à 942 euros (=6191 francs environ), soit un taux de remplacement de : 992 / 2500 = 37,7%. La baisse est donc de : 70 / 37,7 = - 53,86%, et cela chaque mois, et chaque année, jusqu'à la fin de sa vie. Chaque mois, il aura perdu : 1750 - 942 = 808 euros (5300 francs environ). Chaque année, il aura perdu : 808 X 12 = 9696 euros (63702 francs environ). S'il décède à 80 ans, il aura perdu : 9696 X (80 - 60) = 193.920 euros, soit environ 1.274.054 francs. Autant de sous qui auraient pu aider ses enfants à s'installer, autant d'argent qu'il n'aura pas pu utiliser personnellement. Heureusement pour lui, il n'a jamais eu le malheur d'être placé en longue maladie pendant son activité professionnelle, et il n'a jamais travaillé à mi-temps ou à temps partiel. Il n'a jamais non plus été employé comme auxiliaire. Il n'aura pris aucun congé (disponibilité pour convenances personnelles, pour l'éducation des enfants, etc.). Mais devant la perspective d'une telle perte financière, il se demande s'il va vraiment prendre sa retraite en 2013, ou s'il va plutôt attendre sa 66e (ou 67e) année, en 2019 (ou 2020), mais comme un nouvel allongement de la durée de cotisation est déjà programmé, il risque alors de devoir travailler 43, voire 45 ans (soit jusqu'à 70 ans). Donc il envisage : peut-être 63 ou 64 ans, en fonction des dispositions à venir ? Quoi qu'il en soit, dans cette perspective, et faute de savoir prédire l'avenir, il réduit dès à présent son "train de vie", ses investissements, etc. Il n'a guère les moyens d'envisager des "placements". Alors il se dit qu'il y a une manifestation contre la loi Fillon, dans la ville près de chez lui. Il se dit qu'il y a peut-être encore une chance. Et il y va. Et vous, vous ferez comment ? Sans ironie aucune, je suis curieux de lire la réponse de certains... Cordialement PS (si j'ose dire) : bien entendu, si quelqu'un s'aperçoit que j'ai fait une erreur, soit une erreur dans l'interprétation de la loi, soit une erreur de calcul, je suis tout prêt à faire pénitence. Je rappelle la page en bas de laquelle vous pourrez télécharger le document PDF qui doit servir de base :
http://www.fonction-publique.retraites.gouv.fr/cps/Public/documents.
http://www.fonction-publique.retraites.gouv.fr/cps/Public/documents.
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