Alerte sur la santé !
01/03/2009 |
Le parlement a commencé en février la discussion de l'important projet de loi: HPST (« Hôpital,patients, santé et territoires »; Ce texte va organiser l'offre de santé dans les territoires sous l'autorité des ARS (agences régionales de santé) qui interviendront dans 4 champs: la santé publique, les soins ambulatoires et hospitaliers,les services médico-sociaux, ainsi que les professions de santé. Elles seront compétentes sur l'observation de l'état de santé, la promotion de la santé et de l'éducation en santé et surtout, sur l'organisation de l'offre de services en santé.
Un constat alarmant
L'offre de soins n'est pas satisfaisante dans notre pays. La situation se détériore. Les clignotants s'allument les uns après les autres. Concernant l'hopital public, les déficits s'aggravent, 800 millions d'euros pour les 31 CHU en 2008! Pour équilibrer leurs budgets, les hopitaux devraient supprimer 20000 postes. Quant à la densité médicale , les écarts se creusent. Si, au niveau national, on compte 340 médecins pour 100 000 habitants ( 268 pour la région Centre, 417 pour la région PACA, 426 pour l'Ile-de-France mais... 70 pour le département de la Seine-St- Denis). Pour les spécialistes, l'écart se situe entre 34 pour la Lozère et 244 à Paris! Les taux de dépassements d'honoraires sont de 65% (140% pour les chirurgiens) à Paris. Il est difficile de trouver un médecin en secteur 1 en Ile-de-France, Rhone- Alpes ou PACA.La médecine de proximité : les impasses du système actuel
Les principes de 1927 définissant les pratiques médicales (liberté d'installation, liberté de prescription, paiement à l'acte) trouvent actuellement leurs limites. Des déserts médicaux se multiplient. On assiste actuellement à des surenchères entre collectivités territoriales pour attirer des médecins, primes d'installation, prise en charge de logements, de frais de cabinet... Des médecins roumains s'installent dans certaines régions déficitaires... Le gouvernement envisage même la mise en place d'une pénalité financière pour les médecins installés en zones surdotées qui refuseraient d'exercer des missions dites de service public(travailler ponctuellement dans des zones déficitaires en médecins, contribuer à la permanence des soins en effectuant des gardes). On peut douter de la volonté de ce gouvernement quand il affirme vouloir négocier cette pénalité avec la profession alors qu'il avait reculé devant la fronde des internes en septembre 2008 pour un projet analogue. L'augmentation du numerus clausus est en route, il s'accompagne de bourses (mises en place par les régions et les départements) destinées à aider les étudiants effectuant leur stage en médecine générale obligatoire depuis 2006. Les statistiques montrent qu'à l'heure actuelle, les nouveaux médecins ne s'installent pas . Seuls 9% des nouveaux inscrits à l'ordre s'installent comme libéraux, tandis que 66% choisissent d'être salariés et 24% remplaçants. 2 explications à cet état de fait; D'abord, la féminisation de la profession, 56% des médecins de moins de 35 ans sont des femmes, celles-ci sont, en majorité , des médecins-remplaçants. La deuxième explication réside dans la pratique de la médecine générale. Les nouveaux médecins connaissent uniquement l'hôpital , avec un travail en services spécialisés ,des pratiques de groupes pour établir un diagnostic et un protocole thérapeutique . La médecine générale (fondée sur la relation et la probabilité) leur fait peur ; le stage obligatoire accentue leur angoisse. Des pistes sont ouvertes. La médecine générale est depuis 2004 une spécialité. Jusque là ,on considérait que le généraliste était un médecin au rabais. Avec ce nouveau statut, les généralistes peuvent désormais enseigner dans les CHU à côté des spécialistes. Les étudiants apprennent le métier de généraliste . La 2ème piste se trouve dans le développement de la médecine de groupe et de pôles de santé pluridisciplinaires. Le choix est ici très politique. Lors de la dernière présidentielle, 58% des médecins qui ont voté Royal sont favorables à cette évolution mais seulement 37% des médecins qui ont voté Sarkozy. La droite ira-t'elle contre son électorat? Et pourtant, ce choix est l'avenir. Les pôles de santé peuvent réunir autour des médecins spécialistes et généralistes tous les professionnels( infirmières, kinés, sages-femmes,..). Les atouts sont multiples, permanence des soins, temps d'attente diminués pour les patients, possibilité d'une petite chirurgie, échanges entre professionnels pour affiner un diagnostic, et aussi pratique de la délégation de soins ( un vaccin réalisé par un médecin coûte 22€ mais seulement 3 € quand il est fait par une infirmière. Les incitations à ces initiatives doivent se multiplier ainsi que les partenariats avec les collectivités.pour développer les opérations de prévention sur un territoire. Avec ce choix, la pratique de la médecine généraliste redevient attractive mais elle suppose une rémunération des médecins sur le forfait et non plus sur le paiement à l'acte.La sauvegarde de l'hôpital public
