Attention danger : autonomie
01/03/2009 |
« Il y a autant d’autonomies que d’omelettes et de morales » Paul Lafargue AUTONOMIE. Un bien joli mot, devenu au fil des ans, l’alpha et l’oméga de toute politique concernant l’université. Même si, bien évidemment, on se garde de préciser ce qu’on y met. Autonomie signifie littéralement qui fixe ses propres règles. Cela signifie donc qu’aujourd’hui ce ne sont pas les universités qui fixent leurs règles mais un autre : l’État. Les universités perçoivent la majeure partie de leur budget de l’État, les droits d’inscription sont les mêmes partout sur le territoire, les diplômes(1) doivent être validés par le ministère, les universités ne peuvent pas sélectionner les étudiants(2), la composition des Conseils d’administration est très encadrée par le code de l’Éducation, etc.
Dossier réalisé par Mathias Tessier (44) et Simon Heger (44) [caption id="attachment_3449" align="alignnone" width="52"]
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L’autonomie, facteur d’inégalités
La réduction du rôle de l’État signifie, par nature, une distinction de plus en forte entre les universités. Chaque université a alors intérêt à attirer les meilleurs étudiants par tous les moyens. La compétition devient acharnée et malheur aux vaincus ! Bien entendu, cette mise en concurrence aggravera inévitablement les inégalités entre les universités et donc, par voie de conséquence, les inégalités entre les filières et entre les étudiants. Alors qu’aujourd’hui un seul fils d’ouvrier sur dix accède à l’Université, l’autonomie favorisera ceux qui sont déjà les plus économiquement, socialement et culturellement dotés. L’autonomie se traduira également en matière de recherche par un financement des projets pouvant être exploités rapidement par l’Université, améliorant ainsi son image. Exit la recherche à long terme ou sur des sujets portant à controverse. Quelle université financera un projet cherchant à démontrer la dangerosité du vote électronique, alors que par ailleurs elle organisera ses élections par ce mode de scrutin ?L’université : no man’s land politique ?
L’autonomie participe à l’idée que l’université n’est pas un lieu politique. Pourtant, une des missions attribuées à l’université est de diffuser la culture et l’information scientifique et technique. Elle est aussi motrice dans la « réduction des inégalités sociales ou culturelles et la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes en assurant à toutes celles et à tous ceux qui en ont la volonté et la capacité l’accès aux formes les plus élevées de la culture et de la recherche »(3). Bref, l’université n’est pas un prestataire quelconque qui vend ses savoirs à qui peut les acheter. Parce qu’elle influe considérablement sur la société, qu’elle permet de défendre un accès égal au savoir, quel que soit son milieu, l’université doit rester au coeur des politiques publiques. Il ne faut bien évidemment pas tomber dans les travers de l’actuel gouvernement qui cherche à instrumentaliser l’école pour servir sa propagande (en cherchant, par exemple, à légiférer sur le programme d’histoire). Reste qu’il faut défendre que l’université, pour qu’elle ne soit pas un instrument au service de quelques uns (pouvoir politique comme pouvoir économique) mais au service de toute la société, ne doit en aucun cas être « autonomisée ».Financements propres
Enfin, l’autonomie des universités signifie nécessairement, à plus ou moins long terme, de devoir trouver de nouveaux financements. Il faudra donc soit recourir au financement privé (encouragé par la LRU) ce qui réduira immanquablement la liberté de recherche, soit recourir au financement par les étudiants au risque d’aggraver la précarité étudiante et de considérer définitivement le droit aux études supérieures comme un privilège. Nous ne demandons pas que l’université soit coupée du monde et de ses réalités, bien au contraire. Pour qu’elle soit grand ouverte, elle ne doit pas être au service de quelques uns. Seul le financement public, sur des bases égalitaires, permet aux universités de devenir un moteur de l’égalité sociale, de l’émancipation individuelle et collective.Dossier réalisé par Mathias Tessier (44) et Simon Heger (44) [caption id="attachment_3449" align="alignnone" width="52"]
