Au dépot RATP de Fontenay aux Roses
06/06/2003 |
Dépôt de bus RATP Fontenay aux Roses: 4h30 jeudi matin, une trentaine de grévistes au piquet, + 4 instits et profs. Ca monte progressivement jusqu'à une centaine à 6h30, heure à laquelle les policiers (une cinquantaine) arrivent. 38% de grévistes (25% la veille). Palabres, discussions avec le commissaire, avec le directeur, ça traîne. 7h les grévistes obtiennent du directeur de faire l'AG de grève avant l'évacuation (bon enfant comme la veille où l'évacuation avait eu lieu vers 13h, croit-on). 7h10 : les policiers poussent en disant que le directeur a demandé d'évacuer sur le champ. Les gars sont ulcérés de s'être fait piéger. Ils s'arc-boutent pour résister à la poussée. Deux ou trois flics (jeunes) se mettent à cogner. Bousculade violente (il y a des baraques pas commodes parmi les RATP). Pendant quelques secondes, j'ai cru que c'était parti... Pas certain que les flics restent maîtres du terrain car ils n'ont ni l'avantage numérique ni, souvent, celui de la stature. Quelques machinistes interviennent pour calmer leurs copains déchaînés tandis que le commissaire engueule vertement ceux de ses hommes qui ont cogné. Le directeur est couvert d'injures : lâche (en une langue, ma foi, souvent plus verte), incompétent, "Je ne t'adresse plus la parole", "il est impossible d'avoir le moindre respect pour vous". Il est livide. Tension très vive. Un responsable CGT (qui a été foutu par terre dans la bousculade) traverse le rideau de flics, revient avec un escabeau, grimpe dessus et démarre l'AG sous le regard des non grévistes qui écoutent sur le côté. Les flics et le directeur laissent faire. Prises de parole, ambiance électrique. Les non grévistes sont interpellés : "Vous allez laisser faire ça ?". Un grévistes, venu avec sa fille lycéenne, dit, les larmes aux yeux que c'est pour ses enfants qu'il se bagarre. Il craque. Une autre pleure aussi, soutenue par un copain. Fin de l'AG, il est 8 h 15. Les flics avancent, le piquet s'écarte, une vingtaine de bus sort sous les quolibets : Collabo ! T'as fait des mômes parce que tu ne pouvais avoir de chien. T'as pas de cervelle et pas de couilles ! Résultat : 72% de grévistes alors qu'ils n'étaient que 38% le matin ! Vendredi 6 juin. Piquet à 4h30, comme d'hab. Une trentaine à l'heure, les autres arrivent progressivement. 150 vers 6h30. Le directeur du centre va de groupe en groupe, assurant qu'il n'y aurait pas d'intervention de la police, que l'AG pourrait avoir lieu normalement mais qu'il aimerait bien qu'ensuite, il n'y ait pas de blocage du dépôt. 6h30, arrivée du commissaire de police. Quelques minutes après, les martiens débarquent : les gendarmes mobiles, cuirassés, encoquillés, casqués, vitrifiés, boucliers, matraques, lance-patates, flash-ball. Pas de discussion, manoeuvre enveloppante, ils passent derrière les grévistes et commencent à pousser brutalement, on résiste en se laissant pousser, quelques coups sournois partent, des grévistes s'énervent, balancent d'inefficaces moulinets à mains nues contre les forteresses rampantes qui répliquent à coups de matraques. Certains pleurent de rage : "On n'est pas de voyous", "fascistes", "t'as pas honte". On se retrouve parqués sur une moitié de cour, les issues fermées par un cordon de mobiles... Prisonniers ! Les grévistes interpellent ceux qui étaient prêts à travailler, un se décide, un autre, un troisième, les trois dizaines de machinistes en tenue RATP franchissent la ligne des martiens sous les congratulations des grévistes. Le rideau de fer du hangar où sont parqués les bus s'abaisse : le directeur, très secoué, vient de décider qu'aucune voiture ne sortirait aujourd'hui, quand bien même il y aurait des machinistes non-grévistes. Il n'avait pas été informé de l'évacuation de son dépôt, décision prise, la veille, dans le secret, par le Préfet. Il s'agit, à l'évidence, d'une décision politique prise à un haut niveau pour tenter de briser le mouvement. C'est un échec : une AG survoltée. C'est une véritable leçon de chose que donne à tous le gouvernement : des projets qui laminent ce qui reste de législation sociale dans ce pays. Tu bosses, tu payes et tu te tais. Et si tu l'ouvres, les képis casqués. La leçon a été entendue : 100% de grévistes.
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