Depuis une trentaine d'années, les hôpitaux vivent au gré de lois successives. La loi de 1983 (gouvernement Mauroy) met fin financement des hôpitaux publics et des PSPH (établissements privés participant au service public, comme les hôpitaux mutualistes) par le prix de journée et met en place une DGF (dotation globale de financement). Leur budget augmente chaque année d'un pourcentage fixé par l'Etat. La durée des hospitalisations chute avec en contre-partie une intensification du travail des personnels (en 1988 éclate la grande grève des infirmières) mais les budgets sont tenus... Ce système pérennise les inégalités entre hôpitaux, puisque les DGF ont été fixés sur les anciens budgets, ainsi, les hôpitaux récents ,en pleine expansion,connaissent des difficultés. La loi de 2003 change la donne, place à la tarification à l'acte (T2A). Désormais, le calcul ne se fait pas malade par malade mais par rapport aux coûts définis par pathologie regroupées en Groupes homogènes de malades (GHM). Chaque GHM est côté , chaque hôpital est rémunéré en fonction de son activité mesurée en nombre de cas traités par GHM. Le résultat est, bien sur, une concurrence entre les établissements; chacun alignant ses coûts sur le plus performant: traiter le plus de cas pour le coût le moins cher.. Tout est dans le codage des actes techniques entrant dans les GHM... Certaines pathologies comme les soins de longue durée dûs au vieillissement n'entrent pas dans le moule . Les hôpitaux (notamment privés) privilégient les actes les plus rentables . Avec ce système, les services d'urgence ont intérêt à multiplier les actes au détriment d'une médecine de proximité fondée sur les pôles locaux de santé....Certains, à droite, vont en tirer les conclusions, le privé coûte moins cher... sans se dire que les établissements publics doivent accepter tout le monde, or les plus pauvres sont les plus coûteux à soigner. Pour contrer la concurrence, les hôpitaux publics sont conduits à réduire leurs budgets ,notamment en personnel (avec la remise en cause de la fonction publique hospitalière). On explique les restructurations nécessaires par la loi du marché mais son application à la santé résulte de choix politiques. L'application de la T2A sans tenir compte de la situation sociale des patients ou de la situation géographique conduit à la mort de l'hôpital public. En face, des établissements privés qui font du rentable, et qui coûtent moins cher à l'assurance-maladie mais beaucoup plus aux patients qui doivent le plus souvent acquitter des dépassements d'honoraires importants, voire des dessous de table... Le projet de loi HPST prévoit la disparition du secteur PSPH ( essentiellement mutualiste) et son intégration au secteur privé. Il prévoit également que tous les établissements , même privés, participeraient aux missions de service public. De telles dispositions risquent d'entrainer la réduction d'une offre de soins accessible à tous, compte-tenu de la logique de l'hôpital privé. Ces dispositions seraient mises en œuvre dans les régions par les agences régionales de santé (ARS).Les axes de lutte pour renforcer l'accès de tous aux soins de qualité
Le 27 janvier, la CFDT, la CFTC, la CGT, l'UNSA et la Mutualité française (FNMF) ont publié une déclaration commune. Ces organisations entendent peser sur le débat parlementaire en présentant leurs propositions pour « un véritable service public de santé ». elles soulignent que « l'accessibilité au système hospitalier doit respecter le principe d'égalité d'accès aux soins.En ce sens, la délégation des missions de service public au secteur privé lucratif ne doit pas s'étendre. Là où elle existe, elle doit être encadrée afin que les patients puissent bénéficier des tarifs opposables (c'est à dire conformes aux conventions de la sécurité sociale) pour la totalité des soins ». Les organisations demandent le maintien du secteur PSPH notamment mutualiste. Elles veulent que les centres de santé soient reconnus par la loi comme acteurs de soins de premier recours (donc de proximité). Les organisations souhaitent des politiques de prévention face au développement des maladies chroniques ainsi que l'instauration d'un nouveau mode de rémunération des médecins libéraux reposant sur des forfaits et sur l'atteinte d'objectifs de santé publique. Didier Bourdelin[caption id="attachment_3459" align="alignnone" width="120"]L’article en PDF[/caption]